mardi 1 décembre 2009

La dent du bouddha (Colin Cotterill)

Crois-tu aux fantômes, camarade ?

Lorsqu'on écume les blogs et les boutiques en ligne à la recherche de nouveaux auteurs il arrive que l'on ressente parfois le frisson du pêcheur qui remonte son filet plein de nouveaux poissons à l'air inconnu mais savoureux. Hmmm, un nouveau banc, poissonneux et prometteur.
Ce plaisir fut le notre, une fois attrapé Colin Cotterill dans notre toile.
Un auteur britannique qui vit au Laos et en Thaïlande et qui travaille au sein d'ONG à la réinsertion d'enfants victimes de la prostitution.
La dent du Bouddha est son deuxième polar après Le déjeuner du coroner (prix SNCF du polar en 2007).
Voici donc encore un occidental victime d'asiatite aigüe tout comme John Burdett et sa série Bangkok dont on reparlait il y a peu. Burdett situe ses intrigues en Thaïlande, Cotterill s'installe tout à côté, au Laos, et les parallèles sont nombreux entre les deux écrivains. Tous deux font preuve de beaucoup d'humour (même s'ils se situent sur des registres différents), tous deux nous donnent la mesure du fossé qui sépare les cultures occidentale et asiatique et tous deux nous laissent aux prises avec la mystérieuse magie des fantômes de l'orient.
Mais le monde laotien de Cotterill est quand même plus "cool" que l'infernale jungle urbaine du Bangkok de Burdett !
C'est Siri Paiboun le coroner officiel du régime de Ventiane (et apparemment le seul coroner du pays !) qui nous guide dans le Laos communiste des années 70. Après que français et américains ont abandonné le pays aux griffes du dragon vietnamien.
[...] Il passa sous l'écriteau écrit MORGUE en français, s'essuya soigneusement les pieds sur le paillasson américain WELCOME, et entra dans le frais et sombre bâtiment de plain-pied.
[...] En dépit de la canicule, on n'avait pas ouvert les fenêtres depuis le départ des Américains. (La culture française avait brièvement été supplantée ici par les cours de langue américaine.) La seule culture à n'être pas mise en valeur était celle du Laos.
On retrouve ici à Ventiane le même humour finaud et savoureux avec lequel Burdett nous avait amusés à Bangkok.
Cotterill mène son intrigue avec nonchalance (forcément avec cette canicule) et brocarde gentiment le régime communiste qui a bien vite repris les rênes de la corruption et de la prévarication des mains de la famille royale.
[...] Il se désolait de voir le potentiel du Laos gâché par ses laborieux collègues, mais mieux valait, convenait-il, être un communiste laborieux qu'un capitaliste déchaîné.
Un régime communiste que les meilleurs nageurs ont fuit en traversant le Mékong pour la Thaïlande.
Français et américains, on l'a vu, en prennent également pour leur grade :
[...] - Tu as entendu parler de la visite des sénateurs ?
- Le seul moyen pour moi d'apprendre quelque chose, c'est par toi, Camarade.
- Eh bien, nous avons reçu une délégation de Washington.
- Ils veulent qu'on leur rende leurs bombes ?
On aura compris que l'intrigue policière reste à l'arrière-plan et n'est que le prétexte de la balade dans Ventiane, petite bourgade provinciale engourdie dans la chaleur. Avec même en prime une excursion à Luang Prabang, l'ancienne capitale royale.
Alors l'enquête, quand même ? Et bien, un ours s'échappe en pleine ville et les cadavres commencent à s'accumuler, victimes de coups de griffes (celles de l'ours ?) et de morsures (celles d'un tigre ?). Un coffre royal semble renfermer une puissance maléfique.
Il faudra toute la sagesse bouddhique de Siri Paiboun pour démêler ces fils dont la réalité s'entrecroise avec celle de l'au-delà. Heureusement Siri est aidé par ses fantômes qui viennent le conseiller, l'aider ou même parfois le tourmenter.
On terminera sur cet étonnant parallèle avec la fin de Bangkok Psycho (Burdett, on en parlait plus tôt) : deux histoires où vivants et esprits s'entremêlent et s'entraident pour venir à bout de l'intrigue policière. Avec habileté, intelligence et finesse, ces deux auteurs réussissent à secouer un peu la poussière cartésienne accumulée sur nos neurones occidentaux.
On se surprendrait presque à compter ses propres dents du bout de la langue, histoire de vérifier qu'on n'en a pas trente-trois comme le Bouddha ...
Et puis voilà de quoi épingler un petit cœur de plus sur notre carte du monde des polars, au pays du million d'éléphants (Lan Xang en VO).


Pour celles et ceux qui aiment les esprits.
Le livre de poche édite ces 312 pages en poche qui datent de 2005 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Valérie Malfoy.
Yozone en parle, Mario est plus critique. Le site de l'auteur.

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