Carnets de voyage.
C'est encore Frédéric Féjard qui nous l'a prêté après qu'on ait déjà manqué plusieurs occasions de découvrir cette BD parue pourtant depuis 2003.Voici donc Le photographe, le récit autobiographique de Didier Lefèvre, photo-reporter, qui accompagne une mission de MSF en Afghanistan.
Une BD qui partage plusieurs points communs avec Maus ou Le Piège dont on vient de parler récemment :
- toutes les trois racontent des histoires vraies, en prise directe sur la guerre ou les évènements historiques (le nazisme pour Maus, le franquisme pour Le Piège et l'Afghanistan sous l'occupation russe pour Le photographe)
- toutes les trois présentent des idées graphiques originales (le noir et blanc sous deux formes très différentes pour Maus et Le Piège, et bien sûr la photo pour Le Photographe).
En l'occurrence, ce Photographe offre un mélange très heureux de dessins (d'Emmanuel Guibert, on dirait parfois du Tintin) et des photos de Didier Lefèvre : une planche ici.
En 1986, peu de temps avant que les Russes abandonnent le terrain et bien avant que les talibans reprennent le contrôle du pays, Didier Lefèvre accompagne une mission de MSF qui part du Pakistan pour monter des hôpitaux de fortune dans les montagnes afghanes. Accompagnés de moudjahidines, ils rejoignent des vallées proches du Panjshir, tenues par les partisans du commandant Massoud. Ce contexte politique est à peine effleuré dans la BD : Didier Lefèvre raconte d'abord son voyage.
Son voyage aux côtés de l'équipe de MSF, avec un recul propre à tous les photographes : il raconte, les faits, les images, les photos, les dessins, sans donner de leçon, ni de politique ni de quoi que ce soit. Il ne joue pas au héros (en clair, le petit parisien va en baver dans ces montagnes) et laisse tout juste transparaitre son admiration pour le boulot des toubibs de MSF.
En fait, il décrit tout simplement «les gens». Les gens de là-bas, qu'il s'agisse des médecins de MSF ou des moudjahidines qui les accompagnent ou qu'ils soignent.
Du coup, on se passionne facilement pour cette aventure. Le premier tome raconte le départ depuis Peshavar et le voyage dans les montagnes, avec le franchissement de plusieurs cols à 5000 mètres. Le second volume décrit le séjour dans le village de montagne et la mise en place de l'hôpital de fortune. Jusqu'au retour raconté dans le dernier tome.
C'est passionnant, facile et agréable à lire et on y apprend beaucoup de choses : sur les afghans bien sûr mais aussi sur le travail humanitaire.
[...] - L'ennemi c'est l'hélicoptère.
Les avions sont redoutables mais ils passent et, le temps qu'ils reviennent, tu peux éventuellement te cacher.
Alors que l'hélicoptère, il survole, il s'arrête, il reste en vol stationnaire, il te cherche, il te traque, c'est horrible.
Si tu es dans un endroit où il est difficile de se cacher, tu te jettes sous ton patou. Le patou c'est la couverture des afghans.
- Oui je sais, j'en ai une, marron.
- Couleur de la terre.
Tu ne bouges plus et surtout, tu fais en sorte que rien ne dépasse.
Tu serres les poings avec le pouce à l'intérieur, comme ça. Tu sais pourquoi ?
- Non.
- Parce que l'hélicoptère repère tout ce qui brille. Même un ongle.
La guerre et les russes seront à peine évoqués dans ce voyage : un hélicoptère parfois au loin, quelques boums boums de temps à autre. Par contre, de nombreux blessés affluent à l'hôpital pour bénéficier des soins des toubibs de MSF.
Un récit de voyage intelligent.
Pour celles et ceux qui aiment les récits de voyage.
Dupuis édite ces 3 tomes dans la collection Air Libre.
Lo en parle.
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