La galerie déjantée.
L'affaire s'annonçait pourtant prometteuse : Freedom Oliver est serveuse dans un bar à 'bikers' au fin fond d'un bled paumé de l'Oregon.Il y a quelques années, elle fut d'abord accusée du meurtre de son mari, à tort ou à raison on ne sait pas encore, mais son témoignage a finalement permis de faire coffrer son beau-frère qui purge sa peine en prison. Depuis, elle se planque au fin fond de nulle part sous un nom d'emprunt, protégée (et surveillée) par le FBI qui doute toujours d'avoir coincé le véritable assassin.
[...] Freedom McFly, même s’ils n’ont jamais voulu que je garde le McFly. Ça faisait trop Burger King, d’après eux. Trop années quatre-vingt. Putains de pauvres types. C’est Freedom Oliver, du coup.Au passage elle a perdu la garde de ses deux enfants, recueillis par une famille très pieuse du Kentucky, à l'autre bout du pays.
[...] Pour une période qui reste à déterminer, nous allons renforcer ta protection, déclare Gumm en se penchant vers moi. Un de nos agents passera te voir toutes les semaines. On te conseille de faire profil bas.
– Encore plus bas que dans un bar à motards du trou du cul du monde, vous voulez dire ?
– C’est pas si cher payé pour avoir tué un flic, Freedom. » Et revoilà ces regards mauvais et ces rictus que j’ai bien trop l’habitude de voir chez ces types. « Allez, ça ne te coûtera rien de l’avouer une bonne fois pour toutes. Tu ne peux pas repasser devant le juge, de toute façon. On sait que c’est toi qui l’as fait.
Mais finalement Jax Miller a décidé de secouer le plateau de jeu et les pions vont devoir bouger : le beau-frère sort de taule, méchamment décidé à se venger, et la fille de Freedom fait une fugue pour échapper à des parents adoptifs de plus en plus trop pieux.
Ça va brasser parce qu'aux côtés de la reine du bar et du fou sorti de taule, il y a de nombreux pions sur l'échiquier : le flic de l'Oregon amoureux de Freedom, le fils abandonné devenu avocat, les dupont et dupond du FBI, les frangins de l'ex-mari dont un handicapé, la belle-mère elle même et ses 150 kilos, toute une galerie de portraits, Les Infâmes, tous plus déjantés les uns que les autres.
Toute cette clique à claques explique certainement une mise en place un peu laborieuse dans l'Oregon avec une première partie d'exposition un peu longuette.
Le bouquin décolle enfin lorsque Freedom enfourche une moto et file vers le Kentucky pour y retrouver ses enfants. Toute la bande d'allumés va se retrouver dans l'est, autour de la propriété des parents adoptifs devenus vraiment trop pieux ... ils cachent une véritable secte : le feu d'artifice final lorgnera d'ailleurs explicitement du côté de Waco.
Malheureusement le délirium s'avère très mince et l'on ne croit guère à cette délirante épopée.
Certains personnages valent effectivement la visite, comme ces Delaney, la belle-famille de Freedom, qui se montrent tout à fait digne des Dalton.
[...] Delaney, un patronyme associé au grabuge et à la haute tolérance au whisky. Dans le quartier, la blague veut que même le postier distribue le courrier de la famille au commissariat, parce qu’ils finiront toujours par y échouer.Mais beaucoup d'autres personnages n'arrivent pas à nous accrocher.
Freedom d'abord, que l'on trouve beaucoup trop écartelée entre la pauvre fille imbibée d'alcool et la forte femme capable d'en remontrer à tous : on ne sait même pas quel physique lui imaginer, on ne sait jamais trop sur quel pied danser et dans quel registre l'histoire veut se situer.
[...] Il faut s’attendre à des effets secondaires quand on essaie de suivre le mouvement de la Terre qui tournoie sur son axe, un point c’est tout. Les docteurs me prennent pour une malade mentale. Moi, je dis que je suis excentrique. Y a pas de mal à ça. Et j’ai pas besoin de prendre ces médocs à la con. Je les garde. Je me dirige vers le dernier placard à gauche de ma cuisine, attrape ma tirelire à suicide. « Quasiment remplie. »Face à la trop complexe Freedom et à la très délirante famille Dalton, d'autres personnages manquent cruellement d'épaisseur, comme le flic transi d'amour que l'on a tendance à oublier entre deux chapitres.
[...] T’es complètement cinglée ! rugit Mattley de tous ses poumons.
– C’est pas nouveau, James. C’est pas nouveau.
Jax Miller (une américaine installée en Irlande) disposait de bons ingrédients mais sa mayonnaise n'a pas pris. À vouloir trop embrasser, à se disperser dans toutes les directions, l'auteure nous a perdu en route et l'on regrette d'être passé à côté d'un road-movie déjanté qui aurait pu être savoureux s'il avait été plus concentré. Sans doute le manque de maîtrise d'un premier roman.
Pour celles et ceux qui aiment Calamity Jane et les Dalton.
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