Mortelle randonnée.
Déception que ce livre de l'espagnol Rafael Reig : Ce qui n'est pas écrit.
On avait fait confiance aux éditions Métailié et à de bonnes critiques lues ici ou là, mais la paella hispanique n'était finalement pas à notre goût.
Tout cela partait pourtant d'une bonne idée assez originale puisque l’auteur fait s'entrecroiser trois histoires dans son bouquin.
Carlos et Carmen ont divorcé il y a quelques temps et ne sont plus en bons termes.
Carmen a cependant consenti (un peu à contre cœur) à ce que son ex-mari emmène leur fils en week-end pour une rando en montagne.
[…] – Je veux te voir content, fiston. Ton bonheur est la seule chose qui compte pour moi. Il voulait juste que son fils soit heureux, ce gamin harassé et effrayé qui buvait son jus de fruit à grandes gorgées, ce garçon qui avait du mal à décoller les yeux du sol et à soutenir son regard, et qui nettoya ses lèvres avec le dos de sa main sans que son père puisse s’empêcher de dire : – Prends une serviette, je t’en prie, je te l’ai dit mille fois ! – Pardon, papa. Il voulait que Jorge redevienne à nouveau son fils. Occupe-toi bien de mon fils, c’est ce que sa mère avait dit. Elle avait raison, maintenant il était à elle : elle le lui avait enlevé. Carmen et son avocate avaient kidnappé le petit avec de fausses accusations, mais maintenant il avait une chance de le récupérer. Il demanda un troisième whisky, abasourdi par ce désastre qu’il avait fait de sa vie.
Carlos qui se pique d'être écrivain, lui a laissé un manuscrit à lire (Carmen travaille dans une maison d'édition). Et nous voici embarqués avec trois romans pour le prix d'un : l'histoire de la virée calamiteuse de Carlos et son fils, l'histoire écrite par Carlos (un polar qui pastiche les Orchidées de Miss Blandish) et l'histoire de Carmen qui lit l'histoire de Carlos.
Dès les premières pages on se doute que tout cela va très mal finir : Carlos carbure au whisky et la rando avec son fils fait immédiatement penser au roman de David Vann (une ombre qui pèse d'ailleurs lourdement sur le bouquin de Rafael Reig).
Le faux roman inclus dans le vrai ressemble fort à une lettre vengeresse de Carlos à son ex-femme et dès les premières pages, cette dernière commence à regretter d'avoir laissé son fils partir avec son père.
[…] Alors son portable sonna. Quand elle le sortit de sa poche, l’appel s’était interrompu. Un appel en absence. C’était son fils. Elle appela, mais le téléphone était “déconnecté ou hors réseau”. Elle regarda sa montre : il était huit heures vingt. Elle décida de ne pas avoir peur, de ne pas y penser et de continuer à lire.
[…] Mais pour elle, il n’était pas si facile de continuer à lire : elle en savait trop. Elle en lisait trop, plus que ce qu’il y avait dans la page : elle lisait ce qui n’était pas écrit. Peut-être que c’était ça, l’obstacle : elle cherchait quelque chose entre les lignes et ça l’empêchait de voir ce qu’elle avait sous les yeux.
Après une mise en route laborieuse on se dit soudain que, ça y'est, on tient le bon bout quand le faux polar de Carlos (écrit forcément il y a quelques temps) commence à décrire des faits qui ressemblent étrangement à ce qui se passe aujourd'hui même dans la vie de Carmen ...
Mais non, Rafael Reig ne réussit malheureusement pas à tirer tout le parti de sa bonne idée et chacune des histoires imbriquées se terminera aussi laborieusement qu'elle a commencé.
Les personnages sont à la limite de la caricature : un Carlos alcoolique et intransigeant, un fils faible et veule et une Carmen versatile et insignifiante.
Finalement, on en vient à penser avec sévérité (sans doute trop de sévérité) que le bouquin de Rafael Reig ressemble au faux polar de Carlos : pesant et glauque, maladroitement imbibé de whisky et inutilement épicé de sexe.
[…] De quoi il parle, ce roman ?
– C’est un roman noir, un enlèvement. Une bande kidnappe une fille. Il y a de la violence et du sexe vulgaire, tout est un peu désagréable. Ça ne casse pas des briques, ça peut se lire, mais guère plus.
Ce qui n'est pas écrit n'aurait peut-être pas dû l'être ...
Pour celles et ceux qui aiment les histoires tordues.
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1 commentaire:
Justement en lisant la quatrième de couverture je ne pouvais déjà pas m'empêcher de penser à l'excellent "Sukkwan Island" et c'est une des raisons pour lesquelles je ne me suis pas ruée sur ce polar çi... votre avis ne fait que me conforter dans mon choix de découvrir d'autres livres en priorité
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