[...] J’ai embrassé mon mari pour la dernière fois.
● L'auteure, le livre (432 pages, 2023, 2021 en VO) :
Inga Vesper a vu du pays : elle est d'origine allemande, elle a travaillé comme journaliste en Afrique et elle a élu domicile en Écosse !
Pour son premier roman, Un long, si long après-midi, elle nous emmène dans la banlieue bourgeoise de Los Angeles, à la fin des années 50 : une ambiance au délicieux parfum désuet.
On se méfiait un peu d'un bouquin qui fait le buzz, emporté par un incipit ravageur : [Hier, j’ai embrassé mon mari pour la dernière fois. Il ne le sait pas, bien sûr. Pas encore.] mais le roman s'avère finalement une très bonne surprise.
● Le contexte :
Eisenhower est président, la guerre de Corée est terminée, l'esclavage a été aboli mais le racisme et la ségrégation sont toujours les fondements de la société américaine.
[...] Je me range à son avis, bien sûr. [...] Les Noirs n’ont aucun talent pour faire pousser les choses, ce qui explique qu’ils n’aient pas de jardinières et que leurs bébés meurent souvent.
[...] Une légère expression de rage de dents si fréquente chez les Blancs quand ils regardent un Noir.
Nous sommes dans les années 50, dans un lotissement chic de Santa Monica près de L.A. où les femmes blanches s'ennuient et les femmes noires viennent faire le ménage. Un quartier où les femmes blanches souffrent de dépression et les noires de préjugés.
[...] Les maisons spacieuses, les barbecues, les maris qui travaillent et leurs femmes qui restent à la maison.[...] Personne ne s’intéresse à leurs désirs ou à leurs rêves. Tout le monde se fiche de leurs talents ou de leurs opinions.[...] – Saviez-vous que toutes les femmes qui sont ici prennent des drogues ? [...]Elles souffrent de terribles maladies. Anxiété, dépression, crises de panique, hystérie…
C'est aussi une époque où les femmes (quelle que soit leur couleur de peau) qui ont appris à se débrouiller seules quand leurs hommes sont partis en guerre, revendiquent désormais une place dans leur famille et leur vie qui ne se cantonne pas uniquement à la cuisine.
[...] – Oh, et puis il y a le Comité des Femmes pour le Progrès. Vous avez dû en entendre parler. [...]– Alors, demande-t-il, de quoi est-ce que vous parlez avec ces dames ?– Oh, de tout. Du rôle des femmes à la maison, de recettes, des enfants, de nos maris…[...] – Tu dis que nous autres, on est toujours enchaînés. Alors ne commence pas à m’enchaîner, toi aussi.
● On aime :
❤️ On aime la peinture sociale de ces années 50 aux États-Unis. La position des bourgeoises blanches cantonnées à la cuisine, la position des noires victimes d'un racisme profondément ancré, tout cela est particulièrement bien rendu.
❤️ On aime ce roman résolument féministe et anti-raciste, écrit à l'heure des mouvements MeToo et BlackLivesMatter.
Laissons la parole à l'auteure dans sa postface :
[...] Un long, si long après-midi est un livre féministe. Pendant que je l’écrivais, j’ai été frappée par le nombre de batailles menées par Joyce et Ruby qui restent d’actualité. Cela me bouleverse toujours. Mais voir que nous avons progressé me remplit aussi d’espoir.
● L'intrigue :
Joyce fait partie de ces épouses bourgeoises qui se meurent d'ennui dans leurs belles cuisines de leurs belles maisons.
Ruby fait partie de ces femmes noires qui font des heures de bus pour venir faire le ménage dans les belles maisons des beaux quartiers.
Lorsque Ruby arrive cet après-midi pour prendre son service, elle découvre les deux fillettes en pleurs et une flaque de sang dans la belle cuisine de la belle maison. Joyce serait elle partie sans un mot ? A-t-elle été enlevée, tuée ?
C'est l'inspecteur Michael Blanke, Mick, qui est chargé de l'enquête.
[...] Les enfants ont été confiés à la voisine et la bonne a été arrêtée. Arrêtée ?Pourquoi ? Il jette un œil à son identité. Ruby Wright, vingt-deux ans, domiciliée au 1467 Trebeck Row, South Central. Noire. Ah. C’est pour ça.
Dans cette banlieue chic de Santa Monica, chacun cache bien son jeu et bien des mystères.
L'inspecteur Mick et Ruby auront bien du mal à démêler le vrai du faux dans un dénouement un peu théâtral.
Pour celles et ceux qui aiment les géraniums.
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