dimanche 29 mai 2016

La cabane des pendus (Gordon Ferris)

[...] Il prétendait que c’était la faute du prêtre.

Jusqu'ici, le seul kilt à émerger des brumes pluvieuses de Calédonie lorsqu'on évoquait le polar écossais, était celui de Ian Rankin.
Il faudra compter désormais avec les couleurs du tartan de Gordon Ferris.
La cabane des pendus est une fort agréable découverte.
Peut-être d'abord parce que l'on plonge dans un passé pas si lointain, en Grande-Bretagne, dans l'immédiat après-guerre, lorsque le pays et ses hommes se remettent à grand peine de leurs blessures.
[...] Après dix-neuf opérations des mains et du visage, il avait encore l’air d’un ouvrage assemblé par une couturière manchote.
[...] Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais fatigué à ce point. Fatigué de la guerre et de l’amertume qui avait suivi. Fatigué de Londres et de la colère sans visage d’une ville dévastée, rationnée en nourriture et en espoir.
[...] Cela rappelait de manière inquiétante les années 30, la Dépression et les marches de la faim. Où étaient les lauriers et les fruits de la victoire ?
Une Grande-Bretagne à la Dickens.
Bonne surprise encore, parce que le style renoue avec celui en vogue à l'époque, celui des privés.
Ici notre héros est un ancien flic, un bientôt journaliste, et l'écriture a ce petit parfum délicieusement rétro, où le 'je' met en scène ce détective un peu tête brûlée, un peu inconscient, un peu naïf, toujours prêt à prendre des coups, ceux des malfrats comme ceux des flics, et bien sûr à sauver la blonde qui va avec l'histoire.
Des détectives qui ont un don inné pour s'attirer les pires emmerdes, n'écoutant que leur conscience irréprochable ou presque et leur cœur immense ou presque, des chevaliers en quelque sorte.
Dans la même veine détective+rétro, on se rappelle le québécois Maxime Houde lu tout récemment.
[...] J’avais secoué le nid de frelons, il en résulterait quelque chose qui jouerait peut-être en ma faveur. D’un autre côté, je pouvais tout aussi bien me faire piquer. À mort.
[...] Vous avez tiré sur un homme !
— Dans son pied.
— Vous avez tiré sur lui. Vous avez ensuite traîné dehors par la peau du cou le plus gros gangster de Glasgow, en le menaçant d’une arme ! Et vous l’avez réduit à vous implorer de le laisser en vie ! Tous les criminels, meurtriers, trafiquants de drogue et Dieu sait quoi d’autre de la ville sont en ce moment à votre recherche ! Pour vous écorcher vif et planter votre tête sur une pique dans Trongate !
[...] Je haussai les épaules et souris aussi humblement que possible.
[...] Rétrospectivement, c’était en effet pure idiotie de ma part. Le genre de conduite qui vous vaut la croix de guerre. À titre posthume.
Bonne surprise toujours, avec une intrigue habilement construite : un tueur pédophile en série, Hugh l'ami de Brodie, accusé trop facilement et pendu encore plus rapidement, une enquête qui va rebondir après l'exécution de l'innocent, des malfrats, des puissants corrompus et peut-être même l'ombre de l'IRA ...
[...] Cinq enfants avaient disparu l’année d’avant, trois dans l’East End, deux dans les Gorbals. Seul le dernier avait été retrouvé. On avait découvert Rory, le fils de Fiona, dans une cave à charbon, derrière des immeubles anciens. Nu et mort.
[...] On l’avait violé, Dieu lui vienne en aide ! Le lendemain matin, la police avait arrêté Hugh Donovan dans sa chambre des Gorbals.
[...] — Ecoute, il vaut mieux que je te raconte ce qui s’est passé ces derniers mois. Comment je suis retombé sur Fiona.
 [...] Pourquoi ferais-je ça pour toi ? me demandai-je. Il devina mes pensées.
— Le fais pas pour moi, Douglas Brodie. Ni même pour Rory. Même si ce serait déjà beaucoup. Mais un malade comme ce type recommencera. Il tuera un autre gosse…
Je quittai le parloir, laissant Hugh hocher la tête et se tordre les mains. Il m’avait flanqué un lourd fardeau sur le dos et j’étais résolu à m’en débarrasser.
Enfin, cerise sur le pudding écossais, une belle plume, très soignée, pleine d'humour et d'intelligence, pour nous faire découvrir cette époque et cette région.
Et bien sûr, une belle avocate (la blonde de l'histoire).
[...] Elle ne fit pas l’amour comme une avocate. Il n’y eut pas de calculs froids, de montée progressive et d’exposition calme des éléments du dossier. Ce fut une affaire criminelle, contenue et violente, avec de merveilleux dommages corporels. Chacun commit des délits sur le corps de l’autre, pétrissant, mordant, se livrant à de délicieuses voies de fait.
Bref un excellent épisode dans la série détective, un polar soigneusement construit et écrit.
Et une histoire malheureusement en phase avec l'actualité du moment, lorsque le pape donne l'absolution à Mgr. Barbarin :
[...] La souillure était donc partout ? J’avais cru pouvoir lui faire confiance quand j’avais fait sa connaissance. J’avais apparemment perdu ma capacité à juger les gens.
[...] Il prétendait que c’était la faute du prêtre.

Pour celles et ceux qui aiment les privés et pas les curés.
Bientôt d’autres avis sur Babelio.

jeudi 26 mai 2016

Baad (Cédric Bannel)

[...] Dix jours avant Badria.

On avait beaucoup beaucoup apprécié L'homme de Kaboul, aussi, lorsque Babelio et Laffont nous ont proposé Baad le dernier roman de Cédric Bannel, on a dit oui sans hésiter à Oussama, le qomaandaan de police kabouli, un héros qui est revenu de deux guerres et plus étrange encore à Kaboul, un flic qui est resté honnête.
[...] Il avait traversé l'histoire mouvementée de l'Afghanistan des dernières décennies pour en ressortir deux fois victorieux, et surtout vivant. Peu d'anciens combattants avaient eu la chance de survivre à la guerre contre les Russes puis à celle contre les talibans.
On retrouve donc avec grand plaisir (mais un peu d'appréhension, c'est quand même Kaboul) l'incorruptible qomaandaan, son épouse gynécologue et revendicatrice, ses adjoints fidèles, l'incontournable mollah Bakir, ...
Et ça démarre sur les chapeaux de roue de 4x4 avec la découverte d'un troisième cadavre de fillette : l’œuvre manifeste d'un tueur en série, sans doute un occidental.
[...] - C'est bizarre qu'elle soit dénudée, dit Gulbudin.
Les deux autres cadavres portaient des robes d'apparat, de celles que les fillettes revêtent lorsqu'elles se rendent à un mariage ou une fête de famille.
[...] Les deux autres fillettes avaient également été étranglées puis poignardées au moyen d'une lame longue et fine. Une signature qui laissait Oussama perplexe depuis le début de cette affaire : personne ne tuait de cette manière en Afghanistan, où l'on goûtait plutôt l'égorgement au moyen de poignards traditionnels à large lame.
Un tueur en série qui semble opérer avec une régularité et une ponctualité très professionnelles : tous les dix jours visiblement. Le compte à rebours est lancé avant la prochaine petite victime dont on connait déjà le prénom : Badria.
Tout comme dans le précédent bouquin, un volet 'européen' est également présent : Nicole Laguna, ex-agent de la DSE, spécialiste de la traque des criminels de guerre, qui voit ses enfants enlevés et retenus en otage (décidément les mères et les enfants ne sont pas à la fête ...) et la mafia lui confier une mission très spéciale ...
[...] À notre grand regret, Nicole, la consommation d'héroïne et celle de cocaïne n'augmentent plus en Occident. [...] Au contraire, elles baissent régulièrement. Celle de la cocaïne est aujourd'hui inférieure de dix-huit pour cent à ce qu'elle était il y a dix ans. Celle de l'héroïne s'est effondrée de cinquante pour cent.
Visiblement c'est la crise pour tout le monde, même pour la mafia ... et quand l'auteur nous rappelle que l'Afghanistan est le premier pays producteur de pavot, on se doute bien que les deux histoires vont se rejoindre autour d'une cargaison d'héroïne quelque part entre Kaboul et les montagnes afghanes.
[...] La preuve que l'Afghanistan était passé directement du régime islamiste à celui de narco-état.
[...] Du pavot à perte de vue. Des champs qui défilaient sans interruption le long de la route.
Depuis plus de cinquante kilomètres.
L'or blanc de l'Afghanistan, interdit de culture par le gouvernement et la Coalition,. Pas un policier, pas un douanier, pas un soldat de la Coalition, pas un officiel de l'ONU ... personne pour empêcher cette mascarade.  Juste des paysans au travail, silencieux et déterminés, bêchant les champs, travaillant avec amour à leur futur récolte. Celle qui finirait dans les narines et les veines des jeunes Américains et Européens après avoir été transportée par une myriade de camions, de bateaux et d'avions, à travers l'Asie centrale puis la Turquie.
Le miracle, bien réel celui-là, de l'économie mondialiste.
Cette fois le qomaandaan Kandar nous emmènera visiter la province centrale de l'Hazarajat dont les habitants, hasard de l'actualité, ont tout récemment fait parler d'eux [clic], celle aussi rendue célèbre par la destruction des bouddhas de Bâmiyân.
Comme dans le premier épisode, le volet européen nous a semblé le moins travaillé et le moins crédible (peut-être tout bonnement parce qu'on ne connait pas l'Afghanistan qui garde donc le charme de ses mystères) mais sans pour autant nous gâter le spectacle. L'auteur n'est jamais aussi bon que lorsqu'il monte une expédition punitive pour aller zigouiller les méchants au fin fond des montagnes afghanes, après s'être assuré de tous les appuis indispensables en ce pays gangrené et corrompu : religieux et mafieux, ethniques et politiques. C'est diablement passionnant ... et efficace !
On se surprend même à jubiler lors du feu d'artifice final, résultat d'une inadmissible ingérence de l'armée américaine !
Ce thriller nous a semblé plus formaté, plus 'cinéma', que le précédent : l'emballage est très professionnel, presque trop, et Bannel dans son précédent ouvrage, nous avait paru plus libre, plus personnel (et même parfois trop - comment ça, on n'est jamais content ?!).
Mais peut-être est-ce tout simplement l'effet de découverte qui ne joue plus et la lecture n'en est évidemment que plus facile.
Incidemment, on apprend encore mille choses sur cet Afghanistan dont on nous a tant parlé mais que l'on connait finalement si mal. Bannel nous distille sa profonde connaissance de ce pays au fil des pages, souvent de manière très subtile, parfois sur un ton un peu plus didactique.
Comme on n'est pas près d'aller faire du tourisme aux pieds des bouddhas de Bâmiyân (l'Afghanistan c'est bien dans les livres), il nous reste à attendre les prochaines aventures du qomaandaan Oussama Kandar, encore probablement accompagné par sa nouvelle connaissance Nicole Laguna : ces deux-là semblent bien taillés pour nettoyer ensemble la planète de ses baad guys.

Pour celles et ceux qui aiment le dessous des cartes.
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lundi 23 mai 2016

Le grand marin (Catherine Poulain)

[...] Mais je serai debout ? Je serai vivante ?

Catherine Poulain est de notre génération, celle qui, à vingt ans, partait courir le monde en général et les US en particulier qui, à cette époque, incitaient plus au rêve qu'à la haine.
Catherine Poulain, ou du moins son héroïne Lili, n'est pas de celles qui préfèrent l'amour en mer mais plutôt la mer à l'amour.
Lili, petite nana jeune et menue, s'échappe (on ne saura pas trop de quoi ou de qui) au bout du monde, en Alaska, la dernière frontière.
[...] Vouloir partir en Alaska – « the Last Frontier »… Et m’en aller sur l’océan. Tout laisser.
[...] J’irai à Point Barrow.
– Qu’est-ce tu veux foutre à Point Barrow ?
– C’est le bout. Après y a plus rien. Seulement la mer polaire et la banquise. Le soleil de minuit aussi. Je voudrais bien y aller. M’asseoir au bout, tout en haut du monde. J’imagine toujours que je laisserai pendre mes jambes dans le vide… Je mangerai une glace ou du pop-corn. Je fumerai une cigarette. Je regarderai. Je saurai bien que je ne peux pas aller plus loin parce que la Terre est finie.
Et voici la petite Lili embarquée pour la pêche à la morue, au flétan, au milieu de l'océan déchaîné, au milieu de gros loups de mer - ils l'appellent le moineau - qui regardent d'un drôle d’œil ce petit bout de française qui a décidé de se perdre en mer avec eux. On imagine sans peine que la vie n'est pas facile pour une jeune femme qui a choisi ce métier de titans et qui doit harponner des poissons plus gros qu'elle.
[...] L’océan bouillonnait, c’était comme être au cœur d’un volcan, les vagues faisaient des rouleaux noirs, on aurait dit de la lave, jamais ça s’arrêtait… Ça m’appelait. Je veux être dedans moi aussi.
[...] Quand tout se déchaîne sur le pont.
[...] Si t’es pas capable de faire le boulot, t’as rien à foutre ici !
[...] Oui, avoir osé la franchir, la frontière, ça ne pouvait être que pour y trouver la mort.
Elle nous embarque avec elle à bord du Rebel (un nom qui n'attendait qu'elle !) pour quelques campagnes de pêche, des pages enfiévrées, une écriture fulgurante, des scènes dantesques : rien n'arrête la soif, la quête de Lili. Même pas les coups de gueule, les coups de sang, les coups de blues, quand tout se déchaîne sur le pont, quand il faut manœuvrer la ligne qui file à toute vitesse et menace à chaque seconde d'inattention de vous emporter un doigt ou une main.
[...] Visage et cheveux poisseux de sang, je tranche la chair pâle.
[...] Une fois de plus je plonge mon couteau dans les ventres blancs. La chair lisse et tendue résiste un instant, puis cède. La lame s’enfonce d’un coup – le sang jaillit dans un éclair et inonde la table. Il coule sur le pont en rigoles écarlates. Nous sommes les tueurs des mers, je pense, les mercenaires de l’océan et nous en portons la couleur.
[...] On ne peut pas le dire aux autres, on ne peut pas expliquer à ceux qui n’ont rien vu de cela.
[...] Ils gueulent toujours sur le Rebel, et j’ai sacrément la trouille, mais je donnerais tout pour pouvoir repartir avec eux.
Au long de ces quelques pages, on partage la vie de Lili et des pêcheurs et l'on dévore ce roman comme Lili dévore et la vie et les poissons.
[...] Mes pieds sont gelés. L’eau sanguinolente imbibe mes manches. Nos cirés sont couverts de viscères. J’ai faim. J’avale furtivement la poche de laitance du poisson que je viens d’ouvrir. Goût d’océan. C’est doux et fondant sur la langue.
[...] Quelquefois des œufs. Je mords dans les poches de corail. Ce sont des perles d’ambre rouge qui s’égrènent dans ma bouche, des fruits limpides pour ma soif.
Estomacs sensibles et cœurs fragiles s'abstenir : la vie en mer sur un bateau de pêche n'est pas faite pour tout le monde.
Mais Lili brûle d'un puissant feu intérieur qui l'a menée jusque sur ces bateaux et rien au monde, pas même l'amour des grands marins qui tournent autour du moineau, rien ne la fera renoncer à la vie.
[...] Mais je serai debout ? Je serai vivante ?
[...] Je préférais presque les vrais chercheurs d’or. Mais vous, vous cherchez un métal autrement plus puissant, autrement plus pur.
– C’est des bien grands mots tout ça.
[...] Qu’il m’avait été donné le plus grand bonheur, la plus belle fièvre, le plus grand effort aussi, que nous partagions dans les cris et ma peur, que nous partagions parce que nous n’étions rien sans les autres.
[...] Marcher le menton haut parce que tu sais que tu as vraiment tout donné de toi. Son visage s’est durci, la voix a baissé d’un ton, elle hésite un instant avant de continuer :
– Et il peut arriver que tu aies à donner beaucoup plus que ce que tu croyais possible.
La première partie du bouquin se suffisait amplement à elle-même et aurait bien mérité notre label coup de cœur, mais l'autre moitié perd en intensité entre deux campagnes de pêche, quand Lili hésite (à peine) entre l'amour et la mer et la tension retombe.
Incidemment, on en apprend aussi des tonnes sur le métier de pêcheur.
De très belles pages d'écriture dessinées furieusement d'une plume très féminine et très originale pour un portrait de jeune femme, un (auto-)portrait puissant et haletant.
Catherine Poulain élève désormais des moutons et du vin, sans doute à l'écart des modes modernes et de la pollution médiatique : le souffle brûlant qu'exhalent ses poumons est donc le même air pur que celui que respiraient les grands auteurs du siècle dernier, London pour les grands espaces du nord, Kerouac pour le bout de la route, Bukowski pour la quête à demi suicidaire.
Laissons le dernier mot à Lili Poulain, honneur amplement mérité :
[...] On en redemande, parce que le reste du monde vous semble fade, vous ennuie à en devenir fou.

Pour celles et ceux qui aiment le poisson cru.
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vendredi 20 mai 2016

Une terre d'ombre (Ron Rash)

[...] Une terre d’ombre et rien d’autre, lui avait dit sa mère.

On avait mis Un pied au paradis avec, il y a trois ans, le premier roman de Ron Rash.
Non pas que l'histoire était bien gaie, le paradis n'avait rien de bien réjouissant, mais c'était déjà le coup de cœur pour une plume très sûre et un excellent nature-writing.
On replonge donc sans aucune appréhension dans Une terre d'ombre.
[...] Une terre d’ombre et rien d’autre, lui avait dit sa mère, qui soutenait qu’il n’y avait pas d’endroit plus lugubre dans toute la chaîne des Blue Ridge.
Comme dans le bouquin précédent, il est encore question ici (du moins pendant quelques pages) d'une vallée qui va être inondée (ce qui semble être l'une des obsessions de Ron Rash comme les disparitions islandaises le sont pour Indridason), le temps de faire surgir la vérité du fonds d'un puits et de nous plonger pour le reste du bouquin au début du siècle, lorsque le pays se remet à peine de la Guerre de Sécession et vient déjà de replonger dans la Grande Guerre.
Laurel et son frère Hank exploitent tant bien que mal leurs terres d'ombre dans cette vallée sinistre que le soleil ne vient pratiquement jamais visiter. Laurel est affligée d'une tâche de naissance que les superstitions ont tôt fait d'associer au mauvais œil. D'ailleurs comme preuve, le frère est revenu manchot des tranchées.
Un vagabond va venir troubler leur quotidien peu réjouissant. Lentement mais sûrement le drame se noue. L'inconnu est muet mais joue du Brahms avec sa flûte.
On va découvrir avec cette histoire, un pan méconnu de l'Histoire américaine, leur engagement dans la Grande Guerre (celle de 14), leur haine des allemands (savamment entretenue), la conscription, la mobilisation, ...
[...] Quand la mère de Laurel était morte, son père avait voilé le miroir et laissé la pendule Franklin s’arrêter pour figer les aiguilles sur le X et le II, et indiquer l’heure de la mort. Deux mois avaient passé avant qu’il tourne de nouveau la clé métallique. Mais les aiguilles étaient restées si longtemps à la même place qu’elles avaient paru incapables de se débloquer et étaient donc restées sur le X et le II.
L'inconnu venu troubler la fausse routine de ces contrées va peut-être s'avérer aussi diabolique que le joueur de flûte de Hamelin.
Un bouquin très noir évidemment, aussi sombre que cette vallée, un bouquin profondément ancré dans ces terres et leur Histoire. Ron Rash est un formidable conteur.
Il connait désormais le succès chez nous et les traductions se sont faites plus nombreuses.

Pour celles et ceux qui aiment les joueurs de flûte.
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mardi 17 mai 2016

Trois jours avec Norman Jail (Eric Fottorino)

[...] J’ai été employé aux écritures.

La vérité sur l'Affaire Norman Jail ?
Oui mais que dire de ces Trois jours avec Norman Jail ?
Que dire de ces trois heures passées avec Eric Fottorino ?
Ça commençait plutôt bien, et c'est même ce qui nous a piégé, parce que le bonhomme sait écrire : il n'est pas journaliste et directeur du Monde pour rien.
Les effets sont enfilés avec brio mais comme des perles dont l'éclat aurait été terni, le brillant épuisé, d'avoir été passées d'un collier à un autre puis à un autre encore.
[...] La majorité était alors fixée à vingt et un ans. Il tenait à devenir, avait-il prétendu, un écrivain mineur.
[...] Lire me plaisait. C’était comme rêver les yeux ouverts.
[...] Vous y verriez une ironie du sort. Le plus clair de mon existence, j’ai été employé aux écritures.
[...] L’auteur s’était épuisé plus encore que son livre.
Mais justement son bouquin parle (trop) du travail d'écriture : un sujet battu et rebattu, qui fera à coup sûr les unes de la blogoboule, un thème qui ne sent peut-être pas la finale du prix qu'on court mais tout au moins l'épreuve éliminatoire, peut-être même le match de gallinacées et très certainement l'entrainement par équipe sous le maillot gallimard (Fottorino est mordu de vélo).
Pendant de trop longues pages et d’interminables chapitres, les premiers jours passés avec Norman Fottorino s'étirent en longueur pendant qu'il nous raconte, les affres de l'écriture, de l'écrivain, de son stylo et de sa page blanche.
Avec brio mais sans grande originalité. Tout a déjà été dit et redit, du moins sur ce ton là, et n'est pas Bukowski qui veut, qui osait se mettre à nu, au propre comme au figuré.
Le personnage de Norman Jail est plein de suffisance et - même si ce caractère désagréable annonce bien entendu la chute - on n'est pas loin de penser que l'auteur finira par ressembler à sa créature.
Dans ce registre où les écrivains parlent des écrivains, Norman Jail a beau se dire lui-même buvard, on est très très loin du charme discret du premier roman de Julia Kerninon et en dépit d'un dénouement qui se donne des allures de polar, on est également très loin de l'auto-dérision haletante de l'Affaire Harry Québert.
Et puis, Fottorino le dit lui-même, le lecteur n'aime pas trop qu'on lui démontre les tours de magie des écrivains et préfère rester sur sa naïve surprise : ô bravo, mais d'où lui est venue cette tournure-là, ô joli, mais de quel chapeau ou stylo sort-il cette belle phrase aux oreilles de lapin, ...
L'écriture comme la prestidigitation doit rester un peu secrète et la voici étalée et décortiquée sur des dizaines de pages.
[...] Un roman réussi est un tour de magie.
[...] Vous ne savez pas bien comment l’auteur a fait, et si vous le saviez, le charme serait brisé.
Alors oui, le spectateur est bien déçu. Le show est bien rodé, les éclairages sont professionnels, la musique est de qualité, alors on reste dans la salle jusqu'au clou du spectacle : un retournement que même le lecteur le plus inattentif a vu venir de loin mais Norman Fottorino n'est pas avare de son métier et nous ressert encore un ou deux twists, des rappels en quelque sorte.
Mais nos applaudissements ne sont guère enthousiastes, comme son livre : de convenance et sans chaleur.

Pour celles et ceux qui aiment les écrivains
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vendredi 13 mai 2016

Dans les eaux du lac interdit (Hamid Ismaïlov)

[...] C’était un lac magnifique.

La bonne bouille de Hamid Ismaïlov cache un redoutable conteur. Un de ceux que l'on aurait grand plaisir à rencontrer à bord d'un voyage en transsibérien pour nous faire passer le temps et nous instruire du même moment.
[...] Les voies de la steppe, fussent-elles ferrées, sont longues et monotones, et la seule manière d’écourter un périple, c’est la conversation.
Ce conteur ouzbek n'a même pas besoin d'inventer une histoire : il se contente de piocher dans l'Histoire de son pays, en pleine guerre froide, lorsque les soviétiques essayaient de damer le pion aux américains et testaient leurs bombinettes.
Elles font la fierté de tout le peuple, jusqu'aux populations locales pourtant victimes des radiations.
[...] C’est notre devoir absolu non seulement de rattraper, mais de surpasser les Américains ! En cas de troisième guerre mondiale ! » concluait-il avec son slogan favori.
[...] L’invariable credo de Shaken : « Non seulement on va rattraper les Américains, mais on va les surpasser ! ».
En pleine steppe, les russes font donc péter quelques mégatonnes (comme d'autres que je ne nommerai pas, le firent au Sahara par exemple, avant d'aller ailleurs s'habiller en bikini).
Sans se préoccuper des populations locales (comment ça camarade général ? y'avait du monde là-dessous ?).
[...] Entre 1949 et 1989, au Polygone nucléaire de Semipalantisk, il fut réalisé un total de 468 explosions nucléaires, dont 125 explosions atmosphériques et 343 explosions souterraines. La puissance totale des appareils nucléaires testés dans l’atmosphère et sous la terre au Polygone (dans une région peuplée) dépassait par un facteur de 2 500 la puissance de la bombe lâchée sur Hiroshima par les Américains en 1945.
Et hop, on fait encore péter une bombinette. Les trains déraillent, les écoliers se planquent sous les pupitres, quelques scènes ahurissantes et la vie continue.
[...] Ce fut durant un cours de langue kazakhe que les fenêtres de la classe se mirent à cliqueter et les bancs à dériver sur le sol.
[...] Un souffle d’air bourdonnant les dépassa à toute vitesse et les tuiles du toit de l’école s’arrachèrent. Puis soudain un silence épouvantable.
Et puisque l'on fête les anniversaires de Tchernobyl ou de Fukushima, voici une lecture salutaire de plus qui viendra s'empiler sur votre étagère radioactive après [1], [2], [3] ...
Ismaïlov ne cherche pas la polémique, n'écrit pas un pamphlet, n'accuse personne (on évoque à peine le centre d'essais, comme si les champignons vénéneux explosaient tout seuls, quasi naturellement), non Ismaïlov se contente de décrire la vie quotidienne de cette population ouzbèque, perdue au bord d'une voie ferrée. La démonstration n'en est que plus implacable.
[...] En fin d’après-midi, Tonton Shaken emmena les enfants au lac mort. « Ne buvez pas l’eau et ne la touchez pas », leur dit-il. C’était un lac magnifique qui s’était formé après l’explosion d’une bombe atomique.
Le héros Yherzan a l'apparence d'un jeune garçon. Atteint du mal, il ne grandit plus mais il va se découvrir un talent inné pour le violon tandis que la jeune fille qu'il aimait, elle, continue sa vie.
[...] Le destin joue de sales tours à tout le monde, se disait-il. Les gens vivent leurs vies à des vitesses variables.
Un très court roman (à peine plus de 100 pages) mais une démonstration implacable et une plongée surréaliste dans la poésie des steppes d'Asie centrale.

Pour celles et ceux qui aiment ne pas grandir.
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mardi 10 mai 2016

Après le déluge (Joy Castro)

[...] Ça fait potentiellement beaucoup de pervers dans nos rues.

Au plus près, le second roman de l'américaine Joy Castro est en tête de gondole en ce moment, mais comme la série s'annonce prometteuse, on a choisi de commencer par le début.
Par le début de la carrière de Nola Céspedes, journaliste d'origine cubaine au Times-Picayune de La Nouvelle-Orléans.
[...] Notre ville est bâtie sur un sol peu profond ; la nappe phréatique s'étend juste sous nos pieds. Quand ces mêmes troupes britanniques ont perdu la bataille de La Nouvelle-Orléans, elles ont voulu ensevelir leurs morts, mais la boue a rejeté les cadavres ruisselants et pourrissants, comme dans un cauchemar peuplé de zombies. Nous nous fardons et nous sculptons des anges de pierre. Nous buvons de l'absinthe et faisons un double nœud aux rubans de nos masques. Nous embellissons tout ce qui peut l'être. Ici, à La Nouvelle-Orléans, rien de ce qui est enterré ne peut le rester longtemps.
Si vous avez trop côtoyé les flics virils et avinés, suivez les traces de la jeune Nola Céspedes.
Si vous voulez sortir de la boue des marais électriques [clic], venez visiter NOLA (New-Orleans LouisianA) avec la guide Joy Castro.
Nous voici donc quelques temps Après le déluge, après Katrina.
[...] En 2005, quand l'ouragan Katrina a provoqué des coupures d'électricité et que le maire, Ray Nagin, a ordonné l'évacuation de la ville, plus de mille trois cents délinquants sexuels fichés en ont profité pour disparaître des écrans radars. Aujourd'hui, trois ans plus tard, huit cents sont toujours introuvables. [...] Ça fait potentiellement beaucoup de pervers dans nos rues.
Après le déluge donc, la jeune journaliste hispanique Nola entreprend une enquête sur le milieu des délinquants sexuels et pédophiles, un sujet pas trop réjouissant mais sur lequel Joy Castro réussit paradoxalement à broder une lecture bien agréable.
[...] C’est une opportunité exceptionnelle, le genre de reportage susceptible de relancer une carrière – exactement ce dont je rêvais. Mais interroger des violeurs, des pédophiles, des désaxés... Franchement cette pensée me flanque une frousse bleue.
Un bouquin original ou plus exactement un bouquin au ton inhabituel : Nola et ses amies [proches de la trentaine, hispaniques, qué mignonnes…], c'est un peu l'ambiance Sex and the City. Beaucoup de féminité et de légèreté sur une toile de fond pourtant grave.
On a même droit à une visite guidée des meilleurs lieux de la Nouvelle-Orléans et quelques anecdotes historiques fort instructives.
Mais ce bouquin est tout sauf superficiel et l'on découvre une étude assez documentée de ce sujet dit 'de société' et des conséquences de la fameuse loi dite de Megan qui permet de 'ficher' ces délinquants et leurs déplacements.
[...] Presque tous les violeurs sont des hommes, presque tous les pédophiles aussi. Il arrive que des femmes abusent d'enfants, mais la proportion est infime, et dans l'imaginaire collectif c'est une figure masculine qui hante ce créneau effrayant.
[...] Les pédophiles ont tendance à être un peu plus âgés que les violeurs, mais seulement parce qu'un grand nombre d'entre eux ont abusé d'enfants pendant plusieurs années avant d'être arrêtés et jugés.
Bref, un roman inhabituel, très féminin, qui réserve son lot de surprises dont la vie sexuelle de Nola (les fans de foot apprécieront ...) et un dénouement pour le moins étonnant.
[...] Je n'avoue cependant jamais mes aventures sur les terrains de foot.
Cette première excursion en compagnie de Nola nous a donné envie de continuer à découvrir la vie mouvementée de cette jeune journaliste, une hispanique un peu à l'étroit dans ce monde en noir et blanc qu'est la Nouvelle-Orléans.
[...] Jeune, célibataire, et toujours à la limite du découvert bancaire.
[...] Je suis peut-être née ici, mais je n'ai pas l'intention d'y moisir. J'ai pour ambition de rédiger quelques papiers chocs, de me faire remarquer, de boucler mon sac et de porter mes articles à un vrai journal dans une vraie ville.
[...] Je sais qu'on me considère comme exubérante, parce que je suis toujours en train de bavarder, de faire entendre les intonations chantantes qui me restent de l'espagnol appris dans mon enfance, et parce que je choisis toujours des tenues voyantes, des chemisiers trop moulants d'un rouge trop éclatant. Les autres femmes, tirées à quatre épingles, ne manquent jamais de gratifier d'un regard réprobateur l'épais trait d'eyeliner noir qui souligne mes yeux, le gloss bordeaux sur mes lèvres, les grosses créoles en or à mes oreilles, à travers lesquelles je pourrais passer le poignet.
[...] Mon propre isolement en tant qu'Hispanique dans une ville en noir et blanc.
[...] Ces groupes de Latinos qui avaient afflué après Katrina.
[...] Les hommes sont venus en masse, faisant souffler sur La Nouvelle-Orléans un premier vent de panique hispanique.

Pour celles et ceux qui aiment les journalistes.
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mercredi 4 mai 2016

Corrosion (Jon Bassoff)

[...] Oui, mes amis, l’enfer vous attend sûrement.

Avis mitigé pour ce Corrosion, premier roman noir de l'américain Jon Bassoff .
Ça commence plutôt bien, et il ne faut que quelques pages à Jon Bassoff pour précipiter sur le grill les quelques ingrédients qui sont indispensables pour vous faire péter un BBQ infernal.
Le marine désœuvré, la nana trop sexy et son connard de mari qui la cogne. Le tout au fond du fond d'un trou paumé en pleine cambrousse, là où le facteur ne sonne sûrement pas deux fois.
Le trio maudit qui vous garantit un feu d'enfer.
C'est l'histoire d'un mec, ancien marine désœuvré, de retour d'Irak, la gueule salement défigurée.
Il roule. Le pick-up tombe en panne.
[...] Un bled paumé se trouvait juste un peu plus loin, entouré de derricks et de silos à céréales.
Il fait soif. Le barman lui sert une bière.
[...] Et puis il vit mon visage et dit, ah merde.
Une nana entre à son tour.
[...] C’était une ivrogne, une mauvaise fille, mais elle me rappelait quelqu’un d’un passé lointain.
Elle n'est pas seule et même plutôt mal accompagnée. Par une brute. Qui la cogne. Le marine s'en mêle et s'emmêle. La nana est de celles qui font pleuvoir les emmerdes. Le scénario est connu et Jon Bassoff maîtrise parfaitement ses classiques.
C'était l'histoire de Joseph Downs.
Et puis à mi-chemin, l'auteur se met à nous raconter une autre histoire, quelques années auparavant, celle du jeune Benton Faulk, dont le père élève des rats dans la cave pour trouver le remède miracle supposé guérir la mère mourante (ah vous pensiez jusqu'ici avoir eu des parents toxiques ?).
[...] Je n’arrivais pas du tout à dormir. Les souris et les rats avaient pris le contrôle de la maison. Je les entendais détaler sur le parquet, escalader les murs, ronger les meubles.
On se doute bien qu'il doit y avoir un lien entre le marine défiguré et le jeune homme pas gâté le jour où l'on choisit sa famille.
Voire même avec ce prédicateur qui arpente les rues en prêchant la fin du monde.
Cette Corrosion semble être le lien un peu mystérieux entre tous ces personnages ...
[...] L’enfer vous attend. Oui, mes amis, l’enfer vous attend sûrement.
Mais ...
Finalement on ne sait pas trop quelle histoire veut nous raconter Bassoff et laquelle de ces deux nouvelles mérite notre attention.
Il en fait des tonnes dans la première partie, vraiment too much, la seconde moitié semble plus maîtrisée. Et puis on se prend à lire en diagonale les quelques délires psychotiques du marine, lorsque les muridés trop entreprenants envahissent le récit.
Un roman inconfortable (c'est certainement voulu), étrangement construit, pour une vision bien dérangeante de notre monde rongé par toutes sortes de poisons.
Noir c'est noir et c'est sans espoir.
Sauf pour cet auteur qui mérite certainement qu'on le suive.

Pour celles et ceux qui aiment les rongeurs.
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dimanche 1 mai 2016

Le lagon noir (Arnaldur Indridason)

[...] Son intérêt pour ceux qui jamais ne revenaient.

Reconnaissons à l'un de nos auteurs préférés, l'islandais Arnaldur Indridason, le talent et l'originalité d'avoir su redonner  un nouveau souffle à la saga policière de son notre commissaire fétiche, Erlendur.
Un flic usé et désabusé, que l'on connaissait trop bien, c'est le lot de toutes les séries à rallonge et des ficelles trop usées à force d'avoir été tirées.
Là où d'autres auraient cherché une suite avec une retraite méritée ou un dauphin méritant, Indridason a choisi de nous ramener en arrière, lorsqu'Erlendur débutait sa carrière, un peu à la manière des préquels en vogue au cinéma.
C'est aussi l'occasion pour l'auteur de nous faire (re-)vivre le passé de son île et les années 70-80.
Ajoutons à cela, la mise en avant d'un autre flic que l'on croyait connaître, Marion Brem, un personnage mystérieux dont aucun accord malencontreux ne viendra nous indiquer s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Une coquetterie littéraire dont Indridason est friand depuis son fameux Bettý.
Les lecteurs français s'étaient laissés abuser depuis des années par ce prénom aux sonorités francophones mais qui gardait tout son mystère en Islande ... puisque le prénom Marion vient de Norvège.
Donc, une seconde jeunesse pour Erlendur, un personnage au genre inconnu, le passé islandais ...
Voilà les ingrédients de la nouvelle série.
Malheureusement c'est un peu maigre. Indridason semble avoir levé la plume et parait bien peiner à mettre en place ses 'nouveaux' personnages : les premiers épisodes du préquel sont un peu poussifs, surtout après les sommets atteints par la 'suite' lue auparavant.
Et ce n'est malheureusement pas encore ce Lagon noir qui relèvera le niveau, d'autant qu'Indridason nous prend plus d'une fois pour des demeurés et nous assène quelques explications pédagogiques un peu lourdingues (la fillette dans le bac à sable, ...). Peut-être s'agit-il de donner quelques clés à une nouvelle génération de lecteurs ?
Cette fois encore il sera question de la base américaine implantée en Islande pendant la guerre froide (rappelez-vous L'opération Napoléon) et d'une double enquête : d'un côté, un cadavre retrouvé dans un champ de lave, dans les environs de cette base militaire US (trafic ? espionnage ? règlement de compte ?).
[...] – Le Champ de lave maléfique, répéta Erlendur en ouvrant la portière du conducteur. Voilà qui est de bien mauvais augure.
Et de l'autre, la mystérieuse disparition d'une jeune fille, il y a plus de trente ans, un dossier qui titille déjà les démons naissants d'Erlendur qui entend bien ré-ouvrir le dossier.
[...] Il y a dans votre version quelque chose qui cloche. Soit vous me mentez sur toute la ligne, soit vous omettez une partie de la vérité. J’ignore de quelle manière, mais je vous crois responsable de sa disparition. Vous ne pensez pas qu’il est temps de tout raconter ?
Paradoxalement (en fait, non) l'enquête principale (celle autour de la base US) perd de son intérêt au fur et à mesure que Marion et une fliquette américaine assez peu crédible progressent dans leur enquête. De l'autre côté on en vient à se laisser prendre par la quête obstinée et obsessionnelle d'un Erlendur taraudé par le mal des disparitions mystérieuses, un sujet qui finira par envahir son monde.
Mais notre bienveillance envers cet auteur préféré commence à s'émousser et il faut vraiment qu'Indridason redresse la barre s'il ne veut pas s'échouer sur les côtes islandaises.
Les fans en profiteront pour apprendre plein choses sur le passé de la petite île et toujours cette épine dans le pied islandais, cette base américaine qui suscitait à la fois envie (dans les années 60-70 !) et aversion.
[...] Erlendur avait l’impression de traverser une bourgade américaine endormie et peu avenante, de surcroît affligée d’un climat désastreux.
[...] – Drôle d’endroit. – Comme tu dis, convint Erlendur, drôle d’endroit. – Pour quelles raisons tu es contre l’armée ? – C’est possible d’être pour ? répondit Erlendur.

Pour celles et ceux qui aiment vraiment Indridason.
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