mercredi 3 novembre 2010

American Express (James Salter)

Nouvelles des États-Unis.

Avec James Salter on découvre un auteur états-unien bientôt centenaire et visiblement réputé. Il était temps de rattraper notre retard.
American Express est un recueil d'une douzaine de nouvelles. Un recueil plutôt égal et équilibré au point que c'est même la répétition de ces petites tranches de vie qui fait le charme insolite de ce bouquin.
Des petites tranches d'histoires qui ne semblent avoir ni début, ni fin.
Le lecteur ne semble pas avoir de prise sur ces personnages insaisissables qui entrent par une page et sortent par une autre.
L'écriture de Salter est très distanciée et excelle à décrire par le menu les petits faits insignifiants qui, au final, signifient beaucoup plus qu'ils n'y paraissent.

[...] C'était une femme qui avait un certain style de vie. Elle savait donner des dîners, s'occuper des chiens, entrer dans un restaurant. Elle avait sa façon de répondre à des invitations, de s'habiller, d'être elle-même. D'incomparables habitudes, pourrait-on dire. C'était une femme qui avait lu, joué au golf, assisté à des mariages, qui avait de jolies jambes, qui avait connu des épreuves. C'était une belle femme dont personne ne voulait plus.

Relisez-moi un peu ça : chaque mot semble avoir été pesé et soupesé, jusqu'à la chute imparable.
Allez, on s'en refait une :

[...] Sa famille mangeait en silence, quatre personnes dans la tristesse d'un cadre bourgeois, la radio était en panne, de minces tapis couvraient le sol. Quand il avait terminé, son père se râclait la gorge. La viande était meilleure la dernière fois, disait-il. La dernière fois ? s'étonnait sa femme.
- Oui, elle était meilleure, maintenait-il.
- La dernière fois, elle n'avait aucun goût.
- L'avant-dernière fois, alors, disait-il.
Puis ils retombaient dans leur mutisme.
On n'entendait plus que le bruit des fourchettes, et, parfois, celui d'un verre. Soudain, le frère se levait et quittait la pièce. Personne ne levait les yeux.

Allez, encore une toute dernière, la dernière page de la première nouvelle, sa chute, souvent citée ici ou là :

[...] Elle a de petits seins et de grands mamelons.  Et aussi, comme elle le dit elle-même, un assez gros postérieur. Son père a trois secrétaires. Hambourg est près de la mer.

Voilà : c'est le point final déroutant de la première nouvelle Am Strande von Tanger (sur la plage de Tanger), débrouillez-vous avec ça. Insaisissable je vous dis.
Une écriture (trop ?) exigeante qui nous plonge sans prévenir dans une tranche de vie où s'entremêlent les souvenirs des personnages et qui, quelques pages plus loin, nous en ressort tout estourbi.


Pour celles et ceux qui aiment les nouvelles.
Points édite ces 207 pages parues en 1988 en VO et traduites de l'anglais par Lisa Rosenbaum.

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