[...] Une nouvelle peinture, appelée « expressionnisme abstrait ».
L'auteur, le livre (384 pages, 2023) :
C'est une lecture pas facile mais enrichissante que nous propose Cédric Bru journaliste, écrivain, et chroniqueur de diverses revues (dont Rock&Folk), avec Les irascibles : un livre bourré de culture qui mêle fiction et quasi-biographies pour nous dépeindre la naissance d'un mouvement artistique à New-York dans les années 50, quand prenait forme l'expressionisme abstrait sous les pinceaux des Pollock, Rothko, de Kooning et consorts à qui l'on pouvait acheter une toile pour quelques centaines de dollars (aujourd'hui certaines toiles de Pollock valent plusieurs centaines de millions de dollars).
On aime ... ou pas :
C'est un peu comme si Cédric Bru nous invitait à un vernissage dans une galerie d'art de la 57e rue mais oubliait un peu de faire les présentations et nous laissait en plan, un verre à la main. Tout autour de nous [quelques habitués bien éméchés, un couple ou deux], chaque invité ressemble à un [intellectuel reconnu, juif farouchement new-yorkais]. Il y a bien quelques figures que l'on connait : Peggy Guggenheim qui passe là-bas près du buffet, Mark Rothko et Willem de Kooning qui discourent sur la terrasse, et n'est-ce pas Jackson Pollock là-bas qui s'agite, un peu ivre ?
Mais qui sont donc tous les autres invités que l'on ne connait pas : ce Robert Motherwell dont tout le monde parle, ce Barnett Newman autour de qui tournent ces dames, et ce Clyfford Still, et ces galeristes, et ces critiques d'art, et Arshile Gorky et Adolph Gottlieb, ... ?
Ouf, on n'en peut plus, vexé de notre ignorance crasse de ce petit milieu de l'art moderne new-yorkais, et on finit donc par sortir notre smartphone et pêcher sur le web quelques images des œuvres de l'un et de l'autre, comme pour participer au jeu de qui a peint quoi ?
Après quelques verres et quelques chapitres bien déroutants, on finira par s'habituer au style elliptique de l'auteur, à sa chronologie chahutée, à ses portraits esquissés peu à peu, quelques touches ici sur de Kooning, quelques couleurs là-bas sur Pollock, la silhouette de Motherwell, et revenons à de Kooning, et puis Pollock encore, et puis ...
Finalement, c'est un véritable traité de l'histoire de la peinture moderne que l'on tient entre les mains et notre persévérance sera bientôt récompensée : découvrir ce mouvement en train de naître sous nos yeux, cette [nouvelle peinture, communément appelée « expressionnisme abstrait »], [une peinture moderne américaine dégagée du cubisme analytique ou du surréalisme].
Le contexte :
L'effervescence d'une bande d'artistes [supposément communistes, ou tout au moins proches de ces idées progressistes], même si [depuis un certain temps, il n’était plus vraiment question d’engagement politique parmi les peintres] : [ville monde, ville monstre, New York, désormais, donnait le la de l’art moderne, reléguant Paris au niveau d’une belle ville secondaire.]
Par [le foisonnement hypercréatif de leurs peintures gestuelles], les américains [étaient en train de surmonter le complexe d’infériorité qu’ils nourrissaient de longue date à l’égard des artistes européens]. [Il n’y avait qu’à Paris qu’on finissait les toiles. Ici, on remettait son sort entre les griffes de l’œuvre, qui décidait ou non si elle avait tout dit].
Mais ce sont les années 50, celles de la guerre froide qui paralyse le monde, celles du maccarthysme qui empoisonne les États-Unis et à NY, deux musées s'opposent : à ma gauche, Rockefeller et son MoMA [qui à l’inverse du Met accueillait depuis longtemps déjà des œuvres de Pollock, Gorky ou De Kooning]. À ma droite, le MET, le Metropolitan Museum of Art, et ses dirigeants [bien décidés à mener, et contre l’air du temps, ce qui apparaissait désormais comme un combat d’arrière-garde].
L'intrigue :
Les boires (beaucoup de boire !) et les déboires de ces artistes (typiques du milieu intellectuel juif new-yorkais) qui dans les années 40-50 peinaient à atteindre la reconnaissance et la célébrité jusqu'à ce que l'instable génie Jackson Pollock brise enfin la glace et consacre une nouvelle peinture abstraite qui voulait s'affranchir du cubisme et du surréalisme, son héritage européen.
La fronde contestataire des fameux "Irascibles", leur lettre ouverte au MET et la photo de couverture n'occupent finalement qu'une petite part du bouquin plutôt consacré à la carrière de Pollock et de ses collègues.
On aime moins :
▼ Une construction plutôt déroutante avec de nombreux allers-retours entre les personnages ou les années qui provoquent longueurs et répétitions. C'est une lecture difficile, exigeante où il faut vraiment avoir soif de connaissance et être passionné de peinture pour persévérer et profiter ainsi de la grande culture de Cédric Bru qui nous fera mieux comprendre et apprécier le travail de ces peintres.
Pour celles et ceux qui aiment l'histoire de la peinture moderne.
D’autres avis sur Babelio. Livre lu grâce à Netgalley.
Chronique reprise par 20 Minutes.
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