mardi 18 novembre 2014

Charlotte (David Foenkinos)

Quelques gouaches et puis c’est tout.

On nous sait généralement de méchant parti pris et de vilaine mauvaise foi envers et surtout contre les prix qu’on court. Ils se contentent de venir doper les ventes de maisons d’édition déjà bien ventrues et très repues, consacrer des auteurs déjà bien connus et très lus (c’est le 13° roman de Foenkinos !!!), alors que ces distinctions devraient plutôt mettre en avant des auteurs jeunes en littérature, des premiers deuxièmes ou troisièmes romans, des plumes audacieuses et nouvelles, à qui un coup de pouce est nécessaire ne serait-ce que pour les lecteurs puissent faire de nouvelles découvertes.
Bon ça c’est (re-)dit.
Mais donc il arrive que des ami(e)s nous prêtent aimablement de telles sorties littéraires.
Notre lecture est parfois désastreuse [clic].
L’amie Claire, avisée et alitée, avait eu tout le temps de découvrir le dernier David Foenkinos juste avant que le Renaudot lui soit attribué (à Foenkinos, pas à Claire).
Il eut été de la dernière goujaterie de décliner le prêt.
D’autant qu’il s’agissait apparemment d’une biographie.
D’abord on aime bien les bios romancées.
Et puis on espérait secrètement que l’exercice avait contraint l’auteur dans de raisonnables limites.
Et puis le Renaudot ne datait que d’hier : les médias ne nous avaient pas encore écœurés.
Et puis on ne connaissait évidemment pas Charlotte Salomon : on nourrissait donc l’espoir de se coucher un peu moins bête, c’est l’avantage des bios.
Alors ?
Et bien, merci Claire, agréable découverte que les premières pages où l’auteur inaugure un style qui nous plait bien, fait de très courtes phrases. Un point.
À la ligne.
Ainsi tout du long.

[…] Je commençais, j’essayais, puis j’abandonnais.
Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Je me sentais à l’arrêt à chaque point.
Impossible d’avancer.
C’était une sensation physique, une oppression.
J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer.
Alors j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi.

Tout comme Olivier Rolin et son Météorologue, David Foenkinos nous éclaire sur les circonstances qui l’ont poussé à écrire cette vie-là, plutôt qu’une autre.
La vie de Charlotte Salomon, artiste peintre de son état.

[…] Et puis, j’ai découvert l’œuvre de Charlotte.
Par le plus grand des hasards.
Je ne savais pas ce que j’allais voir.
Je devais déjeuner avec une amie qui travaillait dans un musée.
Elle m’a dit : tu devrais aller voir l’exposition.
[…] Et ce fut immédiat.
[…] Mes errances m’avaient conduit au bon endroit.
[…] Tout ce que j’aimais.
Tout ce qui me troublait depuis des années.
[…] Le désespoir et la folie.
Tout était là.
Dans un éclat de couleurs vives.

Pas drôle l’enfance de Charlotte, qui grandit dans une famille portée au suicide.
Pas drôle la vie de Charlotte, qui était juive allemande quand c’était pas le moment.
Pas drôle la fin de Charlotte, qui est gazée enceinte à vingt-six ans à Auschwitz. Point.
À la ligne.
Restent les gouaches de l’artiste.
Et la curiosité de notre écrivain qui nous entraîne avec lui sur les (maigres) traces de Charlotte, dans une courte quête qui va s’avérer un peu frustrante car il n’est pas aisé de faire ainsi connaissance avec une jeune personne ayant laissé si peu de choses … et si peu de famille derrière elle.
Quelques gouaches : c’est toute ma vie, dira-t-elle à la personne à qui elle les confie.
Quelques courtes et plaisantes digressions également, c’est l’un des charmes discrets des bios romancées : Schubert, la Conférence de Wannsee, …
Une lecture agréable, en dépit du sinistre sujet, même si l’on ne voit pas bien ce qui pouvait justifier le Renaudot (voir l’intro !).


Pour celles et ceux qui aiment les destins fulgurants et tragiques.
D’autres avis sur Babelio.


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