Laisse tomber la neige.
Encore un polar norvégien ? Du sang sur la neige de Levi Henriksen.
Et bien non, cette fois nous ne rangerons pas ce bouquin au rayon policiers(1).
Non pas qu'il s'agisse d'une sous-classe dévaluée, tous ceux qui viennent picorer à notre table savent à quel point on goûte la littérature dite policière, mais ce bouquin n'a vraiment rien d'un thriller et l'éditeur français a certainement voulu profiter de la vague qui nous a tous emportés.
L'ambiance de cette petite bourgade de la forêt norvégienne se situe plutôt quelque part entre la sombre Islande d'Indridason et les Chaussures italiennes de Mankell.
On a connu des références moins flatteuses !
L'écriture de Levi Henriksen (rocker norvégien de son état) n'atteint pas encore les cimes de ses illustres aînés(2) mais ce n'est là que son premier roman en français (le quatrième chez lui) et si l'on en croit cette fournée, le futur est prometteur !
Alors que se passe-t-il cet hiver-là à Skogli ?
Et bien Dan sort tout juste de prison (vieille histoire de trafic de drogue) et découvre que son frère bien aimé s'est suicidé. Ils étaient très proches, ayant perdu leurs parents trop jeunes.
La maison est vide et il n'y a pas de femme pour attendre notre Dan. Mais plutôt un flic teigneux et l'ancien complice qui lui, n'était pas allé en taule. Ça va plutôt mal. Dan tourne en rond et broie du noir.
L'autre personnage du bouquin c'est l'hiver et Henriksen est un peu au climat littéraire de la Norvège ce qu'Indridason est à celui de l'Islande : fuyez vers les tropiques, ne venez surtout pas nous voir, il fait chez nous un temps de chien !
[...] Le thermomètre affichait moins vingt quand il était parti, mais dans la forêt, au milieu des arbres, il devait faire un peu plus doux - moins quinze peut-être. Un peu plus doux qu'ils disent, les norvégiens, je retiens la formule pour février prochain !
Ou encore, un peu plus loin :
[...] Il avait oublié à quel point un hiver dans les terres pouvait être pénible, qu'il était impossible d'ignorer cette saison comme dans les villes. Il n'y avait ici aucun tram, bus ou train dans lequel monter quand les voitures ne démarraient pas. L'hiver n'était pas éclairer par l'asphalte et les immeubles, mais il vous guettait chaque matin derrière la fenêtre de la cuisine, comme un grand vide.
Oui, l'hiver habite vraiment ce roman et l'on touche d'un doigt frileux la vie quotidienne de ces peuples nordiques : chauffe-moteur, pulls, pneus neige, sauna, poêles à bois ou à mazout (y'a même des poêles dans les camions !).
Pour le reste, l'ami Dan est en pleine dérive et tente péniblement de se reconstruire et d'échapper aux souvenirs trop présents : son frère disparu il y a peu, leurs parents perdus trop tôt ...
Papa était pasteur pentecôtiste : encore un autre aspect méconnu des pays nordiques, rappelons-nous de L'horreur boréale de la finlandaise Asa Larsson.
Dan croise deux autres personnages, un oncle cul de jatte et une jeune femme du pays (et oui, quand même !) et cela nous vaut quelques très belles scènes (ah, le Noël avec tonton au resto de la gare de Charlottenberg avec deux jeunes asiatiques de petite vertu) dignes des Chaussures italiennes que l'on citaient plus haut.
Un roman pas banal, attachant et un univers très personnel mais dans lequel on se laisse emporter sans difficulté (mais chaudement habillé).
Celles et ceux qui voudraient absolument goûter au polar norvégien iront plutôt du côté de chez Jo Nesbo.
(1) : il n'y a d'ailleurs pas de sang dans le titre du bouquin en VO qui pourrait se traduire par “la neige qui tombe va recouvrir celle déjà tombée” [Snø vil falle over snø som har falt]
(2) : aînés en littérature du moins, car il a pratiquement le même âge qu'Arnaldur Indridason (Mankell est plus vieux, lui !)
Pour celles et ceux qui aiment le froid et l'hiver.
Les presses de la cité éditent ces 355 pages parues en 2004 en VO et traduites du norvégien par Loup-Maëlle Besançon.
Melisender en parle.
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