[...] Tu tiendras plus longtemps que moi.
Pour prendre l'air du large après la rentrée littéraire, voici une curieuse comptine lettone qui pourrait se chanter sur la musique de "Il était un petit navire" ...
❤️❤️❤️🤍🤍L'auteur, le livre (104 pages, mai 2024, 1899 en VO) :
Allez, sortons un peu des sentiers battus qui mènent aux prix qu'on court, avec cette petite curiosité littéraire et culturelle : l'écrit d'un letton de Lettonie, Rudolfs Blaumanis, né en 1863 et mort jeune en 1908.
À l'ombre de la mort a été écrit en 1899 et ce n'est guère plus qu'une nouvelle de quelques pages, inspirée par un fait divers, hélas bien réel.
Mais ce texte est devenu un grand classique de la littérature lettone et il est même enseigné dans les écoles, en grande partie pour sa portée morale.
Dans sa postface, le traducteur, Nicolas Auzanneau, établit la comparaison avec notre terrible comptine "Il était un petit navire".
Blaumanis n'a que trente-six ans quand il écrit son texte en 1899, juste avant que l'infernal chaos du XXème siècle ne se déclenche avec la Révolution russe de 1905 : la Lettonie n'est pas encore tout à fait une nation (elle est encore sous domination germano-russe) mais ce petit pays va se retrouver au carrefour des invasions soviétique, nazie puis de nouveau soviétique.
L'ouvrage est illustré de dessins à l'encre de la main de l'éditeur, Olivier Desmettre.
Le pitch et les personnages :
Une quinzaine de pêcheurs se retrouve soudain piégés sur un morceau de banquise qui se détache de la côte et commence à dériver.
« L’immense banc de glace poursuivait sa course toujours plus loin vers le large — il y avait dessus quatorze pêcheurs et deux chevaux. [...] Tous savaient que chaque instant qui passait les éloignait non seulement de la côte, mais aussi de la vie. »Les jours et les nuits passent lentement, les poissons de la pêche se font rares.
Qu'auriez-vous fait à leur place ? Ou mieux, qu'allez-vous faire quand viendra votre tour ?
« — Tu tiendras plus longtemps que moi.— Probablement.— Ah, si seulement tout cela n’était pas aussi lent…Ceux qui vont mourir, on mettra leur corps à la mer ?— Probablement.— Alors, c’est toi qui le feras pour moi… »
♥ On aime :
➔ C'est la curiosité qui nous a mené sur ce banc de glace à la dérive. Curiosité pour la Lettonie et sa capitale (Riga) chargée d'histoire, fascination pour les récits de neige et de banquise, curiosité pour ce texte venu d'un lointain pays et d'une lointaine époque, ...
➔ Le texte est court et la prose de Blaumanis est surprenante de modernité : sèche, réaliste, elliptique. Sur ce morceau de glace, dans ce huis-clos à ciel grand ouvert, il a réuni ses personnages (qu'il disait inspirés de son entourage) pour le meilleur et pour le pire, pour mieux observer l'âme humaine face aux destins contraires.
Le récit sera celui d'une tragédie bien sûr mais nous ne sommes qu'en 1899 et tout ne semble pas encore perdu pour les contemporains de Blaumanis.
➔ Reprenons notre comptine : Je ne veux pas, pas, pas être mangé, ohé ohé ...
Pour celles et ceux qui aiment le hareng.
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Livre lu grâce aux éditions DO (SP).
Ma chronique dans les revues Benzine et ActuaLitté.
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