[...] Aucune famille ne s’en sortait indemne.
Il ne faut malheureusement que quelques pages au lecteur pour comprendre qu'il n'aurait jamais dû ouvrir Inconditionnelles, le bouquin de Marlène Charine. Première surprise, voici un polar qui commence par la fin, lorsque les flics découvrent trois fillettes disparues, enfermées dans la cave d'un affreux jojo qui a le bon sens de se jeter sur les flingues de la brigade venue délivrer les petites filles.
[...] Une fois tout le monde installé, Valles entama son rapport en commençant par la fin : la découverte de leurs trois filles, retenues prisonnières au sous-sol d’une maison délabrée en bordure du hameau.
Ce qui aurait pu n'être qu'un angle original pour une enquête qui sortirait un peu de l'ordinaire du rayon polar, s'avère bientôt une mécanique infernale et diabolique.
Car lorsque les parents éplorés retrouvent leurs petites chéries disparues depuis quelques jours, c'est là, quand tout est fini, que le véritable enfer commence enfin et pour de vrai, juste après avoir refermé la dernière page d'un polar ordinaire.
Les parents sont dévastés par ce qu'ils ont traversé, les mères épouvantées par ce qui leur reste à surmonter, les couples prennent l'eau en plein naufrage, et les fillettes ...
Les fillettes, qui sont-elles, que sont-elles vraiment devenues après avoir vécu l'indicible ?
[...] Même s’ils étaient retrouvés sains et saufs, aucun gamin, aucune famille, ne s’en sortait indemne.
[...] — On va y arriver, toutes les deux, murmura-t-elle à un moment. Bon sang, qu’est-ce qu’elle détestait prononcer cette phrase.
C'est donc à cette phase d'après, à cette face cachée des polars, que Marlène Charine nous a invité pour suivre sa fliquette Sylke Valles, spécialiste lyonnaise de ce genre d'affaires, c'est dire si elle en a déjà pris plein la tête au fil de sa carrière.
L'écriture est très soignée, précise, un cran au-dessus de ce que l'on trouve habituellement en rayon polar, et chose rare, Marlène Charine réussit l'exercice difficile consistant à éviter tout voyeurisme complaisant et inutile là où d'autres nous auraient écœurés de descriptions sordides et terrifiantes. Souvent le non-dit est bien pire et l'auteure s'intéresse plutôt à ce que les mères (et la fliquette) doivent surmonter désormais car tout cela est écrit au féminin, les pères restent en retrait, certains ont même fait leur valise pour fuir cet enfer ...
[...] Un tintement la fit se retourner. Bruno se tenait dans l’entrée, son trousseau de clés dans la main gauche. Un sac de voyage dans la droite.— Je pars quelques jours, annonça-t-il sans la regarder dans les yeux.
Le lecteur éprouvé croit bientôt avoir saisi le mouvement mais c'est sans compter sur quelques surprises inattendues : certes, c'est bien avant tout un roman psychologique très sombre mais c'est également un très bon polar qui ne cherche pas à échapper aux lois du genre et le lecteur chahuté devra bientôt faire la connaissance du Marquis de Givre ...
[...] Ma foi, c’est pas pour rien qu’on appelle ça l’amour inconditionnel.
Pour celles et ceux qui aiment les polars originaux.
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