[...] Le sourire du tigre n’est jamais rassurant.
Hugues Pagan occupe une place à part, un peu déphasée, au rayon polars. Et son flic fétiche, l'inspecteur Schneider, également. Une fois de plus, voici un roman d'une noirceur désespérée dans une ambiance très seventies.
Mais peut-être pas l'épisode le plus accessible de la série.
L'auteur, le livre (432 pages, janvier 2025) :
📖 Rentrée littéraire hiver 2025.Hugues Pagan, vieux monsieur élégant tout de noir vêtu, aura été flic et prof de philo : il y avait donc là de quoi faire un de nos meilleurs auteurs frenchy de polars !
En 2017, on l'avait déjà salué d'un coup de cœur pour Profil perdu, où l'on découvrait son flic fétiche, le commissaire Schneider, un personnage digne des meilleures séries scandinaves ou américaines.
Ce Schneider, tout comme le Harry Bosch de Connelly, est un personnage solitaire qui porte les cicatrices d'une sale guerre.
On le retrouve ici avec L'ombre portée.
♥ On aime :
➔ Plonger dans les écrits de Pagan n'est pas une mince affaire.
Pour celui-ci, je m'y suis même repris à deux fois.
Il faut se laisser imprégner d'une ambiance sombre et noire, des couleurs sans espoir qui sont celles de la Ville ainsi nommée, avec une majuscule s'il vous plait.
Une Ville aussi dysfonctionnelle que Gotham City mais sans la démesure puisqu'il s'agit d'une préfecture provinciale du nord-est, sans plus de précision.
Nous sommes dans les années 70, le ténébreux Claude Schneider et son équipe nettoient les écuries de la Ville.
[...] Vous êtes créancés au fretin, à la valetaille. Tant que vous nettoyez les chiottes au sous-sol, tout le monde vous fiche la paix, parce que tout le monde s’en fout. Les gros poissons, c’est pas pour vous. Les gros poissons, c’est pour personne.
➔ Le style viril et désabusé du sieur Pagan est toujours très travaillé, avec des parfums d'Audiard et parfois quelques métaphores un peu ampoulées quand la plume se lâche. Quelques formules répétées aussi mais rien qui pourrait venir gêner la lecture.
Hugues Pagan est un écrivain un peu à part dans le paysage du polar français, il appartient à une espèce en voie de disparition.
À l'image de son flic Schneider “il ne parvenait pas à trouver sa place. Peut-être n’en avait-il nulle part”.
Mais c'est un auteur qui gagne à être lu.
Mais c'est un auteur qui gagne à être lu.
➔ Le flic, l'intrigue et le lecteur tournent un peu en rond pendant la première moitié de ce bouquin qui n'est certainement pas le meilleur ni le plus facile de Pagan et on ne peut que vous recommander de commencer par son Profil perdu si vous ne l'avez pas déjà découvert.
Et puis il y a ce personnage de flic particulièrement bien dessiné.[...] Elle ne pouvait s’empêcher de trouver de faux airs de Delon au policier, avec son élégance glaciale et son sourire de travers.
[...] – Est- ce que vous avez une femme, dans votre vie ?– Oui, dit Schneider. J’ai une femme dans ma vie. J’espère même qu’un jour je la rencontrerai.
[...] Avant de sortir, il glissa son Colt sous la ceinture, derrière. Comme ça se faisait dans les années cinquante.
[...] – Vous me tiendrez au courant, n’est- ce pas ?– N’est- ce pas, promit Schneider. Comme il se tenait retranché derrière ses lunettes noires, il était difficile de deviner s’il se foutait de la gueule du monde ou non.
Le canevas :
Tout commence sur fond de magouilles immobilières, avec l'incendie d'un entrepôt.
Et quelques dommages collatéraux puisque trois SDF avaient fait le mauvais choix pour cette nuit et finiront carbonisés dans les décombres.
Cette “dévastation de la vieille ville répondait certainement à des motifs financiers, mais il y avait autre chose”.
Cette “dévastation de la vieille ville répondait certainement à des motifs financiers, mais il y avait autre chose”.
Sur le bureau de Schneider d'autres affaires, apparemment sans rapport : les craintes injustifiées d'un notable, un meurtre quasi rituel, un braqueur en cavale, ...
De temps à autre, l'inspecteur croise l'ombre d'un sicaire qui porte des gants noirs et roule en Simca 1300.
[...] Il a commandé un scotch. Il portait des gants noirs, il a bu son verre sans les enlever. Sauf à se prendre pour un tueur à gages, personne ne boit sans retirer ses gants.
L'enquête piétine et tourne en rond dans un labyrinthe de mystères, compliquée davantage par les agissements obscurs d'occultistes.
[...] – Tu as entendu parler de cérémonies secrètes ? D’incantations ?[...] – Selon un témoin, il est question de danse avec les morts.
[...] – Le Diable. Tout cela baigne dans la diablerie. Celui qui a fait ça craignait le Diable plus que tout au monde.
[...] – Une femme tuée par son mari. Le Diable n’a rien à voir dans tout ça.
Alors qu'elle est donc réellement cette ombre qui s'étend sur la ville de l'inspecteur Schneider ?
Pour celles et ceux qui aiment les flics ténébreux.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Payot et Rivages (SP).
Ma chronique dans la revue ActuaLitté.
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