Au nom du père.
Dans la série : les bons bouquins lus cet été
Rappelez-vous [clic], c'est Le Monde et Jean-Marc qui nous avaient fait découvrir l'auteur chilien de polars : Ramón Díaz Eterovic.
Après La couleur de la peau, voici donc Le deuxième vœu.
Et un auteur de polar à ranger définitivement aux côtés des meilleurs : Indridason, Nesbo, Mankell, ...
Avec en prime, ce petit côté chilien qui nous éloigne agréablement des rivages nordiques devenus trop fréquentés.
Ce deuxième épisode possède le charme inégalé des bonnes séries : on connait mieux désormais le détective Heredia, un privé vieillissant et attachant aux finances erratiques, son chat Simenon, un bavard impénitent aux aphorismes philosophiques, et leur ami Anselmo, un vendeur de journaux bienveillant aux fructueux paris hippiques, ... nous voici de nouveau en excellente compagnie, presqu'en famille. Exactement ce qu'il fallait pour confirmer le coup de cœur.
On apprécie la lenteur nonchalante des enquêtes de don Heredia qui se lève rarement avant midi et se couche encore plus rarement avant minuit. Ses lectures et ses bars. Ses nombreuses picoles mémorables ou ses plus rares conquêtes féminines.
Le deuxième vœu dont il est question ici, c'est celui de retrouver un père.
Car Heredia va mener une double enquête : d'un côté, un client qui veut retrouver un père qui semble fuir mystérieusement, d'une maison de retraite à une autre. De l'autre, Heredia qui découvre des vieilles photos qui le mettent sur la piste de son propre paternel (Heredia a grandi à l'orphelinat).
Ce qui nous vaudra encore quelques dialogues surréalistes avec le chat Simenon, comme par exemple ici lorsque le client pressé s’impatiente au téléphone :
J’ai fini ma bière et je me suis mis à la fenêtre pour voir passer la vie.
– Si je ne m’abuse, c’est la première fois qu’un client met un terme à ta collaboration avant d’avoir reçu le rapport final, a dit Simenon.
– Il y a toujours une première fois, fouinard de chat. Si tu continues, tu vas prendre ton envol pour le septième étage.
– Ce n’est pas une critique, je me contente de faire appel aux statistiques.
– Gabriel Servilo doit se trouver quelque part dans cette ville, ai-je dit en scrutant l’horizon. Même si Julio Servilo n’y tient pas, je vais continuer à le chercher.
– Ton père aussi, tu dois continuer à le chercher. Ou est-ce que tu comptes passer le reste de ta vie appuyé sur le rebord de la fenêtre ?
Comme tout bon auteur de polar un peu désabusé, Ramòn Dìaz Eterovic a entrepris d'explorer les zones d'ombre de la société contemporaine : après le racisme chilien qui servait de décor à La couleur de la peau, cette double enquête du Deuxième vœu va nous mener sur les traces de ceux qui exploitent la misère du troisième âge, allant jusqu'à rançonner les petits vieux pour faire main basse sur leurs pensions.
Comme d'habitude, les enquêtes policières ne sont ici qu'un prétexte à peine nécessaire : prétexte à côtoyer pendant quelques pages Heredia et ses amis, à découvrir quelque face cachée de notre société, à parcourir les rues de Santiago. En somme, un prétexte pour passer un agréable et intelligent moment.
Ramòn Dìaz Eterovic est assurément la découverte polar de cette année 2013.
Même s'il ne faut pas trop abuser des bonnes choses, on attend avec impatience la suite des enquêtes de don Heredia : Les sept fils de Simenon sont déjà dans la pile à lire ...
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