dimanche 30 octobre 2022

Le silence des carpes (Jérôme Bonnetto)

[...] Chaque génération a besoin de quelque chose.

Jérôme Bonnetto nous propose une petite balade sympathique de Paris jusqu'en Moravie (ne cherchez pas, c'est l'est de la République Tchèque, près de la Slovaquie).
Une sorte de fable ou de conte, sans trop de morale.
L'auteur nous propose de suivre le périple d'un parisien en mal d'amour (Pauline, sa femme est en train de le quitter) et en mal de plombier (une fuite encore plus grave).
Une photographie tombe de la poche du plombier : sa mère disparue à l'époque communiste de la Tchéquie et notre parisien désœuvré mais fasciné se met en quête de retrouver l'histoire ou peut-être même l'Histoire.
[...] Pauline me torturait, le boulot me vidait. L’horizon me manquait. Je ne pouvais rester sans réagir et regarder ma vie se déliter, mais la Moravie, tout de même… Qu’allais-je faire là-bas ? 
[...] J’y mettais une ardeur inquiétante. Il y avait peut-être dans cette fascination soudaine quelque chose de l’ordre de la compensation, une réaction chimique souterraine à l’ordre du petit break.
Humour, curiosité et autodérision font de cette quête improbable une jolie balade dans un pays meurtri par l'Histoire où les rencontres sont autant d'occasions de laisser poindre humanité, tendresse et poésie. Visiblement, l'auteur aime bien ses personnages.
[...] Je me demandais si notre génération continuerait à produire de ces doux dingues en quantité suffisante.
Tout cela reste un peu convenu, un peu parisien, genre feel-good story, façon élégant hérisson en voyage, mais ça se lit sans déplaisir pour une petite parenthèse agréable, un peu de douceur dans ce monde de brutes.
Quant au bruit des carpes, des petits interludes de pêcheurs ponctuent les chapitres du voyage : ils finiront par donner la clé du mystère.

Pour celles et ceux qui aiment les pays de l'est.
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vendredi 28 octobre 2022

Antarctique (Olivier Bleys)

[...] La faute à la vodka, tout ça.

Encore un polar des pôles commis par un auteur français, Olivier Bleys (un "écrivain-marcheur" lyonnais), comme un écho au surprenant Solak lu récemment de la bretonne Caroline Hinault.
Bleys nous emmène à l'autre bout de la planète, en Antarctique, à l'endroit désigné comme le "pôle d'inaccessibilité", c'est-à-dire le point plus éloigné des côtes, où les Russes établirent une station polaire vers 1960.
Dans le bouquin, la station s'appelle Daleko, c'était Sovetskaïa dans la vraie vie et le buste de Lénine était vraiment là qui surplombait les bâtiments.
Une poignée de "poliarniks" (ils ne sont plus que cinq) survivent là depuis longtemps et ne savent pas trop quand une relève aura lieu, et si même elle aura lieu (trop loin, trop cher). Ils n'ont pas grand chose à faire si ce n'est déblayer la neige du buste de Lénine qui domine les bâtiments.
[...] Cette corvée obligatoire, ce travail indispensable et dûment vérifié, c’était la toilette du buste en plastique de Vladimir Ilitch Lénine qui coiffait la station.
[...] Tous étaient repartis sauf, donc, cinq volontaires chargés par le Parti d’affirmer la présence russe dans cette région où, pourtant, n’était recensée aucune vie humaine. 
[...] Ce n’était pas la besogne qui manquait, sur une base polaire. On pouvait pelleter la neige bavarde qui s’amassait devant la porte et finirait par la bloquer. On pouvait touiller le fioul dans la citerne, pour l’empêcher de figer à cause du gel. Des tâches simples, qui toléraient un certain degré d’ébriété. D’autres demandaient d’aligner un peu mieux ses gestes et ses pensées : par exemple, le collage de bandes de caoutchouc sur les bottes grand froid ; leurs semelles rabotées par la glace s’usaient à toute allure.
[...] Les autorités convenaient, certes, qu’il faudrait évacuer la station quand les vivres seraient épuisés, mais les stocks demeuraient abondants. On ne voyait pas de raison d’abandonner Daleko. Son étoile rouge brillant au centre de l’Antarctique avait une grande valeur : elle prouvait l’excellence du savoir-faire soviétique dans l’exploration des régions froides, et l’endurance non moins héroïque du citoyen russe à ces conditions extrêmes.
Dès les premières pages le ton est donné : un beau soir encore plus arrosé que de coutume, c'est le drame et l'un des poliarniks plante une hache dans la tête de son adversaire aux échecs (à sa décharge, faut dire que l'autre essayait de tricher).
[...] Loubachev ne laissa pas le malentendu s’installer :
— Nikolaï est mort. Vadim l’a abattu d’un coup de hache.
— Il avait triché ! plaida le tractoriste.
Loin de tout comme c'est pas possible, dans la promiscuité de quelques mètres carrés de baraquements, en attendant l'hypothétique arrivée des autorités, que faire d'un encombrant cadavre (ça c'est facile, pas besoin de frigo) mais surtout d'un encore plus encombrant assassin ?
Pas tout à fait un polar en dépit du crime qui ouvre le bal mais un huis-clos au ton aussi mordant que le froid polaire.
Le lecteur est prévenu : dès les premières lignes, ça commence très très mal et dans cet environnement polaire, il sait que ça ne peut que très très mal finir.
Une version plus cool (parce que plus ironique) de Solak.

Pour celles et ceux qui aiment les pôles.
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jeudi 27 octobre 2022

Pour tout bagage (Patrick Pécherot)

[...] Nous étions des nanarchistes.

Patrick Pécherot nous emmène revisiter les années 70, nos années de jeunesse et les siennes, sur les traces d'une petite bande d'anars sans envergure qui rêvaient de Grand Soir, de guérilla et de coups d'éclat, c'était les années des GARI antifranquistes, juste avant l'arrivée d'Action Directe et donc juste avant le bouquin qu'on vient de lire de Vanessa Schneider.
Pécherot a retrouvé un vieil album photos et nous a branché sur radio-nostalgie, à fond :
[...] Le transistor réglé sur les grandes ondes. Elles ne parlent à personne, aujourd'hui, les grandes ondes. 
[...] Un pull trop grand, la musette kaki décorée d'inscriptions tracées au feutre.
Sur les images de l'album, les kodachromes, les potes qui traînent du côté de Puteaux ne brillent pas vraiment et tiennent plus des pieds nickelés que de futurs terroristes.
[...] On allait enfiler des costumes trop larges. On ferait pitres.
[...] On posait en guerilleros, on était bidasses en folie. Nanars ambulants… Nanarchistes, voilà, nous étions des nanarchistes.
[...] Qu'est-ce qui avait foiré ?
La prose de Pécherot est tout en élégance mais en tartine des tonnes dans le registre nostalgie désabusée.
[...] On est gênés de nos silences. On finit par s'éviter. On se salue encore de la main lorsqu'on se croise. Un jour on ne se croise plus.
[...] Le temps nous a désaccordés. Chacun a ruminé l'histoire. Elle a changé de goût et on n'a plus les mêmes.
Et parfois les effets de style dérapent un peu.
[...] Le passé faisait des tours de chevaux de bois sur la table.
 Tout cela est un peu répétitif et finit par lasser : le bouquin est intéressant (pour les nostalgiques des seventies) mais aurait beaucoup gagné à être moins délayé et plus ramassé sur moins de pages, l'idée n'était pas mauvaise mais l'auteur en fait trop.

Pour celles et ceux qui aiment les seventies.
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mardi 25 octobre 2022

Les saisons inversées (Renaud S. Lyautey)

[...] Des gens qui avaient à en connaître.

Renaud S. Lyautey (de son vrai nom Salins, Lyautey est le nom de sa mère pris comme nom de plume) est un "vrai" diplomate du Quai d'Orsay pour lequel il fut ambassadeur au Moyen-Orient et en Géorgie.
Autant dire que c'est le guide idéal pour nous faire découvrir les coulisses de la machinerie diplomatique française au milieu de tous les agents qui ont embrassé "la Carrière", comme ils disent.
[...] La Carrière imprime sa marque, d’une façon ou d’une autre, sur chaque agent.
L'intrigue commence avec la découverte du cadavre d'un haut diplomate français, assassiné à son domicile parisien : le modus operandi rappelle l'exécution de Chapour Bakhtiar, le premier ministre iranien, par les services secrets de son pays à Suresnes en 1991.
Une ambiance méconnue et bigrement intéressante qui serait un peu comme une version "civile" du Bureau des Légendes.
Mais c'est surtout un excellent prétexte que saisit Renaud Lyautey pour revisiter l'Histoire récente et nous donner sa lecture très personnelle de la diplomatie française avec quelques propos très incisifs et bien sentis concernant les "gloires" de l'arrogante diplomatie française.
Bien sûr tout le monde se rappelle le désormais célèbre discours de Villepin à l'ONU face aux US qui s'apprêtaient à envahir l'Irak sous un faux prétexte : cette intervention est glorifiée comme un haut fait de la diplomatie française, cocorico. Un sinistre échec selon l'auteur.
[...] En contraignant un membre permanent du Conseil de sécurité à frapper en dehors de toute légalité internationale, nous allions créer un périlleux précédent. Il se montrait particulièrement inquiet des leçons qu’en tirerait à l’avenir, par exemple, un autre membre permanent comme la Russie.
[...] Personne n’a pu dissuader un membre permanent du Conseil de sécurité de s’en prendre à un petit pays. L’ONU a démontré sa totale impuissance. C’est un échec absolu du système de sécurité collective mis en place en 1945.
[...] Turpin admit intérieurement qu’il n’avait jamais envisagé l’affaire irakienne sous cet angle. Jusqu’à cet instant, il avait toujours fait sienne l’idée répandue selon laquelle la France avait traité ce dossier avec panache et perspicacité.
D'autres contextes géopolitiques seront également épinglés par l'auteur au fil des pages : l'Iran, la Palestine (et les innombrables plans de paix français), et même le Chili de Salvador Allende.
L'intrigue policière qui sert de prétexte au bouquin et à la visite des coulisses du Quai d'Orsay est un petit peu décevante ou en tout cas elle peine un peu à se mettre en place et n'arrive à nous captiver que dans la dernière partie du roman.
Peu importe, ce premier roman n'était que le prélude à un second, beaucoup plus prometteur : La baignoire de Staline qui nous emmènera en Géorgie.
[...] La Géorgie… Peut-être se renseignerait-il en vue du prochain poste. Ça n’avait pas l’air si sinistre que ça…
Vite, vite, préparons notre valise (diplomatique).

Pour celles et ceux qui aiment les secrets.
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mardi 18 octobre 2022

Récit du naufrage du baleinier Essex (Owen Chase)

[...] Les marins de Nantucket.

Owen Chase est un marin du XIXème siècle, l'un des rares rescapés d'une aventure maritime qui aura mal tourné, très mal tourné et ce livre est son récit : le Récit de l'extraordinaire et affligeant naufrage du baleinier Essex, une histoire vraie qui inspira à Herman Melville le célèbre Moby Dick.
[...] On rapporte de nombreuses anecdotes sur les marins de Nantucket. Des histoires de sauvetages in extremis, des récits de survie surprenants que ces hommes, qui ont échappé au pire, se transmettent avec la même fidélité que s’il s’agissait de contes légendaires – et sans doute le même respect et le même sens de la narration.
Le baleinier Essex part de Nantucket en 1819 pour chasser la baleine au large des côtes chiliennes, avec à bord une vingtaine de matelots. Owen Chase est le capitaine en second.
Après plusieurs mois de mer, au large des Galapagos le bateau est attaqué par un grand cachalot et fait naufrage. 
[...] J’ai instinctivement ordonné au garçon à la barre de mettre « à bâbord toute », dans le but de prendre le large et de l’éviter. J’avais à peine prononcé ces mots, que le cachalot est revenu vers nous à pleine vitesse, et qu’il a frappé le navire avec sa tête, juste devant les porte-haubans de misaine ; le coup fut si fort qu’il nous jeta presque à terre. Le bateau s’est alors élevé avec autant de soudaineté et de violence que s’il avait heurté un rocher, et il a tremblé comme une feuille pendant plusieurs secondes. Nous nous sommes regardés les uns les autres, totalement stupéfaits, et presque incapables de prononcer un mot. 
Les marins prennent place dans les trois baleinières avec quelques vivres et l'espoir de pouvoir regagner une terre ferme ou de croiser la route d'autres baleiniers.
[...] Pour peu que les conditions nous soient favorables – nous pouvions atteindre la côte. Forts de toutes ces considérations, nous avons entamé notre traversée, dont l’échec total – fruit d’une déplorable détresse et de souffrances insurmontables – va maintenant être exposé.
❤️ La prose du matelot Owen Chase est bien entendu "datée" du début du siècle précédent mais le bouquin est suffisamment court (un peu plus de cent pages) pour que cela ne gêne aucunement la lecture. Bien au contraire, le récit est clair, factuel, la narration est précise et les envolées lyriques ou religieuses restent très rares. 
Une instructive lecture (quelle vie menaient ces pêcheurs !) sur laquelle planent les fantômes de Melville et Moby Dick.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de marins.
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dimanche 16 octobre 2022

Les sentiers obscurs de Karachi (Olivier Truc)

[...] Trahis deux fois, par l’attentat et par l’enquête.

Olivier Truc s'est (enfin !) décidé à quitter ses chers lapons et sa "police des rennes" (on s'en était un peu lassé, avouons-le) pour nous emmener dans une ambiance tout à fait différente, c'est le moins qu'on puisse dire, sur Les sentiers obscurs de Karachi où l'on cherche à se rappeler les ventes de sous-marins au Pakistan, l'attentat de 2002 (quelques mois après ceux du 11 septembre ...) et le scandale franco-français sur les rétrocommissions ayant servi à financer la campagne de Balladur en 1995 (dont le procès en appel doit se tenir en 2023).
[...] L’attentat du 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan. Au cours de cet attentat, onze techniciens français de la DCN (Direction des constructions navales) ont été tués, quatorze autres blessés, tandis que trois Pakistanais ont également trouvé la mort et six autres ont été blessés. L’attentat a été provoqué par l’explosion devant l’hôtel Sheraton d’une voiture piégée.
Malheureusement, le scénario d'Olivier Truc peine vraiment à démarrer : l'auteur tient absolument à faire dans le roman et pas dans le thriller-reportage et donc à donner à ses acteurs de fiction tout ce qu'il faut d'humanité, de contexte, de justifications, de relations complexes et de motivations individuelles pour bâtir des drames personnels et pas seulement inscrire quelques petites histoires dans la grande Histoire.
C'est louable bien sûr mais pesant et bien lourd à mettre en branle. On se prend à songer de temps à autre à ce qu'aurait pu tirer d'un tel scénario un Cédric Bannel ou un Benoit Vitkine, par exemple.
Après une mise en place laborieuse, le bouquin finit par prendre corps, le journaliste cherbourgeois part enfin pour Karachi à la recherche de quelques secrets détenus par les survivants du drame.
[...] En France, on a pu faire avancer les choses [...] malgré ça, des dossiers restent secrets, des fonctionnaires sont protégés, des politiques exonérés. Alors dans un pays comme le Pakistan.
[...] Même les hommes courageux ont des limites dans un pays comme le Pakistan. Souvenez-vous des pressions que j’ai subies. Je n’ai pas résisté longtemps.
[...] – C’est dangereux de savoir. Vous devriez en prendre conscience.
– Qu’a-t-il trouvé que les Français n’ont pas trouvé ?
– Les Français ? Je pense qu’ils n’ont rien trouvé. Je pense qu’ils n’ont rien cherché. Tout ce qu’ils auraient pu trouver, c’est la preuve de leur compromission avec les forces du mal qui gangrènent mon pays.
[...] Je crois qu’il sentait que les Français avaient été trahis deux fois, par l’attentat et par l’enquête.
[...] Secret des autorités françaises, omerta du pouvoir pakistanais, vingt ans après l’attentat de Karachi, les questions restent nombreuses face à la raison d’État, prétexte utile pour couvrir un scandale international.
Pour autant, même avec la visite exotique de Karachi et quelques portraits d'afghans un peu cliché, tout cela n'arrive pas vraiment à nous passionner et le roman n'est pas tout à fait à la hauteur des attentes que laissait entrevoir le titre.
Olivier Truc hésite entre la romance bon enfant, façon Tintin à Karachi, et le scoop journalistique ou le thriller politique sur un sujet explosif peut-être trop ambitieux. L'auteur n'arrive pas à prendre parti et son bouquin tourne autour du pot au roses.

Pour celles et ceux qui aiment les secrets.
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lundi 10 octobre 2022

1991 (Franck Thilliez)

[...] Être flic, c'était surtout être seul.

Franck Thilliez n'a pas résisté à la mode du préquel et nous emmène en 1991 pour la première enquête de son flic fétiche, Franck Sharko qui faisait alors ses débuts à la PJ du 36 Quai des Orfèvres.
1991, c'est le siècle dernier et l'on y respire un doux parfum déjà rétro : on roule en R21, on tapote sur le Minitel, la recherche ADN en est à son tout début, Sharko et son amoureuse communiquent par fax, ...
[...] Il reprit donc la route, se disant qu’il aurait pu éviter un aller-retour inutile si on les avait équipés de ces appareils dont on parlait à la télé, les Bi-bop. Des engins révolutionnaires qui, d’après ce qu’on disait, fonctionnaient un peu à la façon de cabines téléphoniques portatives.
En 1991, le jeune Sharko rejoint donc les équipes du 36 et saute dans le grand bain avec une grosse affaire et un meurtre particulièrement affreux, comme il en verra d'autres par la suite, le fidèle lecteur le sait déjà.
[...] - Comment vous faites, vous tous, pour supporter tout ça ? 
- On ne le supporte pas, on vit avec. Au fil de ta carrière, tu verras des mecs exploser en plein vol. Tu en feras peut-être même partie. C'est comme ça, on a un métier qui fait vieillir plus vite que les autres.
[...] Il se dit qu'être flic, c'était surtout être seul.
[...] Il comprit que cet endroit où il avait fourré les pieds, le 36, quai des Orfèvres, n'était pas qu'un lieu de prestige. C'était une arène sanglante. La fosse aux lions.
La brigade du 36 se lance sur les traces d'un tueur qui semble prendre un malin plaisir à convoquer le fantôme du magicien Houdini et à promener les enquêteurs tout au long d'un sanglant jeu de piste.
Mais Franck Sharko, alias Shark pour ses collègues, est sur ses traces.
[...] Le tueur se considérait-il comme un roi de l'illusion et voulait-il le leur faire savoir ?
[...] Le tueur leur avait échappé toutes ces années, sans doute se croyait-il à l'abri.
Mais un requin lui collait au train. Un prédateur qui avait flairé l'odeur du sang.
Bien entendu la carrière de Sharko commence très fort et Thilliez ratisse large pour faire frissonner de peur son lecteur tout au long de son thriller : un lecteur qui se retrouve enterré vivant, mordu par des bestioles au venin pire que mortel, et confronté à une vieille histoire de pédophilie pseudo-scientifique assez dérangeante (Thilliez aime bien romancer à partir de données réelles).
[...] Ils t'encombrent en permanence la tête, ils te hantent et tu dois te les coltiner.
- T'en as beaucoup, toi, des fantômes ?
- De quoi remplir un stade de foot.
[...] La vérité, c'est qu'ils allaient arrêter un assassin dont aucun d'entre eux n'était capable de déterminer avec certitude le mobile.
Autrement dit, ni Franck ni ses coéquipiers ne savaient à quel genre d'individu ils avaient affaire.
Brrr....

Pour celles et ceux qui aiment se faire peur.
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lundi 3 octobre 2022

La maison des absents (Tana French)

[...] Règle numéro sept : tout le monde ment.

Tana French nous avait déjà emmenés en Irlande pour un polar très ancré dans le Dublin social des années 80, c'était Les lieux infidèles.
La revoici avec La maison des absents, un polar toujours très social puisque nous sommes dans une Irlande en pleine crise financière après l'explosion de la bulle spéculative notamment immobilière, dans un lotissement flambant neuf de la banlieue de Dublin, même pas achevé et habité par seulement quelques foyers.
L'un de ces foyers justement est le lieu du drame : une famille entière, parents et enfants massacrés à coups de couteau.
C'est l'inspecteur Kennedy qui mène l'enquête, accompagné d'un padawan prénommé Richie qu'il se charge d'éduquer au difficile métier de grand flic.
Kennedy fait preuve d'une belle arrogance, persuadé (et sans doute à juste titre) d'être un super enquêteur, sans scrupules ni égards pour tous ceux qu'ils croisent sur le long et difficile chemin de la vérité, y compris collègues ou victimes.
[...] Nombre de gens me prennent pour un connard pompeux qui se délecte du son de sa propre voix. Cela me convient. S’ils me méprisent, ils baissent la garde.
[...] Je crois que nous sommes arrivés à la règle numéro sept : tout le monde ment, Richie. Les tueurs, les témoins, les spectateurs, les victimes. Tout le monde.
Un flic à qui le lecteur aura peut-être du mal à s'identifier en dépit des efforts de l'auteure pour nous attendrir avec sa vie familiale compliquée.
Pour autant le tandem avec le jeune Richie fonctionne plutôt bien et le massacre domestique est suffisamment mystérieux pour nous accrocher (un "coupable" est rapidement appréhendé, mais à seulement mi-parcours, le lecteur avisé se doute bien que les inspecteurs Kennedy et Richie ne sont pas au bout de leurs peines ...).
La famille qui a été massacrée avait tout de la famille modèle qui avait profité du boom économique et se retrouvait fauchée en plein vol. Mais était-ce tout ? Qui étaient-ils vraiment ? Que cachaient les murs et les fenêtres de leur maison toute neuve ?
Au fil de l'enquête, le mystère s'épaissit peu à peu et la famille modèle s'avère plus compliquée que ce que les apparences laissaient croire. Les passages où le mari devient obsédé par la bestiole du grenier sont dignes de Kafka et le bouquin devient vite très très prenant ...

Pour celles et ceux qui aiment les visons.
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