La guerre de Troie a bien eu lieu. Deux fois.
Il était une fois.Dans une Afrique imaginaire, à une époque imaginaire, Laurent Gaudé nous conte La mort du roi Tsongor, à la veille des épousailles de sa fille unique et préférée.
Mais rien ne va plus dans le pays de Massaba.
Un deuxième prétendant s'invite au mariage de la fille. Le roi meurt. Les deux princes vont s'entre-déchirer pour la belle et son royaume, ils vont livrer bataille au pied des murailles de la ville assiégée.
Bref, tout fout le camp et il y a quelque chose de pourri au royaume de Tsongor, un empire bâti à force de conquêtes, d'ambitions, de batailles et donc de morts.
Trop de morts, qui pèsent maintenant lourdement sur le destin de chacun : aucun n'en sortira indemne.
Dans un style très théâtral, Laurent Gaudé fait preuve d'un étonnant syncrétisme mythologique rassemblant des bribes de tragédie grecque, de guerre de Troie, d'amazones, de jardins babyloniens et même d'une armée de soldats d'argile.
On retrouve dans cette épopée homérique la poussière des combats déjà soulevée dans les romans d'Ismail Kadaré.
On aurait aimé y retrouver le souffle qui animait l'albanais nationaliste.
On aurait aimé y retrouver un peu d'exotisme puisqu'on n'est finalement guère curieux de retrouver ici une autre Hélène ou d'autres Hector ou Achille sous les remparts de la ville : un air de déjà vu.
Tout cela est fort bien écrit mais on aurait aimé y trouver un supplément d'âme plus intime comme si Laurent Gaudé s'était livré à un exercice trop académique : rassemblez vos souvenirs de la classe de mythologie classique et racontez une belle histoire.
On aurait surtout aimé que l'Afrique soit plus présente ou que l'humain et le fantastique s'invitent plus souvent, comme dans ces troublants passages où l'âme en peine du Roi Tsongor qui attend son heure sur les berges du fleuve des morts, voit peu à peu "arriver" les combattants trucidés, puis ses sujets, et enfin ses fils eux-mêmes, ...
[...] - J'ai vu aujourd'hui une foule immense apparaître à mes yeux, reprit le mort. Ils sortaient de l'ombre et se sont dirigés, lentement, vers la barque du fleuve. C'étaient des guerriers hagards. J'ai observé leurs insignes ou ce qu'il en restait. J'ai regardé leurs visages. Mais je n'ai reconnu personne. Dis-moi, Katabolonga, qu'il s'agit d'une armée de pilleurs que les troupes de Massaba ont interceptés quelque part dans le royaume. Ou de guerriers inconnus qui sont venus mourir sous nos murailles sans que personne ne sache pourquoi. Dis-moi, Katabolonga, que cela n'est pas.
- Non, Tsongor, répondit Katabolonga. Ce n'est ni une horde de pilleurs ni une armée de mourants venus s'échouer sur nos terres. Ce sont les morts de la première bataille de Massaba. Tu as vu passer sous tes yeux les premiers écorchés de Souame et de Sango Kerim, mêlés les uns aux autres dans une pauvre colonne de révulsés.
- Alors la guerre est là et je n'ai rien empêché, dit Tsongor. Ma mort n'a servi à rien.
Pour celles et ceux qui aiment les tragédies antiques.
Les éditions Actes Sud Babel éditent ces 205 pages qui datent de 2002.
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