vendredi 20 septembre 2013

D’acier (Silvia Avallone)

En Italie, ce sont les hommes qui sont haut-fourneau.

Dans la série : les bons bouquins lus cet été

On a loupé le film sorti cet été et récemment adapté du roman D’acier (Acciaio en VO) paru en 2010 en VO mais on se rappelle L’étoile imaginaire (2007) qui avait également pour décor la désindustrialisation de l’Italie sidérurgique.
Piombino c’est une petite ville au sud de Livourne et de Pise connue (?) jusqu’à il y a quelques années pour ces hauts-fourneaux. Une sorte de Longwy ou plus exactement, de Fos-sur-mer italien.
Juste en face de la belle et touristique île d’Elbe.
Mais le bouquin de Silvia Avallone  ne nous emmène pas faire du tourisme sur l’île qui n’est qu’à quelques kilomètres au large et il faudra plutôt un moral d’acier pour plonger avec l’auteure dans ce désert post-industriel qu’est devenue Piombino.
En 2001, il ne reste plus qu’un haut-fourneau en activité sur quatre. Il reste encore un haut-fourneau en activité. Autant dire que l’avenir est désormais loin, très loin derrière les habitants de Piombino.
Le roman nous raconte tout cela avec les yeux de deux gamines (treize ans presque quatorze), deux copines, deux amies, Anna et Francesca.
Deux familles donc. Ni l’une, ni l’autre bien enviable : chez Anna, la maman est coco mais le papa fricote et échappe de peu à la prison, chez Francesca, le papa cogne pas mal sur la maman et un peu sur la fille aussi.
Un frangin aussi (celui d’Anna), beau gosse, le prince du quartier et qui bosse comme un dingue dans la fonderie, shooté aux amphètes ou à la coke, comme bon nombre de ses collègues. Il faut bien tenir le coup et se bourrer la gueule le soir ne suffit plus.
Mais quand on est jolie, à treize ans presque quatorze, on peut ne pas voir que l’avenir n’existe pas, on peut encore rêver. Rêver au paradis tout proche et si loin de l’île d’Elbe, rêver à une carrière imaginaire de députée ou de mannequin.
La première partie du bouquin est un peu longue qui nous décrit tout cela entre les hauts-fourneaux de l’usine et la fournaise des hlm : on est en été et les gamines deviennent des petites femmes sur la plage. Faisant tourner la tête des garçons et la leur avec.
La suite est un peu plus animée, l’hiver arrive, quelques évènements aussi, on va vers un nouvel été : mais pour la jeunesse de Piombino l’avenir n’est toujours pas au rendez-vous. Même celui des parents s’est encore assombri.
La tellement proche île d’Elbe est toujours aussi loin et ces quatre kilomètres de mer semblent définitivement infranchissables.

[…] Ça veut dire quoi, grandir dans un ensemble de quatre barres d’immeubles d’où tombent des morceaux de balcon et d’amiante, dans une cour où les enfants jouent à côté des jeunes qui dealent et des vieilles qui puent ? Quel genre d’idée tu te fais de la vie, dans un endroit où il est normal de ne pas partir en vacances, de ne pas aller au cinéma, de ne rien savoir du monde, de ne pas feuilleter les journaux, de ne pas lire de livres, où la question ne se pose même pas ?

L’écriture de Silvia Avallone est sobre et claire. On y trouve quelques répétitions, quelques longueurs on l’a dit.
Bien sûr, on n’échappe pas non plus à quelques émois adolescents et à quelques pages au misérabilisme un peu trop appuyé.
Mais le grand intérêt de ce bouquin, c’est la description juste, sans effets ni fioritures de ce milieu social : autour d’Anna et Francesca, à l’ombre des hauts-fourneaux, on apprend à connaître une petite dizaine de personnages.
Pour les uns comme pour les autres, la fournaise se confirmera sans aucun avenir.
De plus en plus désespérant, d’été en été.
L’histoire débute en juillet 2001 : quelques chapitres plus tard, ce sera le 11 septembre. L’évènement traversera les vies désolées de Piombino de manière très décalée, à mille lieues des préoccupations qui sont habituellement les nôtres. Édifiant.
Une violence sourde et contenue traverse ces pages où l’on attend le drame et tandis que les habitants de Piombino regardent les forêts de l’île d’Elbe flamber au loin comme chaque été, on se demande nous, comment la fournaise de Piombino n’a pas encore explosé …
La morale de cette histoire est finalement toute simple : seules les jolies filles (les très jolies, pas les moches) ont un avantage sur les autres habitants de Piombino, parce qu’elles ont quatre ou cinq belles années, entre 12 et 16 ans. C’est tout. Pour le reste, pour les autres et même pour les jolies filles plus tard, ce sera une vie de merde. Voilà.
Un livre dur mais grand public, étrange mélange.


Pour celles et ceux qui aiment les jeunes filles en fleur et le roman social.
D’autres avis sur Babelio.
Une interview de Silvia Avallone sur Télérama.


2 commentaires:

Unknown a dit…

Ouah, le jeu de mot au fourneau.


Oui, on connaît juste Piombino pour y avoir embarqué pour l'île d'Elbe, avec Monsieur Arcelor Metal qui cache la misère des fourneaux derrière de hautes rambardes en tôle ... Oui, on traverse juste les drames, sans les voir.

BMR a dit…

et ben voilà Martine, tu as là l'envers du décor de l'île d'Elbe ... !