dimanche 29 mai 2016

La cabane des pendus (Gordon Ferris)

[...] Il prétendait que c’était la faute du prêtre.

Jusqu'ici, le seul kilt à émerger des brumes pluvieuses de Calédonie lorsqu'on évoquait le polar écossais, était celui de Ian Rankin.
Il faudra compter désormais avec les couleurs du tartan de Gordon Ferris.
La cabane des pendus est une fort agréable découverte.
Peut-être d'abord parce que l'on plonge dans un passé pas si lointain, en Grande-Bretagne, dans l'immédiat après-guerre, lorsque le pays et ses hommes se remettent à grand peine de leurs blessures.
[...] Après dix-neuf opérations des mains et du visage, il avait encore l’air d’un ouvrage assemblé par une couturière manchote.
[...] Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais fatigué à ce point. Fatigué de la guerre et de l’amertume qui avait suivi. Fatigué de Londres et de la colère sans visage d’une ville dévastée, rationnée en nourriture et en espoir.
[...] Cela rappelait de manière inquiétante les années 30, la Dépression et les marches de la faim. Où étaient les lauriers et les fruits de la victoire ?
Une Grande-Bretagne à la Dickens.
Bonne surprise encore, parce que le style renoue avec celui en vogue à l'époque, celui des privés.
Ici notre héros est un ancien flic, un bientôt journaliste, et l'écriture a ce petit parfum délicieusement rétro, où le 'je' met en scène ce détective un peu tête brûlée, un peu inconscient, un peu naïf, toujours prêt à prendre des coups, ceux des malfrats comme ceux des flics, et bien sûr à sauver la blonde qui va avec l'histoire.
Des détectives qui ont un don inné pour s'attirer les pires emmerdes, n'écoutant que leur conscience irréprochable ou presque et leur cœur immense ou presque, des chevaliers en quelque sorte.
Dans la même veine détective+rétro, on se rappelle le québécois Maxime Houde lu tout récemment.
[...] J’avais secoué le nid de frelons, il en résulterait quelque chose qui jouerait peut-être en ma faveur. D’un autre côté, je pouvais tout aussi bien me faire piquer. À mort.
[...] Vous avez tiré sur un homme !
— Dans son pied.
— Vous avez tiré sur lui. Vous avez ensuite traîné dehors par la peau du cou le plus gros gangster de Glasgow, en le menaçant d’une arme ! Et vous l’avez réduit à vous implorer de le laisser en vie ! Tous les criminels, meurtriers, trafiquants de drogue et Dieu sait quoi d’autre de la ville sont en ce moment à votre recherche ! Pour vous écorcher vif et planter votre tête sur une pique dans Trongate !
[...] Je haussai les épaules et souris aussi humblement que possible.
[...] Rétrospectivement, c’était en effet pure idiotie de ma part. Le genre de conduite qui vous vaut la croix de guerre. À titre posthume.
Bonne surprise toujours, avec une intrigue habilement construite : un tueur pédophile en série, Hugh l'ami de Brodie, accusé trop facilement et pendu encore plus rapidement, une enquête qui va rebondir après l'exécution de l'innocent, des malfrats, des puissants corrompus et peut-être même l'ombre de l'IRA ...
[...] Cinq enfants avaient disparu l’année d’avant, trois dans l’East End, deux dans les Gorbals. Seul le dernier avait été retrouvé. On avait découvert Rory, le fils de Fiona, dans une cave à charbon, derrière des immeubles anciens. Nu et mort.
[...] On l’avait violé, Dieu lui vienne en aide ! Le lendemain matin, la police avait arrêté Hugh Donovan dans sa chambre des Gorbals.
[...] — Ecoute, il vaut mieux que je te raconte ce qui s’est passé ces derniers mois. Comment je suis retombé sur Fiona.
 [...] Pourquoi ferais-je ça pour toi ? me demandai-je. Il devina mes pensées.
— Le fais pas pour moi, Douglas Brodie. Ni même pour Rory. Même si ce serait déjà beaucoup. Mais un malade comme ce type recommencera. Il tuera un autre gosse…
Je quittai le parloir, laissant Hugh hocher la tête et se tordre les mains. Il m’avait flanqué un lourd fardeau sur le dos et j’étais résolu à m’en débarrasser.
Enfin, cerise sur le pudding écossais, une belle plume, très soignée, pleine d'humour et d'intelligence, pour nous faire découvrir cette époque et cette région.
Et bien sûr, une belle avocate (la blonde de l'histoire).
[...] Elle ne fit pas l’amour comme une avocate. Il n’y eut pas de calculs froids, de montée progressive et d’exposition calme des éléments du dossier. Ce fut une affaire criminelle, contenue et violente, avec de merveilleux dommages corporels. Chacun commit des délits sur le corps de l’autre, pétrissant, mordant, se livrant à de délicieuses voies de fait.
Bref un excellent épisode dans la série détective, un polar soigneusement construit et écrit.
Et une histoire malheureusement en phase avec l'actualité du moment, lorsque le pape donne l'absolution à Mgr. Barbarin :
[...] La souillure était donc partout ? J’avais cru pouvoir lui faire confiance quand j’avais fait sa connaissance. J’avais apparemment perdu ma capacité à juger les gens.
[...] Il prétendait que c’était la faute du prêtre.

Pour celles et ceux qui aiment les privés et pas les curés.
Bientôt d’autres avis sur Babelio.

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