[...] On dirait un truc de mafia, mais…
L'auteur, le livre (361 pages, 2023, 2017 en VO) :
Alessandro Robecchi est un journaliste et homme de télé italien, humoriste et auteur de polars, étrange cocktail.
On avait déjà tourné autour de son précédent roman (Ceci n'est pas une chanson d'amour) mais sans franchir le pas, rebuté par le volet "télé" annoncé dans le pitch.
Nous revoici cette fois avec Le tueur au caillou, de celui qu'on surnomme déjà le McBain italien, oui celui de l'inspecteur Carella du 87ème district.
On aime beaucoup :
❤️ On aime l'écriture sèche, nerveuse, rapide et sans fioritures mais bigrement stylée qui happe le lecteur dès les premières pages. On est à Milan : une élégance toute italienne, sûre de son effet sans qu'il soit besoin de trop en rajouter.
❤️ On s'intéresse à l'arrière-plan politique et social sur lequel l'intrigue est construite. L'Italie a un passé politique pour le moins agité et Milan est une grosse ville qui n'échappe pas au sort de ses consœurs européennes. La cité de San Siro, [la casbah de San Siro], est à la capitale de Lombardie ce que La Courneuve est à Paris ou Molenbeek à Bruxelles [clic] : [vous, les gars du centre, vous venez jusqu’ici dans le Bronx].
[...] La Caserne, c’est ce labyrinthe de bâtiments fatigués, crasseux, mal vieillis, décrépis, qui entoure piazza Selinunte, quartier San Siro, avant-poste de la racaille urbaine, chaud en été, froid en hiver, cages d’escalier au goût de brocoli et curry.
[...] Les tours HLM autour de piazza Selinunte, zone difficile, une concentration de logements à faire pâlir Hong Kong.
[...] Beaucoup de logements sont vides parce qu’ils doivent être rénovés et pour les rénover il n’y a pas d’argent, donc on les ferme…
[...] Le collectif pour le droit au logement, ils doivent être trente ou quarante, presque tous des jeunes qui ont squatté ou qui étaient déjà là… Ce sont les seuls, après avoir squatté, qui le disent, ils font des pancartes, disent qu’eux, ils rénovent.
[...] Les Calabrais. Ils défoncent et installent des gens, entre trois et cinq mille euros, et après c’est difficile de les virer, donc ceux qui entrent savent très bien qu’ils peuvent être tranquilles trois ou quatre ans, minimum, et puis s’ils ont des enfants c’est encore plus compliqué…
❤️ On apprécie l'humour discret dont l'auteur parsème son récit ...
[...] « Un caillou ?, demande-t-il.— On dirait un truc de mafia, mais…— De mafia de cinéma, dit Carella.— Donc on cherche quelqu’un qui a vu Le Parrain.— T’as l’air en forme, Selvi, qu’est-ce qu’il y a, le mort assassiné te met en joie ?— Non… Mais je suis curieux de savoir qui se promène en butant les bouchers. »
[...] Deux verres opaques de buée arrivent, l’homme en descend un d’une seule gorgée, comme le font les hussards avant la charge à cheval et certaines paysannes ukrainiennes des plaines.
❤️ On savoure une galerie de personnages bien dessinés, même quand il s'agit des seconds rôles.
[...] Il n’y a rien à faire, même s’il est habillé et rasé du jour, on a toujours l’impression qu’il est tombé d’un camion-poubelle, froissé et fatigué.
Les enquêteurs vont même s'installer un moment au domicile de l'un d'entre eux : la maîtresse de maison est ravie de recevoir chez elle cette équipe de flics, c'est encore mieux qu'une série télé !
[...] Madame Rosa feint l’indifférence mais elle boit chaque mot. Ghezzi l’étudie sans qu’elle s’en aperçoive : elle croit être dans une de ses séries, pas au premier rang, cette fois-ci, mais bien dedans.
▼ On aime moins le personnage récurrent de Monterossi, l'homme de télé cynique, sans aucun doute alter ego ou péché mignon de l'auteur, mais dont les propos acerbes sur la télé-réalité donnent un peu trop dans la facilité de quelqu'un qui crache dans la soupe, façon je t'aime moi non plus. Heureusement dans ce troisième épisode de la série, sa présence se fait suffisamment discrète pour ne pas faire d'ombre à Carella et son équipe d'enquêteurs.
L'intrigue :
Un notable est retrouvé en bas de chez lui, dans un quartier chic de Milan, troué de deux balles et un beau caillou blanc tout rond posé sur le torse. Et ce n'est que le début ...
[...] Un riche marchand tué dans la rue, c’est déjà un truc qui met en alerte ; deux, c’est une malédiction du Seigneur à faire pâlir les sauterelles.
L'inspecteur Carella (oui, oui) est chargé de l'enquête qui s'oriente assez vite vers une vengeance ou un règlement de comptes, sans doute pour une sombre histoire du passé. Les italiens ont un passé compliqué.
Le dénouement (qui aura lieu dans la cité San Siro) portera un constat désabusé sur la société milanaise, dans une tonalité qui rappelle l'amertume du parmesan Valerio Varesi.
Pour celles et ceux qui aiment Milan.
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