jeudi 26 mai 2016

Baad (Cédric Bannel)

[...] Dix jours avant Badria.

On avait beaucoup beaucoup apprécié L'homme de Kaboul, aussi, lorsque Babelio et Laffont nous ont proposé Baad le dernier roman de Cédric Bannel, on a dit oui sans hésiter à Oussama, le qomaandaan de police kabouli, un héros qui est revenu de deux guerres et plus étrange encore à Kaboul, un flic qui est resté honnête.
[...] Il avait traversé l'histoire mouvementée de l'Afghanistan des dernières décennies pour en ressortir deux fois victorieux, et surtout vivant. Peu d'anciens combattants avaient eu la chance de survivre à la guerre contre les Russes puis à celle contre les talibans.
On retrouve donc avec grand plaisir (mais un peu d'appréhension, c'est quand même Kaboul) l'incorruptible qomaandaan, son épouse gynécologue et revendicatrice, ses adjoints fidèles, l'incontournable mollah Bakir, ...
Et ça démarre sur les chapeaux de roue de 4x4 avec la découverte d'un troisième cadavre de fillette : l’œuvre manifeste d'un tueur en série, sans doute un occidental.
[...] - C'est bizarre qu'elle soit dénudée, dit Gulbudin.
Les deux autres cadavres portaient des robes d'apparat, de celles que les fillettes revêtent lorsqu'elles se rendent à un mariage ou une fête de famille.
[...] Les deux autres fillettes avaient également été étranglées puis poignardées au moyen d'une lame longue et fine. Une signature qui laissait Oussama perplexe depuis le début de cette affaire : personne ne tuait de cette manière en Afghanistan, où l'on goûtait plutôt l'égorgement au moyen de poignards traditionnels à large lame.
Un tueur en série qui semble opérer avec une régularité et une ponctualité très professionnelles : tous les dix jours visiblement. Le compte à rebours est lancé avant la prochaine petite victime dont on connait déjà le prénom : Badria.
Tout comme dans le précédent bouquin, un volet 'européen' est également présent : Nicole Laguna, ex-agent de la DSE, spécialiste de la traque des criminels de guerre, qui voit ses enfants enlevés et retenus en otage (décidément les mères et les enfants ne sont pas à la fête ...) et la mafia lui confier une mission très spéciale ...
[...] À notre grand regret, Nicole, la consommation d'héroïne et celle de cocaïne n'augmentent plus en Occident. [...] Au contraire, elles baissent régulièrement. Celle de la cocaïne est aujourd'hui inférieure de dix-huit pour cent à ce qu'elle était il y a dix ans. Celle de l'héroïne s'est effondrée de cinquante pour cent.
Visiblement c'est la crise pour tout le monde, même pour la mafia ... et quand l'auteur nous rappelle que l'Afghanistan est le premier pays producteur de pavot, on se doute bien que les deux histoires vont se rejoindre autour d'une cargaison d'héroïne quelque part entre Kaboul et les montagnes afghanes.
[...] La preuve que l'Afghanistan était passé directement du régime islamiste à celui de narco-état.
[...] Du pavot à perte de vue. Des champs qui défilaient sans interruption le long de la route.
Depuis plus de cinquante kilomètres.
L'or blanc de l'Afghanistan, interdit de culture par le gouvernement et la Coalition,. Pas un policier, pas un douanier, pas un soldat de la Coalition, pas un officiel de l'ONU ... personne pour empêcher cette mascarade.  Juste des paysans au travail, silencieux et déterminés, bêchant les champs, travaillant avec amour à leur futur récolte. Celle qui finirait dans les narines et les veines des jeunes Américains et Européens après avoir été transportée par une myriade de camions, de bateaux et d'avions, à travers l'Asie centrale puis la Turquie.
Le miracle, bien réel celui-là, de l'économie mondialiste.
Cette fois le qomaandaan Kandar nous emmènera visiter la province centrale de l'Hazarajat dont les habitants, hasard de l'actualité, ont tout récemment fait parler d'eux [clic], celle aussi rendue célèbre par la destruction des bouddhas de Bâmiyân.
Comme dans le premier épisode, le volet européen nous a semblé le moins travaillé et le moins crédible (peut-être tout bonnement parce qu'on ne connait pas l'Afghanistan qui garde donc le charme de ses mystères) mais sans pour autant nous gâter le spectacle. L'auteur n'est jamais aussi bon que lorsqu'il monte une expédition punitive pour aller zigouiller les méchants au fin fond des montagnes afghanes, après s'être assuré de tous les appuis indispensables en ce pays gangrené et corrompu : religieux et mafieux, ethniques et politiques. C'est diablement passionnant ... et efficace !
On se surprend même à jubiler lors du feu d'artifice final, résultat d'une inadmissible ingérence de l'armée américaine !
Ce thriller nous a semblé plus formaté, plus 'cinéma', que le précédent : l'emballage est très professionnel, presque trop, et Bannel dans son précédent ouvrage, nous avait paru plus libre, plus personnel (et même parfois trop - comment ça, on n'est jamais content ?!).
Mais peut-être est-ce tout simplement l'effet de découverte qui ne joue plus et la lecture n'en est évidemment que plus facile.
Incidemment, on apprend encore mille choses sur cet Afghanistan dont on nous a tant parlé mais que l'on connait finalement si mal. Bannel nous distille sa profonde connaissance de ce pays au fil des pages, souvent de manière très subtile, parfois sur un ton un peu plus didactique.
Comme on n'est pas près d'aller faire du tourisme aux pieds des bouddhas de Bâmiyân (l'Afghanistan c'est bien dans les livres), il nous reste à attendre les prochaines aventures du qomaandaan Oussama Kandar, encore probablement accompagné par sa nouvelle connaissance Nicole Laguna : ces deux-là semblent bien taillés pour nettoyer ensemble la planète de ses baad guys.

Pour celles et ceux qui aiment le dessous des cartes.
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