vendredi 26 octobre 2007

Lâchons les chiens (Brady Udall)

Trop fort, le mormon !

Brady Udall signe là un excellent recueil de nouvelles : Lâchons les chiens.
Udall possède un art consommé de nous camper un ou deux personnages en seulement quelques pages.
De nous peindre tout un décor, toute une ambiance, avec un ou deux personnages donc, bien épais et tout remplis d'une longue histoire, d'une longue vie, tout ça en vingt pages.
Avec lui on se complait à jouer et rejouer une partie de basket près de la décharge.
On visite un village de barjos en pénétrant successivement dans chacune des maisons.
Ça se passe dans l'Amérique profonde, là-bas loin vers l'ouest (Udall est mormon).
Là où il n'y a pas grand chose, juste les gens et leurs vies.
[...] Holbrook, située sur les hauts plateaux désertiques du nord-est de l'Arizona, abrite fièrement une forêt pétrifiée et des ossements de dinosaures. Dans les villes de cinéma, on voit des indiens en bois devant les drugstores. Nous, on a des indiens en pierre devant les nôtres.
Brady Udall écrit comme un véritable prestidigitateur, comme un magicien de foire, il agite devant nous un détail gros comme une maison pendant qu'il tisse dans notre dos le fil de son histoire et puis pour finir, vrrroouuff, un coup de baguette et nous voici tout retournés par la chute qui met joliment à nu l'âme humaine de ses personnages.
Même si dans quelques histoires, il est question de chiens, comme dans la première qui donne son titre au recueil (à elle seule, elle vaut la lecture).
[...] Mes chiens, aussi vifs et méchants qu'ils soient, forment la meilleure meute de tout le sud des Rocheuses. Ils traquent n'importe quel animal que je leur indique - que ce soit un ours, un lynx ou un puma - et s'ils le peuvent, ils le tuent. Ils savent que je n'aime pas tellement le côté mise à mort, de sorte qu'ils s'en chargent parfois à ma place.
Notre préférée est peut-être celle du serpent, le plus grand serpent que j'aie jamais vu sans le secours de l'alcool. Là encore le spectateur un peu badaud regarde le serpent s'agiter dans les mains du magicien.
Et pendant que l'on regarde ailleurs : et nous voilà, trois hommes assis sur une véranda, trois hommes qui ont perdu leurs femmes. Du grand art.
Tout ça avec beaucoup d'humour. Mais un humour qui cache bien mal la tendresse que l'auteur porte à ses personnages : parfois grinçantes, parfois sombres, toutes ses nouvelles transpirent d'humanité.
Pour en témoigner, voici un dernier extrait, une véritable petite histoire à lui tout seul.
[...] Hannah est une fille de ma classe d'Évolution du langage. On a fait des travaux ensemble. Hier, elle est allée à une soirée ici, dans la résidence, et elle s'est pointée à ma porte vers minuit, esquissant l'espèce de petit pas de deux propre à ceux qui ont forcé sur la Budweiser, et elle m'a demandé si je savais où était sa voiture. Plutôt que de sortir en pleine nuit fouiller tout ce quartier pourri, j'ai préféré la laisser rester. Elle a dormi sur un côté du lit et n'a cessé d'émettre des sifflements par le nez qui m'ont rappelé ceux que faisait Trooper, mon chien de chasse noir et fauve, quand il couchait près de moi. Il est mort depuis trois ans, mais c'est un bruit qui me réconforte toujours.
Rien à ajouter, rien à enlever. Ne manquez pas ces quelques nouvelles de l'ouest.

Pour celles et ceux qui aiment les portraits d'hommes. 
Hilde en parle, d'autres aussi.

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