Érotisme bourgeois.
Non Folio ne cherche pas à damer le pion à la collection Pocket des romans érotiques qui fleurissent dans les gares : La Clef - La confession impudique est un roman japonais qui date de ... 1956 !Autant dire que les charmes secrets sont, depuis, un peu éventés !
Mais l'idée, même si elle est d'époque, est plutôt originale.
D'un âge avancé, Monsieur commence à faiblir et peine à satisfaire Madame.
Histoire d'entretenir sa propre jalousie et donc sa flamme, il entreprend de tenir un journal intime racontant ses fantasmes. Et en laissant soigneusement traîner la clef du tiroir, il s'assure que Madame lira bien ses « secrets ».
[...] Plus j'affirmerai ne pas l'avoir lu, plus elle croira le contraire. Si, ne l'ayant pas lu, je passe quand même pour l'avoir fait, autant le lire, pourrais-je me dire, mais malgré tout je maintiens absolument ne pas l'avoir lu.Pour ne pas être en reste, sa femme gourmande ouvre elle aussi un journal intime (à l'époque, on n'appelait pas encore ça des blogs).
[...] Autrement dit, désormais, je m'adresserai indirectement à lui par ce moyen. Ce que je serais trop honteuse de lui dire en face, je peux ainsi le lui transmettre.Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, cette situation n'est pas le prétexte à différentes descriptions plus ou moins osées (on est en 1956 au Japon, et pas en 1968 à San Francisco).
Certes on n'y parle pas que de fleurs et de petits oiseaux (Madame est quand même dotée, je cite page 13, «d'un organe absolument exceptionnel », sic !), mais tout le charme de ce badinage libertin repose sur la « position » alambiquée des deux personnages et des tiers qu'ils veulent bien mêler à leurs jeux : c'est la règle du «je sais que tu sais que je lis ...» (jeu c'est que tu lis ... ?) avec toutes ses déclinaisons.
Comment amener l'autre (qui lira forcément ce que l'on écrit soi-disant en secret) à comprendre ce qu'il doit faire ou accepter (sachant qu'on lira ensuite ce qu'il aura écrit en secret, ...).
Du sexe oui, mais du sexe cérébral ! Une sorte de marivaudage à la mode nipponne, dans le cadre bourgeois et officiellement bien-pensant d'un couple japonais de l'immédiat après-guerre.
Le tout est de savoir qui manipulera l'autre, qui saura faire preuve de la plus grande duplicité et finalement, qui écrira le dernier mot dans son journal intime ... page 196.
On n'en dit pas plus pour ne pas trop en « dévoiler » mais sachez qu'on aurait presque pu classer ce petit bouquin dans les polars ...
Tout cela est bien sûr à lire au second degré : ce qui transparait sous l'écriture de Junichirô Tanizaki, c'est le bouillonnement immaîtrisable des corps sous la couverture policée de la société bourgeoise.
Avec même une référence un peu étrange à nos yeux occidentaux, puisque le mouvement est accompagné ... par le corps (encore un corps !) par le corps médical ... incarnant peut-être cette société régentée et sa morale de façade ?
Pour celles et ceux qui aiment découvrir les «charmes» de l'Orient.
D'autres avis sur Critiques Libres, celui de Pitou ou celui d'Elizabeth.
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