vendredi 23 octobre 2015

Dans la ville en feu (Michaël Connelly)

L'histoire de Blanche-Neige. Cold case n° 9212-00346.

Hmmmm....
C'est toujours avec délectation que l'on ouvre un nouveau Michael Connelly et que l'on entreprend avec notre détective préféré Harry Bosch, de décongeler un nouveau cold case depuis les profondeurs du hangar aux affaires non résolues et aux victimes oubliées.
Et cette fois on va remonter loin puisque le prologue va nous emmener en avril 1992 pendant les émeutes qui mirent L.A. littéralement à feu et à sang après le passage à tabac de Rodney King et l'acquittement des collègues de Harry.
Complètement débordé et dépassé, le LAPD ne savait évidemment plus où donner de la tête et lorsque Harry fut appelé sur une scène de crime, une de plus, il n'eut que quelques minutes pour relever de maigres indices.
[...] L’inspecteur Harry Bosch et son coéquipier Jerry Edgar avaient ainsi été enlevés à la division d’Hollywood, assignés à une équipe mobile de surveillance – avec deux tireurs de la patrouille pour assurer leur protection – et aussitôt expédiés partout où l’on avait besoin d’eux, partout où l’on tombait sur un cadavre. Composée de quatre hommes, l’équipe se déplaçait dans une voiture de patrouille noir et blanc et filait de scène de crime en scène de crime sans jamais s’attarder. Ce n’était pas la meilleure façon d’enquêter sur un meurtre, loin de là, mais vu les circonstances, c’était ce qu’on pouvait faire de mieux dans une ville qui avait lâché aux coutures.
L'assassinat de la journaliste danoise Anneke allait très vite grossir la pile des affaires classées.
Vingt ans après en 2012, la police tente de solutionner quelques affaires avant que les médias ne braquent à nouveau leurs projecteurs sur l'anniversaire de ces émeutes inter-raciales.
[...] Ce n’était qu’à l’approche du vingtième anniversaire des émeutes que, très au fait des médias, le chef de police avait envoyé au lieutenant responsable de l’unité des Affaires non résolues une directive lui ordonnant de réexaminer d’un œil neuf tous les meurtres qui s’étaient produits pendant les troubles de 1992 et étaient restés sans solution. Il voulait être prêt lorsque les médias lanceraient leurs recherches pour leurs articles sur ce vingtième anniversaire.
Mais Anneke a le tort de ne pas être noire et le dossier Blanche-Neige n'a donc pas la priorité. Mais c'est sans compter sur l'entêtement et la ténacité de notre Harry !
[...] — Pourquoi ? Parce qu’elle est blanche ? Bosch ne répondit pas tout de suite. C’était bien irréfléchi de dire ça. Edgar frappait fort parce que Bosch n’avait pas apprécié sa blague sur Blanche-Neige. 
— Non, pas parce qu’elle est blanche, dit-il d’un ton égal. Parce que ce n’est ni un pillard ni un membre de gang et qu’ils feraient bien de croire que les médias ne vont pas laisser passer une affaire où une des leurs est impliquée, OK ? Ça te suffit ? 
— Compris.
On ne sait si c'est avec le recul acquis après la lecture de tant de savoureux 'Connelly', mais l'art de cet auteur est désormais aussi limpide qu'efficace : la mécanique d'écriture est redoutable et d'une précision toute horlogère. Rien n'est laissé au hasard et aucun des mots n'est ici jeté sur le papier sans mûre réflexion.
Le prestidigitateur attire l'attention de son lecteur sur un élément (et qui n'est même pas un leurre !) pendant qu'il en dispose un autre juste à côté. Quelques lignes ou quelques pages plus loin, ce qu'on a juste entrevu d'un œil va nous sauter à la figure et éclairer cet enchaînement sous un angle tout autre.
Pourquoi donc au début du chapitre 10 est-ce que l'on s'appesantit sur cet échange entre Harry et un obscur journaliste danois ? Ah ! il faut seulement attendre la fin du même chapitre pour que l'on en reste bouche bée, tout comme le chef de la police !
Ainsi de suite, page après page, on jubile à voir se dérouler cette belle mécanique litttéraire.
Il y a beaucoup de thrillers dont on tourne rapidement les pages sans plus d'intérêt que de découvrir enfin le fin mot de l'histoire, et puis il y a les bouquins comme ce 'Connelly', qu'on serait plutôt tenté de poser de temps en temps pour savourer notre gourmandise et faire durer le plaisir le plus longtemps possible.
Même le prologue d'ouverture avec les Humvee de la Garde Nationale qui prennent possession des carrefours de L.A. en pleine guerre civile, finira bientôt par prendre un tout autre relief.
Mais là, stop, on ne peut guère en dire plus et on ne dévoilera pas pourquoi souffle encore ici la Tempête du Désert, oui celle d'Irak en 1991.
On le savait avant même d'ouvrir le livre : le dossier de Blanche-Neige aurait mieux fait de rester classé et notre Harry est une fois de plus, en train de mettre ses grosses pattes là où il ne fallait pas.
Et puis à mi-parcours le livre bascule. On entrevoit les clés de l'affaire, Harry quitte L.A. pour la San Joaquin Valley ... mais Connelly semble se lasser lui-même de son bouquin pourtant si bien commencé. Le prestidigitateur a quitté la scène et il ne nous reste plus entre les mains qu'un polar des plus classiques. Après un début en fanfare avec une écriture tracée au cordeau, le spectateur est un peu déçu par une seconde partie trop déjà-vue.

Pour celles et ceux qui aiment les journalistes, même un peu morts.
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