lundi 20 octobre 2025

White City (Dominic Nolan)

[...] Dave Lander ne dormait jamais.


Ce roman noir est une véritable fresque historique sur le Londres des années 50. Une ville qui se remet à grand peine des bombardements du Blitz et qui attire déjà les premières vagues migratoires. Le roman s'ouvre en 1952 sur l'un des plus grands braquages de l'histoire britannique et se termine avec les émeutes raciales de 1958.

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L'auteur, le livre (464 pages, octobre 2025) :

Le britannique Dominic Nolan s'était déjà fait remarquer avec Vine Street (publié en français en 2024 mais pas lu ici), un polar qui emmenait le lecteur sur les traces d'un tueur en série dans le Londres des années 30 puis 40.
Le revoici cette année avec White City, un roman noir qui part d'un fait divers célèbre outre-Manche : le 21 mai 1952, un fourgon de la Poste britannique est intercepté par sept hommes à bord de deux voitures. 
Il s’agit, à l’époque, du plus grand braquage de l’histoire britannique ; il le restera jusqu’à la fameuse attaque du train postal Glasgow-Londres. Le butin ne fut jamais récupéré et les brigands ne furent jamais inquiétés.
La traduction de l'anglais est signée David Fauquemberg que l'on connait également pour ses romans

Le pitch et les personnages :

Le personnage principal est Dave Lander, un flic qui est infiltré 'sous couverture' dans un gang des mauvais quartiers londoniens tenus par Teddy 'Mother' Nunn, lieutenant principal du parrain Billy Hill. Une position très inconfortable pour un boulot ambigu et sous très haute tension.
« Perché depuis six ans sur le fil du rasoir entre flics et gangsters, Lander ne voyait plus guère de différence entre les deux. Peu lui importait dans quel camp les gens croyaient qu’il était – à ceci près que si l’un de ces deux camps venait à penser qu’il appartenait à l’autre, cela importerait au plus haut point. Dave Lander ne dormait jamais.
[...] Lander se demanda, pas pour la première fois, s’il était vraiment en sécurité à naviguer ainsi entre deux mondes, et si l’un de ces deux mondes l’aiderait, le moment venu, quand quelqu’un déciderait de le renvoyer, lui, là d’où il venait.
[...] Peu à peu, les choses avaient dégénéré, jusqu’à devenir incontrôlables. Vous volez quelques trucs ici, tabassez quelques personnes là. Et sans vous en rendre compte, vous voilà devenu plus gangster que flic.
[...] Les dimensions de son existence se réduisaient à vue d’œil : il vivait chaque instant en s’attendant à voir surgir un tueur à gages au coin de la rue. Chaque voiture dans laquelle il montait pouvait être celle dont il ne redescendrait jamais. »
Dans le bouquin, Dave Lander est à bord de l'une des deux voitures du fameux braquage qui ouvre le roman.
En parallèle, on va suivre une adolescente Adlyn 'Addie' Rowe, sa sœur Nees, leur mère Stevie.
Le père, Reggie Rowe, était le postier complice du gang, la taupe qui avait rencardé les braqueurs : on ne le reverra plus.

♥ On aime 

 Comme dans son précédent roman, Dominic Nolan n'hésite pas à dérouler une intrigue sur plusieurs années : nous allons découvrir le Londres d'après-guerre, ses rues bombardées, ses immeubles en ruine, ses terrains devenus vagues. Une ville meurtrie par le Blitz qui se prépare à de grandes transformations, ce qui aiguise tous les appétits.
« La ville était pleine d’endroits de ce genre. De petites zones d’anéantissement où des bâtiments s’étaient écroulés et personne n’avait eu les moyens ou le cœur de les remplacer.
[...] Même si personne ne pensait plus trop à la guerre, ses cicatrices étaient partout.
[...] Les architectes du London City Council ont d’ambitieux projets. La moitié de la ville a déjà été rasée par la guerre, l’autre moitié ne demande qu’à l’être. De nouveaux boulevards plus larges menant jusqu’au cœur de la ville, adaptés à l’ère de l’automobile. »
 Dans ce Londres délaissé par la middle-class, débarque une vague d'immigration venue de Jamaïque et de Trinidad avec son calypso. Le père de la jeune Adlyn vient de ces colonies britanniques et la famille vit pauvrement dans « une petite ruelle près des docks, une « rue domino » comme on disait, où familles blanches et noires vivaient côte à côte. »
Mais l'extrême droite et les gangs de Teddy Boys n'écoutent pas la même musique et si les premières pages s'ouvraient en mai 1952, l'intrigue va courir jusqu'aux émeutes raciales de 1958 pour nous faire découvrir tout un pan méconnu de l'histoire londonienne et britannique.
 Adossé à tout ce 'background' historique, Dominic Nolan déploie sur près de cinq cent pages une fresque passionnante qui offre de multiples niveaux de lecture : les portraits de multiples personnages complexes et fouillés, l'urbanisation et ses trafics, l'immigration et le racisme, le suspense d'une captivante histoire de gangsters et même la chaleur humaine et les difficultés des familles de ce petit peuple londonien qui habitait des quartiers comme l'ancien Notting Hill, bien avant que Hugh Grant ait le coup de foudre pour Julia Roberts.

Pour celles et ceux qui aiment Londres.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Payot Rivages Noir (SP).
Ma chronique dans les revues Benzine et ActuaLitté.  

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