La solitude des chambres d’hôtel.
À l'heure où l'arrogance des puissants vaut tous les passe-droits, ce blog entend réhabiliter une profession promise à tous les abus : femme de chambre, femme de ménage,...
Après la lettre À l'attention de la femme de ménage, voici donc la Femme de chambre de Markus Orths.
Comme pour faire écho à la pitoyable actualité du FMI(1), l'héroïne de ce roman, Lynn ou plus exactement Linda Maria Zapatek, est femme de chambre dans un grand hôtel allemand (Bonn ?).
Lynn est une femme de chambre hors pair, légèrement franchement accro au ménage, tendance maniaco-obsessionnelle.
[...] Personne ne lui ordonne de s'arrêter. On la laisse faire. Et bientôt Lynn disparaît dans le décor de l'hôtel, on ne la remarque plus, c'est comme si elle en faisait invisiblement partie, une pièce de mobilier qui se meut de temps en temps de façon à peine perceptible, un esprit qui va et vient comme il veut, un lutin qui fait tout le travail en passant.
Un objet tombe par terre : Lynn est là pour le ramasser. Une revue oubliée dans le bar : elle n'y reste pas longtemps. Les traces de pas boueuses d'un client qui a marché sous la pluie : avant que le chef de la réception ait pu s'en soucier, c'est déjà effacé.
Mais Lynn passe la plupart du temps dans les chambres. Et là, c'est l'existence des choses, l'importunité des choses, l'omniprésence des choses qui enveloppe Lynn tout entière comme un drap.
Parce qu'en plus de son obsession de la propreté, Lynn a aussi un autre petit travers.
Une toute petite déviance. Un très très léger défaut. Une gentille petite manie.
En fait, elle aime beaucoup se glisser sous les lits des clients. Et se faire oublier.
Comme pour s'accaparer une part de leur vie, elle qui n'en a pas beaucoup.
Elle préfère même ne pas prendre de congés(2) (ah, le vide insondable de la solitude des 'vacances') pour mieux profiter des dessous de lit de ses clients.
Jusqu'à ce que l'on comprenne, en même temps que Lynn elle-même, quel était le lit qui lui manquait.
Sans même évoquer la triste actualité, il est un peu étrange d'avoir lu ces deux livres coup sur coup, puisque pas mal d'échos résonnent de l'un à l'autre. Bien sûr on y retrouve ces fameuses ‘femmes de chambre’ qui se fondent dans le décor jusqu'à faire corps avec lui (et dans le bouquin de Markus Orths, c'est le cas de le dire), mais on y entend tout également des roucoulements saphiques : est-ce là un simple hasard littéraire ou est-ce que tout cela relève de notre imaginaire collectif lié à ce ‘personnel de maison’ ?
Dans les lettres écrites À l'attention de la femme de ménage, cette dernière était absente et servait en contre-point de miroir à l'héroïne. Mais ici c'est bien la femme de chambre qui tient le premier rôle.
Les deux bouquins, tous deux gentiment givrés, tous deux plus proches de la nouvelle que du roman, se lisent rapidement, avec peut-être un peu plus de facilité pour l'allemand.
(1) : pour dire vrai, le hasard fait bien les choses (si on peut dire) puisque les deux bouquins furent acquis bien avant les dskonneries de dski vous savez
(2) : ce pourrait être le livre de chevet des patrons du Medef, à défaut d'être celui des patrons du FMI
Pour celles et ceux qui aiment les chambres d'hôtel.
Liana Levi édite ces 132 pages qui datent de 2008 en VO et qui sont traduites de l'allemand par Nicole Casanova.
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