samedi 27 décembre 2014

Best-of 2014

Excellente année 2015 !

Allez, c'est parti pour le traditionnel exercice du best-of annuel qui est surtout là pour nous rappeler quelques bons souvenirs et l'occasion pour les retardataires de peut-être rattraper l'année qui a filé trop vite.
Malheureusement peu de difficultés pour le ‘choix’ des finalistes de cette année 2014 qui semble avoir été assez pauvre en gros coups de cœur.
Mais, à la relecture de ce podium, la sélection s’avère d’autant plus originale, étonnante, surprenante et finalement goûteuse.
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Du côté des romans, une année déclinée au féminin avec trois auteures femmes et trois histoires de femme(s).

Indubitablement Blandine LeCallet sera notre découverte de l’année. Repérée déjà à la toute fin 2013 avec de curieuses épitaphes [clic], La Ballade de Lila K fut un gros coup de cœur début 2014.
Il y aura même quelques mois plus tard, un autre coup de cœur avec Une pièce montée. Chapeau l’artiste.
Des trois, La Ballade de Lila K reste sans doute le plus original.
Un faux bouquin de SF où Blandine Le Callet nous raconte le cheminement de sa Lila, à la recherche de son passé et de sa mère : cette Lila est une sacrée trouvaille, un personnage au cœur du roman (qui fait le roman), un personnage émouvant et passionnant, très attachant de la première à la dernière page.
Ajoutons que l'écriture de cette auteure est toujours aussi claire et limpide : une prose fluide et élégante, qui va tranquillement à l'essentiel, sans les affèteries et les coquetteries dont sont parfois coutumiers nos auteurs français.
Et puis aussi, il y a ces propos étranges et inquiétants sur les livres désormais numérisés dans le monde de Lila où un ‘vrai’ livre papier représente un trésor interdit …

Décidément les petites françaises furent à l’honneur cette année et on n’hésite pas à faire monter sur le podium un premier roman, celui de Julia Kerninon : Buvard.
Cette vraie-fausse biographie qui se dévore comme un polar, nous plonge au cœur des mystères de l’écriture. L’héroine de l’histoire, Caroline N. Spacek aura eu une vie et un métier passionnant.
C’est aussi le métier de Julia Kerninon : espérons que sa vie sera plus calme !
Une belle histoire où Julia Kerninon nous parle, elle aussi, de littérature.
Une écriture superbe, tout simplement.


 

Quittons les plumes françaises mais restons chez les (jeunes) femmes avec Maine de l’américaine Julie Courtney Sullivan. C’est là son second roman seulement.
Quatre beaux portraits de femmes : la grand-mère, la mère, la fille, la pièce rapportée ...
L'écriture est agréable et fluide, au standard américain donc sans grande originalité mais parce que toute la place est laissée au sujet et à sa narration.
Il ne se passe pas grand chose dans ce roman : peu ou pas d'action, on passe d'un personnage à l'autre, on découvre peu à peu toute l'histoire de cette famille et de ces femmes et l'on devine qu'au fil des pages, ces trois ou quatre générations finiront par se retrouver sous le même toit. C'est captivant et lorsqu'aux trois-quarts du bouquin les quatre femmes se télescopent enfin, quel feu d'artifice (on approche d'ailleurs du 4 juillet) : on les connait bien désormais et leurs dialogues sont alors un vrai régal.
Ce qui rend ces femmes passionnantes et attachantes (alors qu'elles sont au demeurant exaspérantes et irritantes) ce sont bien leurs difficultés à endosser le rôle qui leur est donné : bonne épouse ou bonne mère, chaque génération a eu, a ou aura bien du mal à entrer dans le carcan, beaucoup de mal.
Le regard de la jeune J. Courtney Sullivan est étonnamment juste et perspicace.
Férocement désabusé aussi.

Si la règle (il en faut bien une) n’était pas de limiter le podium à trois places, on aurait bien aimé décerner un prix spécial du jury à la québécoise Catherine Leroux pour une mémorable Marche en forêt en compagnie de la grand-mère Alma et d’une écriture très originale. 


Pour la transition entre le podium des romans et celui des polars, le français Antonin Varenne sera nominé avec son étonnante fresque qui file à l’allure de ses Trois mille chevaux vapeur depuis les Indes orientales jusqu’au far-west : commencé à grand bruit dans la fureur des guerres coloniales en Asie, le roman s’achèvera au son des canons de la Guerre de Sécession.
Le fil de l’intrigue ‘policière’ est très ténu et ne sert qu’à nous tenir en haleine tout au long du voyage, dans l’impatience de découvrir quelles sont exactement ces mystérieuses et terribles cicatrices que Bowman et ses anciens compagnons d’armes ont ramené de captivité, et lequel des rares survivants en est devenu fou furieux.
Les romans d’aventure modernes sont assez rares pour s’attarder sur celui-ci, insolite et intéressant.

Dans un tout autre registre mais tout aussi inhabituel, les Empereurs des ténèbres de l’espagnol Ignacio del Valle nous plonge dans l’enfer de la dernière guerre, à Leningrad en 1943 aux côtés de la Division Azul.
Effet de mode, intérêt cyclique ou fascination étrange pour les démons de cette période ?
Philip Kerr et son inspecteur Bernie nous promenaient dans les bunkers nazis tandis que Maurizio di Giovanni et son étrange commissaire Ricciardi nous faisaient défiler les quatre saisons sous l'Italie de Mussolini.
Il manquait donc un chaînon : et c'est Del Valle qui se charge de nous emmener voir du côté des franquistes.
Rien de bien gai dans cette ambiance de fin de monde mais l’intrigue policière est plus subtile qu’il n’y parait et le décor historique passionnant.
L’épisode suivant (Les démons de Berlin) sera plus décevant mais celui-ci valait bien le détour.

Restons dans le registre de l’inhabituel avec cette enquête journalistique au pays Basque : en dépit de son titre, L’homme qui a vu l’homme de Marin Ledun s’avère tout simplement excellent.
Un récit sec et un bouquin très dur, sans cesse sous tension, une sorte de thriller politique où Marin Ledun ne nous fait guère de concessions : pas vraiment de héros sans peurs et sans reproches, pas d’empathie romancée, pas de scoops politico-journalistiques, pas de rocambolesques péripéties, ...
Mais des faits, beaucoup de faits (inspirés de faits réels), parfois difficilement soutenables, juste hier en 2009, ici en France.
Marin Ledun évite soigneusement d'en faire trop sur le volet politique et le héros de son livre n'est pas la cause de l’ETA. Non, le propos de l'auteur vise plutôt à retracer le patient (et dangereux) travail d'investigation des journalistes : il y en a deux dans son roman, ni des saints, ni des héros, mais deux journaleux qui font leur boulot.


L’année 2014 fut particulièrement avare de grands moments de cinéma et il s’en est fallu de peu que l’on n’arrive à garnir les trois places du podium.

Pourtant l’année commença sous de bons auspices avec ce film indien The Lunchbox (suivi par un japonais excellent également : Tel père, tel fils).
Chaque jour de la semaine, la corporation des dabbawallas de Mumbai achemine tous les matins plus de 400.000 lunchboxes ou gamelles préparées par les mères, épouses, petits restos et bouibouis jusque sur le lieu de travail des frères, fils, clients ou maris. Une lunchbox égarée va tisser le lien étrange et amoureux entre une femme et un fonctionnaire …
Ce petit film étrange aura fait l’unanimité des critiques (chose rare) et a rencontré un succès fou : l’occasion de découvrir plein de choses sur la vie quotidienne de la classe moyenne de Mumbai, bien loin des clichés de Bollywood.
Un joli film subtil et plein d’humour et de nostalgie (même si le spectateur occidental doit laisser échapper quelques subtilités), une VO au mélange d’hindi et d’anglais savoureux, un montage astucieux et une rigueur narrative sans faille.
Un petit film plein de douceur et de tendresse pour ses personnages et sa ville : on se laisse bercer par le rythme lent des aller-retour de la lunchbox et des trains.

Dallas Buyers Club conte l’histoire véridique d’un macho texan plongé au cœur de la communauté LGBT, lui-même gravement touché par l’épidémie - le sida ça n’arrive pas qu’aux autres. Habitué du rodéo à chevaucher les montures les plus rétives sur lesquelles la survie se compte en secondes, son énergie, son envie de vivre et ses trafics de médecines, l’amèneront à survivre bien au-delà des 30 jours qui lui étaient promis par la science officielle.
Ce film mené tambour battant (pas mal d’ellipses accélèrent le rythme) est tout d’abord un devoir de mémoire sur les terribles débuts de cette sinistre maladie du siècle.
C’est aussi un très beau film (du québécois Jean-Marc Vallée à qui l’on devait déjà C.R.A.Z.Y.) sur ces malades dont les jours sont comptés par le virus mais qui ne veulent pas s’en laisser conter/compter par les labos officiels.  Des malades en train de partir, aux corps déliquescents : Matthew MacConaughey et Jared Leto ont tous deux perdu plusieurs dizaines de kilos pour le tournage. Un film tout simplement obligatoire.

Mais où donc situer My sweet Pepperland ?
Actrice iranienne (Golshifteh Farahani déjà vue dans À propos d’Elly), réalisateur irakien, paysages de la frontière turque ... c'est tout l'avantage cinégénique du Kurdistan, un pays qui n'a jamais vraiment eu le droit d'exister sauf peut-être entre 1920 et 1923 jusqu'à ce que les Grandes Puissances fassent valoir des enjeux géopolitiques plus sérieux que les espoirs de la population locale.
Depuis la chute de Saddam, une partie du Kurdistan a gagné une relative indépendance et le film de Hinner Saleem  débute par une mise en perspective magistrale de ce nouveau ‘pays’ : les kurdes découvrent l'autonomie, on y a besoin de police, de justice, bref de tout sauf de pétrole ...
Une très belle histoire va nous être contée qui aborde d'un air souvent léger et parfois ironique des sujets très sérieux et très actuels.
Dans ce Kurdistan en devenir, une jeune institutrice et un ancien résistant devenu flic vont se trouver réunis par le hasard ou le destin : tous deux partent rejoindre un petit bled paumé de montagne, près de la frontière turque pour y apporter l'éducation, la démocratie, l'ordre et la loi.
Mais dans ces montagnes reculées aux traditions moyenâgeuses très présentes, une femme seule qui prétend éduquer les enfants n'est pas la bienvenue.
Et dans ces montagnes reculées soumises à de petits chefs de guerre et trafiquants locaux, un ancien héros de la résistance qui vient jouer au shérif intègre n'est pas le bienvenu.
Le plaisir d'une belle histoire dédiée aux femmes, la satisfaction d'un bon cinéma bien loin d’Hollywood et l'intelligence de nous faire découvrir de l'intérieur, un pays dont on parle beaucoup mais qu'on connait si peu : une place méritée sur ce podium 2014.


Pas de débat du côté des BD : la série (4 albums) Blast du français Manu Larcenet remporte la palme, haut la main qui tient le pinceau.
Il faut quelques pages pour dépasser la surprise de ce noir & blanc envahissant, avare de textes et chiche en dialogues, mais bien vite le dessin (où l’on croit apercevoir parfois le fantôme de Fred)  finit de nous accrocher définitivement : pour dépeindre les noirceurs de l'âme, Manu Larcenet a opté pour une gamme étonnamment variée de beaucoup de noirs et d'un peu de blancs. Des pages d'une profonde noirceur mais des planches d'une luminosité surprenante, tout à fait en accord avec le propos et une histoire où justement tout n’est pas noir ou blanc, chapeau l'artiste.
Des planches comme celle-ci valent le déplacement !
Un dessin qui se révèle étrangement physique et qui tente de nous faire ressentir la pesanteur des corps malades, blessés ou maladroits, l'humidité et la vitalité des forêts grouillantes, l'errance des regards éperdus, ... Étonnant.
Dans ce registre de couleurs on se doute que l’histoire n’est pas bien gaie et elle se termine très habilement sur un dernier chapitre qui s’intitule : Pourvu que les bouddhistes se trompent … Tout un programme dont on vous laisse découvrir le sens exact.

Le temps béni des colonies : en 1899, notre République éclairée dépêcha une Mission Civilisatrice et envoya deux officiers français, le capitaine Voulet et le lieutenant Chanoine, à la conquête du Tchad.
La colonne infernale (ils étaient accompagnés de plusieurs centaines de tirailleurs sénégalais et mercenaires africains) leur colonne infernale a laissé une longue traînée de sang dans les sables du Niger actuel, pillant, violant, incendiant, décapitant et massacrant tout sur son passage : on parle de plusieurs milliers de morts, femmes et enfants compris. À l'époque on mit cela sur le compte d'une soudanite aigüe qui aurait affecté nos vaillants soldats et, après la défaite de Fachoda contre les anglais, la conquête effective et glorieuse du Tchad fit bien vite oublier ce détail de l'Histoire, d'autant qu'en France, l'affaire Dreyfus présentait d'autres enjeux.
C'est donc ce sinistre épisode de la pacification coloniale que nous raconte la BD en deux volumes de Christophe Dabitch (scénario) et Nicolas Dumontheuil (dessin).

Après Tardi, le dessinateur Max Cabanes a choisi de reprendre plusieurs œuvres de Patrick Manchette (aidé par Doug Headline qui n’est autre que le fils de Patrick Manchette).
Fatale est réputée comme leur meilleure adaptation (après La princesse de sang).
Plutôt qu’un polar inquiétant ou une intrigue sophistiquée, Cabanes a choisi de nous peindre une ambiance et un personnage.
Coup de chapeau pour cette BD qui sort des sentiers rebattus, en un seul volume là où d’autres jouent les prolongations en série.
Un décor (savamment construit) des années 60-70 avec 2CV, R16 et 4CV en guise de vaisseaux spatiaux.
Des images troubles et inquiétantes, comme battues par la pluie et les mauvais (pres)sentiments …
Et puis une BD qui donne vraiment envie de lire le roman ? Quel plus bel hommage ?


Côté miousik, on a été un peu moins assidu cette année et donc on a un peu de mal à garnir le podium (… mais on prépare une petite surprise pour le jour de l’an !).

Il fallait tout de même distinguer l’anglais Jake Bugg et sa gueule d’ange à la moue dédaigneuse soigneusement composée et régulièrement entretenue.
Une voix nasillarde doucement perchée, une pop swinguant entre balades et mélodies entraîneuses, un succès qui tourne la tête de cet enfant gâté et de ses groupies, …

 

Et puis bien sûr les retrouvailles avec le duo australien : Angus et Julia Stone.
Après l’envolée miraculeuse de 2010 [vous vous souvenez forcément du Big Jet Plane], on croyait bien les frère et sœur définitivement perdus down under depuis que ces deux-là travaillaient chacun de son côté.
Merci au producteur Rick Rubin (qui travaille également sur l’album de Jake Bugg …) d’avoir remis en selle le duo australien et surtout d’avoir réussi à renouveler leur palette musicale.
Moins de sucre et plus de ‘groove’ dans les arrangements pour des chansons plus électriques et plus musclées.
Plus de place également à la voix de la douce Julia.


Voilà c’est dit ! Bye-bye 2014 et vive 2015 !


2 commentaires:

Frak Yeah French Music a dit…

et la musique ? :)

BMR a dit…

Voilà voilà !
J'ai ajouté (un peu) de musique. Mais cette année on a été un peu moins branché sur le casque !