vendredi 4 décembre 2015

Le garçon qui ne parlait pas (Donna Leon)

C’est juste le garçon qui ne parle pas. Qui ne parlait pas.

Avouons tout de suite notre (légère) déception à la lecture du dernier bouquin de l'américano-vénitienne Donna Leon.
En dépit de son titre accrocheur, on n'a guère accroché.
Petit coup de fatigue et d'usure de l'un ou de l'autre, du lecteur ou de l'auteure ?
C'était pourtant prometteur : encore un polar sans vraiment de crime (rappelez-vous le Requiem), à peine un cadavre. Celui d'un jeune homme sourd-muet et un peu attardé qui s'est étouffé avec des pilules. Gourmandise maladroite ou tentative de suicide ?
Ou tout autre chose ?
Et qui était ce garçon discret que Guido Brunetti voyait régulièrement dans son quartier ?
[...] — Tout ce que je sais de lui, c’est ce que tu m’as dit, Guido : qu’il était sourd et simplet.
Personne ne lui demande vraiment d'enquêter mais notre commissaire vénitien tourne un peu en rond et se pique de curiosité pour l'histoire du garçon qui ne parlait pas. D'autant que le mystère s'épaissit très rapidement : aucune trace du garçon dans aucun des fichiers administratifs de la région (et les dieux de la lagune et du clavier savent que si la Signora Elettra n'a rien trouvé, c'est qu'il n'y a rien de rien !).
[...] « Rien ? » Elle avait cherché à d’autres endroits, sans prendre le soin de lui en faire part.  « Rien. D’après les preuves officielles, il n’existe pas et n’a jamais existé. »
[...] Il n’a jamais été arrêté, on ne lui a jamais délivré de permis de chasse ni de conduire, il n’a pas de passeport, ni de carte d’identité, n’a jamais travaillé pour l’État ni cotisé à une caisse de retraite. Il ne touchait pas non plus de pension d’invalidité.
[...] « C’est exactement ce qu’elle a dit : c’étaient ses propres termes. “Cette personne n’existe pas". »
[...] Ce qui le perturbait, ce n’étaient pas les circonstances de la mort de cet homme, mais le fait qu’il ait pu vivre quarante ans sans laisser la moindre trace. C’est ce mystère, et le halo de tristesse qui l’enveloppait, qui tourmentaient Brunetti
Qui était donc ce jeune homme ? Qui cherche à cacher quoi ?
La noble famille Lembo semble avoir bien des secrets enfouis dans son passé.
[...] Il n’avait rien appris non plus d’important sur Davide Cavanella. Sa mère était une menteuse ; son médecin en savait plus long qu’il ne voulait bien le dire ; il y avait une vieille femme qui en savait probablement plus long encore, mais ne lâcherait pas le morceau ; et la fille de l’ancien employeur de sa mère vivait dans un monde ouaté, où elle n’était censée ni savoir ni parler, et payait probablement très cher cette liberté.
Malheureusement tout cela, comme Brunetti lui-même, tourne un peu en rond et un peu trop longtemps.
Est-ce l'effet de l'automne qui souffle le froid et l'humidité sur les canaux de la Sérénissime ? La nonchalance vénitienne de Guido Brunetti qui nous était plutôt plaisante jusqu'ici, visiblement ne fonctionne plus.
On sent Donna Leon se reposer sur ses lauriers, papillonner de ci de là, hésiter entre nous parler de ceci ou de cela, philosopher à tout bout de champ, mais sans vraiment chercher à entraîner son lecteur avec elle.
[...] À un moment donné, Paola formula un souhait et utilisa de ce fait le subjonctif. Brunetti sentit les larmes lui monter aux yeux face à la beauté de toute cette abstraite complexité.
Même si l'on fait partie, nous aussi, des amoureux de la langue, ce subjonctif nous a paru bien fade et sans relief.

Pour celles et ceux qui aiment Donna Leon.
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