mardi 4 juillet 2023

Kalmann (Joachim B. Schmidt)


[...] Le shérif de Raufarhöfn, a-t-elle ajouté.

    L'auteur, le livre (368 pages, 2023) :

Oh, encore un auteur de polars islandais ?
Presque : Joachim B. Schmidt est un petit suisse venu du fin fond des Grisons, tombé amoureux de l'Islande et installé depuis à Reykjavik ! Un parcours atypique qui vaut à lui seul le détour par ce titre Kalmann, son quatrième roman, mais le premier traduit en français.

    On aime très beaucoup :

❤️ La découverte de l'Islande à travers les yeux de Kalmann, l'idiot du village qui a oublié d'être bête. Fort heureusement, Joachim B. Schmidt réussit à éviter le piège de la caricature facile avec ce type de personnage : son Kalmann n'est pas tombé de la dernière neige et promène son regard incisif (celui de l'auteur ?) sur ses concitoyens.
[...] Je ne devais pas tolérer qu'on me traite de gogol, ce que personne ne faisait, parce que je n'en suis pas un. Je suis seulement différent. Mais grand-père m'avait dit un jour que chacun était différent d'une certaine façon, et que donc j'étais tout à fait normal.
❤️ Le rythme adopté par l'intrigue car bienheureux seront ceux qui se laisseront bercer par le rythme lent de la vie de ce petit port de pêche désormais oublié mais qui rêve encore au temps de sa splendeur, quand la pêche au hareng battait son plein et qu'on n'arrivait pas à loger tous ceux qui venaient travailler ici. 

      L'intrigue :

Effectivement, tout commence comme un bon polar islandais : non loin d'un petit port de pêche sur le cercle polaire, Kalmann chasse le renard et découvre une large tâche de sang dans la neige.
Dans le même temps, le notable du village, Róbert McKenzie, semble avoir disparu.
Róbert McKenzie c'était au village de Raufarhöfn [le roi des quotas] de pêche, [c'était le roi de Raufarhöfn], [c'était l'homme le plus riche de Raufarhöfn, il possédait le dernier quota de pêche pour le capelan et le cabillaud.] 
Mais notre petit suisse ne s'est évidemment pas installé là-haut pour faire concurrence à Indridason.
Car c'est plutôt un très beau portrait que l'auteur à voulu nous peindre : Kalmann, c'est l'idiot du village qui se promène avec une étoile de shérif épinglée à son anorak, mais un idiot qui aurait oublié d'être bête et qui en sait beaucoup sur ses concitoyens qui le regardent avec beaucoup de condescendance et un peu de moquerie. 
Le seul qui se soit vraiment intéressé à lui et montré bienveillant, c'est son grand-père mais Kalmann se retrouve un peu solitaire maintenant que son grand-père est à l'hospice. Un grand-père qui lui a d'ailleurs appris à chasser le renard et à pêcher le requin.
[...] On sait très peu de choses. Et cela me console beaucoup, car je ne sais pas grand-chose sur le monde, et ceux qui font comme s'ils avaient une réponse à toutes les questions ont un pète au casque, c'est tout. Mais si on découvre du nouveau sur les requins du Groenland, je veux le savoir. Capturer des requins, c'est quand même mon métier.
[...] Nous savons en tout cas que les requins ont un très bon odorat, ça a été prouvé, et il faut le savoir quand on veut en capturer. Le plus important, pour faire un bon pêcheur de requin, c'est les appâts.
La cervelle de Kalmann ne tourne pas bien vite et le bouquin de Joachim B. Schmidt non plus : l'auteur prend tout son temps pour nous décrire la petite vie provinciale et tranquille de Raufarhöfn, un ancien port traditionnel moribond (les fameux quotas). 
Vraiment tout son temps puisqu'après la tâche de sang des premières pages, il faudra attendre le milieu du bouquin pour qu'un autre cadavre (celui du fameux McKenzie n'a toujours pas été retrouvé) vienne troubler à nouveau la petite vie tranquille de Raufarhöfn. 
Sur fond de neige, tout cela prend des airs de Fargo et l'on se prend à rêver que Frances McDormand endosse un jour le rôle de Birna, la fliquette du village.
Les amateurs d'intrigue policière à rebondissements seront peut-être déçus mais vraiment bienheureux seront ceux qui se laisseront bercer par le rythme lent de la vie de ce petit port de pêche désormais oublié mais qui rêve encore au temps de sa splendeur, quand la pêche au hareng battait son plein, qu'on exportait vers toute l'Europe et qu'on n'arrivait pas à loger tous ceux qui venaient travailler ici. 
Il manque sans doute quelques cases dans la tête de Kalmann et il manque assurément quelques quotas et quelques bateaux dans le port délaissé de Raufarhöfn : mais avec ces deux portraits très réussis, celui de Kalmann et celui du village, on tient là un très bon roman que l'on referme à regret, désolé de devoir quitter Kalmann et les quelques autres habitants restés dans son village.
L'intrigue policière reprendra à peine ses droits dans les derniers chapitres pour un final très réussi, bien à la hauteur de ce très agréable roman.
[...] Si on perd le quota pour Raufarhöfn, les derniers emplois vont disparaître, et il y aura trop peu d'enfants ici, l'école va fermer.
Nos vrais gros coups de cœur se font rares : c'est dire si cet auteur suisse mérite qu'on le suive jusqu'au cercle polaire et qu'on attende avec impatience les prochaines traductions.

PS : le port de Raufarhöfn existe réellement (c'est le village le plus septentrional de l'île) de même que le vrai-faux monument Arctic Henge construit en 2004 par ... mais oui, le propriétaire de l'hôtel du coin !

Pour celles et ceux qui aiment les ours blancs et les requins.
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