dimanche 30 décembre 2018

Le dernier bain (Gwenaëlle Robert)

[...] – Le citoyen Marat est mort.

On ne sait trop quoi penser du bouquin de Gwenaëlle Robert sur l'assassinat de Marat : Le dernier bain.
Ou plus exactement sur le célèbre tableau de David, puisque c'est le thème de cette collection qui nous fait entrer dans les coulisses d'une peinture.
L'idée est particulièrement intéressante et on se rappelle La jeune fille à la perle ou encore Les heures silencieuses.
Dans la même veine, Gwenaëlle Robert  nous fait habilement partager le quotidien parisien de ces heures agitées de la Révolution et nous voici dans l'entourage immédiat de Marat, à quelques heures de son assassinat et de la peinture qui s'ensuivit.
[...] Il faut que la postérité retienne son nom. Elle veut que l’on écrive dans les récits qui forgeront sa légende : « Elle s’appelait Marie Anne Charlotte de Corday d’Armont. »
[...] Une voix très grave, emplie de solennité : — Le citoyen Marat est mort.
[...] Une femme en bonnet hurle. — Justice ! Justice ! On a tué Marat !
[...] Ce procès n’est pas comme les autres. L’accusée est une jeune fille, âgée de vingt-cinq ans à peine, venue de Normandie, qui a assassiné le député Marat, de sang-froid, dans sa baignoire.
L'exercice historique et pictural est habile, l'écriture est fluide et riche (en évitant le gnangnan historique), mais le lecteur reste tout de même un peu sur sa faim ou plutôt sur sa soif d'apprendre.
Gwenaëlle Robert ouvre pourtant plusieurs pistes : le procès expéditif de cette énigmatique bonne femme qu'était Charlotte Corday dont tous les écoliers ont retenu le nom, la dévotion et la haine suscitées par cet étrange 'monstre' que fut Marat, à moitié médecin, à moitié journaliste, souffrant d'une maladie peau (d'où ses bains de souffre dans sa fameuse baignoire), la vie quotidienne des parisien(ne)s sous la Révolution ou la fin de Marie-Antoinette, ... mais aucune n'est vraiment explorée suffisamment et le lecteur se retrouve à compléter ou rafraîchir ses connaissances sur Wikipedia ... un comble !
Comme si l'auteure avait voulu tourner autour de l'obstacle, finalement effrayée d'avoir trop vite convoqué deux si énormes légendes de l'Histoire.
À lire [ici] un extrait du bouquin de l'historien Guillaume Mazeau sur cet épisode controversé.


Pour celles et ceux qui aiment l'Histoire.
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samedi 15 décembre 2018

La légende de Santiago (Boris Quercia)

Overdose.

Aaaargh ! Quelle déception que ce troisième ouvrage de Boris Quercia.
Les deux précédents, Les rues de Santiago et Tant de chiens, avaient pourtant mérité un coup de cœur.
Certes l'auteur nous avait habitué à un flic désabusé, en perdition, maladroit en amour et borderline en police. Mais là, trop c'est trop.
Certes nous savions déjà le flic Santiago adepte d'une petite ligne de coke de temps à autre, histoire de remonter à la surface de son désespoir.
Mais là, trop c'est trop, à la page 120 le lecteur commence à avoir les narines irritées et les gencives qui saignent.
[…] La pluie n’arrête pas de tomber et le métro est plein d’animaux mouillés en route vers l’abattoir.
[...] Je viens d’un autre monde, d’un monde froid et compact comme du goudron. Même si je le voulais, je n’arriverais pas à faire remuer le cadavre que je suis devenu.
[...] Jusqu’à ce qu’on soit tous entassés dans le même trou. Qui mérite son sort ? La roue des coups durs n’arrête pas de tourner et chacun aura un jour le numéro perdant. On ne mérite pas cette fin.
Et nous, on ne méritait pas ce troisième épisode, ni fait ni à faire : La légende de Santiago.
Alors pourquoi en parler ? Pour rappeler à l'ordre ceux qui n'ont pas encore découvert les deux premiers épisodes : deux excellents polars sud-américains, du noir de chez noir, mais ça vous aviez déjà compris.

Uniquement pour celles et ceux qui aiment la coke.
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samedi 8 décembre 2018

French uranium (Eva Joly & Judith Perrignon)

[...] – Il n’y aura pas d’enquête, c’est ça ?

On attendait sans doute un peu trop de ce French Uranium avec deux belles signatures créditées au générique : la journaliste Judith Perrignon et une Eva Joly qu'on ne présente plus.
Alors il flotte comme un petit air de déception sur cette lecture où l'on n'apprendra finalement pas grand chose qu'on ne sache ou suppose déjà sur les dessous pas très propres de notre république : politique, magouille et affairisme font évidemment bon ménage quand il s'agit d'exploiter quelques anciennes colonies où gisent encore quelques minerais précieux.
Reste tout de même le plaisir d'un thriller de bonne facture, d'une écriture classique mais sans relief, monté comme un scénario de cinéma.
[...] – Il n’y aura pas d’enquête, c’est ça ?
– La mort d’une pute de deux coups de couteau dans le ventre, c’est comme la mort de l’ouvrier sur son chantier. Une mort naturelle.
[...] Son empire ?
– Sa principale activité, c’est le commerce de matières premières.
– Uranium ?
– Entre autres.
[...] C’est même lui qui suggéra que l’achat des avions Rafale par le Nigeria soit nanti par cette mine d’uranium et l’argent prêté par la banque.
Notre monde n'est pas joli nous dit Eva. Nous n'en doutions pas certes, mais nous aurions aimé en apprendre un peu plus sur les mécaniques à l'œuvre.

Pour celles et ceux qui aiment les dessous pas très propres (de la République).
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Bratislava 68, été brûlant (Viliam Klimacek)

[...] On nous envahit facilement.

Au printemps 1968, les chars soviétiques entrent en République Tchèque, histoire de remettre au pas un pays qui commençait justement à profiter du printemps. Viliam Klimàcek n'avait que dix ans. C'est donc l'histoire de ses aînés qu'il nous raconte avec Bratislava 68, été brûlant.
[...] Nous sommes une nation condamnée à la tendresse. On nous envahit facilement.
On apprendra finalement peu de choses sur la grande Histoire, mais on découvrira par le menu ce qui faisait la vie quotidienne des tchèques ordinaires. Toute une galerie de personnages (l'auteur a réussi un beau puzzle fait de pièces piquées ici et là, dans la vraie vie) dont les destinées vont être balayées et renversées par le vent venu de l'est.
Le printemps (avant l'entrée des chars) est empreint d'une jolie nostalgie (ah, la Felicia !) mais c'est surtout la vie d'après dont veut nous parler Klimàcek  : celle de ceux qui sont restés du mauvais côté du mur et celle ceux qui ont pu (ou dû) s'échapper et pour la plupart, se réfugier au Canada, en Israël ou en Amérique du Sud.
[...] Jozef retira un peu de cash et salua avec sincérité un Noir dans la fleur de l’âge, élégamment vêtu. Celui-ci serra la main de Jozef, échangea quelques mots avec lui et partit derrière une porte vitrée. Lajoš le dévisagea.
— Qui est-ce ?
— Le directeur de la banque.
Cette réponse l’obligea à s’appuyer au comptoir. Jozef eut peur qu’il s’évanouisse.
— Ça va ?
En dépit des drames relatés, c'est une jolie histoire pleine de douceur et de tendresse pour ses personnages malmenés par les vents de l'Histoire.
[...] Tereza emporta avec elle un peu de neige qui disparut aussitôt. Dans sa main, il n’y avait plus que de l’eau. Mais cette sensation de froid lui resta en mémoire des semaines durant.
Comme un écho nostalgique aux flux migratoires de notre époque dont la poésie a disparu.

Pour celles et ceux qui aiment la petite histoire.
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