Tiens, et si j'écrivais un roman ?
S'il est bien un auteur que l'on pouvait imaginer en coureur de marathon c'est bien le prolixe et célèbre Haruki Murakami, peut-être l'un de 'nos' contemporains les plus lus !Ce bouquin prémonitoire aura été écrit à mi-course, en 2007, une fois le succès déjà bien installé.
Haruki Murakami passe au crible sa propre vie d'écrivain et de coureur.
Deux vies dans un même miroir, faites d'efforts, de persévérance, de répétition, d'endurance, de concentration et d'opiniâtreté.
Pendant le premier tiers du bouquin, avouons que même si l'on aime et les sports d'endurance et la littérature, on se demande bien ce que l'on est venu faire ici à écouter Murakami discourir sur ses chaussures, digresser sur la musique de son walkman, bref se tâter les mollets et se regarder le nombril.[...] Ecrire un roman ou courir un marathon, voilà deux activités qui se ressemblent.
[...] Pour moi, courir est à la fois un exercice et une métaphore.
[...] Durant les courses de fond, le seul adversaire que l'on doit vaincre, c'est soi, le soi qui traîne tout son passé.
Et puis peu à peu, le marathon devient celui du lecteur et l'on se surprend à se passionner pour les souffrances du coureur et l'opiniâtreté de l'auteur.
[...] L'expérience ne change rien à l'affaire, pas plus que l'âge, j'assiste seulement à une répétition de ce qui s'est déjà passé. Je crois que certains processus n'admettent pas les variations. Si vous devez être une part de ce processus, tout ce que vous pouvez faire c'est de vous transformer, ou peut-être même de vous distordre, au moyen d'exercices répétitifs et opiniâtres, et faire que ce processus devienne une part de votre personnalité. Ouf.Ce bouquin est presque une leçon de vie, de sport et de littérature.
Et puis un jour Murakami, non content de courir une dizaine de kilomètres chaque jour, de souffrir un marathon chaque année, Murakami entreprend de courir un ultra-marathon : 100 kilomètres autour d'un lac, une journée entière de course dans le nord du Japon. Quelques pages magiques.
[...] J'expérimentais pour la première fois l'au-delà des quarante-deux kilomètres. Comme m'élancer ensuite sur une mer inexplorée. Au-delà quelles étaient les créatures inconnues, tapies dans l'attente, qui vivaient là ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je ressentais la même terreur que les marins de l'ancien temps.Décidément course de fond et littérature sont appelées à faire bon ménage : déjà deux coups de cœur avec La course Flanagan ou la bio de Zatopek.
[...] Depuis le départ, je courais donc depuis onze heures et quarante-deux minutes.
Mais si Echenoz filmait Zatopek vu de haut sur un grand écran large pour nous montrer la course du monde, Murakami embarque une caméra intérieure pour mieux nous décrypter les ressorts humains.
[...] Car j'imagine, n'est-ce pas, que l'esprit d'un individu est influencé par son corps ? Ou bien est-ce que le corps et l'esprit interagissent entre eux, influent l'un sur l'autre ?À tout coureur, tout honneur, laissons l'auteur franchir seul la ligne d'arrivée :
[...] Bon, il est possible que j'en rajoute un peu. Peut-être après tout avais-je simplement trop couru.
[...] Il n'est pas impossible que quelques lecteurs, que ces pages auront intéressés, se disent : "Tiens, si j'essayais de courir ?"
Pour celles et ceux qui aiment les crampes et les livres.
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