mardi 8 novembre 2011

La mort, entre autres (Philip Kerr)

Polar noir des années noires.

Revoici l'écossais Philip Kerr et son étonnant détective privé Bernie Gunther, façon Nestor Burma chez les nazis.
On avait beaucoup apprécié le gros volume précédent qui réunissait trois épisodes : c'était la Trilogie Berlinoise.
Cette quatrième aventure, La mort entre autres, se laisse lire avec toujours autant de plaisir (Philip Kerr est un bon auteur de polars) mais n'atteint pas le niveau de la trilogie précédente.
Le goût de la nouveauté et le plaisir de la découverte ne sont évidemment plus là. Et l'intrigue de cette enquête, de cette manipulation dont est victime l'ami Bernie est un brin rocambolesque.
Reste, outre le plaisir de lire un bon polar, un polar bien noir, l'intérêt de relire quelques pages de notre Histoire, des pages bien noires.
Puisque tout l'intérêt des histoires de Philip Kerr c'est que, sans jamais pontifier, il nous fait voyager de Berlin à Vienne ou Garmish et même Tel-Aviv, il nous fait rencontrer toutes sortes d'aimables personnages comme Eichmann ou encore Hadj Amin le Grand Mufti de Jérusalem. Il nous balade entre les prémices du nazisme avant guerre jusqu'aux compromissions de l'Église, de la Croix-Rouge et de la CIA, toutes très occupées à faire échapper un grand nombre de nazis et de SS vers l'accueillante Argentine de Peròn.
Et toutes les ‘anecdotes’ dont Philip Kerr émaille son récit sont tristement avérées : depuis la visite d'Eichman à Tel-Aviv pour trouver une terre d'accueil où envoyer les juifs d'Allemagne, jusqu'au plan B qui consistait à récupérer une colonie française pour ce faire. C'était Madagascar. La suite on la connait et une autre solution, plus finale, sera mise en oeuvre.
Y'a de quoi déprimer pour le pauvre Bernie qui navigue en eaux troubles :
[...] Je me sentais aussi solitaire qu'un poisson dans une cuvette de toilette. Je n'avais pas de parents, et pas d'amis à qui parler, hormis le type dans le miroir de la salle de bains, celui qui d'ordinaire me souhaitait le bonjour, le matin. Dernièrement, il avait cessé de m'adresser la parole, même lui, et j'avais l'impression qu'il me saluait trop souvent d'un sourire sarcastique, comme si ma présence lui était devenue odieuse. Nous étions peut-être tous devenus odieux. Nous tous, les Allemands. Les Américains nous regardaient tous avec un mépris silencieux.
Alors bien sûr il faut en revenir aux fondamentaux de tout bon détective :
[...] Voyez un peu les pays qui boivent beaucoup de bière. Ils sont presque tous protestants. Et ceux où l'on boit beaucoup de vin ? Tous catholiques.
- Et les Russes ? Ils boivent de la vodka.
- C'est une boisson qui aide à trouver l'oubli, répondit le père Bandolini. Absolument rien à voir avec Dieu.
L'époque était des plus sombres. Ce polar noir l'éclaire un tout petit peu.
Chacun connait bien désormais les sinistres compromissions dont firent preuve français, anglais ou américains à la fin de la guerre, par exemple avec les ‘médecins’ nazis qu'évoque largement ce bouquin.
Ce qui reste généralement passé sous silence, et pour cause, ce sont les compromissions des mêmes, avant guerre dans les années 30, pour trouver un consensus sur une solution au ‘problème juif’, aucun n'en voulant chez lui. On connait la suite.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires avec de l'Histoire dedans.
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Le Livre de poche édite ces 565 pages qui datent de 2006 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Johan-Frédréik Hel Guedj.


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