mardi 9 décembre 2025

Voyage aux îles de la Désolation (Emmanuel Lepage)

[...] Le monde du bout du monde.


En 2010, Emmanuel Lepage embarque à bord du Marion Dufresne pour un magnifique voyage vers les Terres Australes et Kerguelen. Il en a tiré ce magnifique carnet de voyage où la chaleur et l'humanité des scientifiques isolés là-bas, luttent contre la violence des éléments naturels de ces terres inhospitalières.

❤️❤️❤️❤️❤️

L'auteur, l'album (158 pages, 2011) :

Emmanuel Lepage que l'on connait depuis son remarquable Tchernobyl, est une sorte de cousin-voyageur ou cousin-reporter de Etienne Davodeau.
Chacun signe scénario et dessins de ses albums, et tous deux excellent dans l'art de tracer le portrait des 'gens' qui nourrissent leurs rencontres.
En 2011, cet auteur a publié le carnet de bord d'un premier voyage dans les Terres Australes et il vient tout juste de sortir un nouvel album à l'occasion d'un second voyage tout là-bas au bout du monde.
Avant de reprendre la mer avec lui, il me fallait d'abord revivre ce premier épisode ...
Et je reparle du suivant très vite !

Le canevas :

L'auteur embarque sur le ravitailleur Marion Dufresne pour une 'rotation' avec les chercheurs de l'IPEV, l'Institut Paul Emile Victor, l'institut polaire français, quelques cinéastes et photographes.
Et le lecteur prend la mer avec lui pour « les Terres Australes : Crozet, Amsterdam, Saint-Paul ... Kerguelen. Enfin jadis surnommées les Îles de la Désolation ».
« Ker-gue-len un mot qui racle la gorge, un nom breton égaré en Antarctique. C'était le monde du bout du monde. »
« La réserve naturelle des TAAF. Créée en 2006, elle est de loin la plus grande du territoire français 
[...] C'est la plus forte concentration d'oiseaux marins de la planète ».  
Plus d'un million de kilomètres carrés.
Lepage s'en donne à cœur joie une fois embarqué à bord du Marion Dufresne (le bateau ravitailleur des TAAF, les Terres Australes et Antarctiques Françaises).
Le 'journal de bord' d'Emmanuel Lepage est au choix : une aventure, un voyage, un poème, un livre d'images, une expérience, ...
« Ce qui est étrange avec le voyage, c'est qu'on ne comprend qu'après, et encore pas toujours, ce qu'on est allé chercher ».

♥ On aime :

 C'est un reportage en très belles images dans ces mers et îles polaires, le mode de vie de ces marins, militaires et scientifiques, le travail titanesque du bateau ravitailleur qui fait périodiquement la liaison entre La Réunion et ces îles perdues (Kerguelen bien sûr, mais aussi Crozet, Saint-Paul ou Amsterdam). 
Et le vent rugissant et omniprésent : sur ces îles, les mouches n'ont plus d'ailes, elles sont devenues inutiles.
« - Ah, la fameuse mouche de Kerguelen !
- Oui, la mouche sans ailes !
- Le vent est si violent qu'elles ne peuvent voler. Mais elles se déplacent néanmoins grâce à lui. »
Un bel album de voyage où l'on découvre l'histoire de ces TAAF et la vie sur ces îles.
 Des dessins crayonnés de portraits comme de larges aquarelles de paysage : avec ses crayons comme avec ses pinceaux, Lepage n'est pas un manchot (ah, ah !) et ses dessins sont de toute beauté.
Ce carnet de voyage est une merveille graphique bien sûr, mais humaine également.  
Lepage a une haute conscience de son travail de dessinateur, de portraitiste, de photographe de papier et son texte est bien à la hauteur de ses images.
« - Vous allez nous dessiner ?
Le dessin inspire la bienveillance. C'est un sésame incroyable qui déverrouille les hiérarchies, les classes et les âges.  Dessiner c'est mas façon d'être au monde. 
[...] Personne n'a peur du dessin. On aime le voir en train de se faire. On s'en approche spontanément. Il renvoie à l'enfance. Et puis, c’est un moyen de rencontres et de complicités qui se passent de mots. »
« Je ne fais que passer. J'envie ces hivernants qui sillonnent cette île pas après pas, jour après jour. »

Pour celles et ceux qui aiment le bout du monde.
D’autres avis sur BD Gest, Bdthèque et Babelio.
Ma chronique dans les revues Benzine et ActuaLitté.  

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