Les enfants volés de la dictature Argentine (bis)
Voilà bien longtemps qu’on avait lu un bouquin du français Caryl Férey, grand voyageur et coutumier de polars ethniques.On se rappelle bien sûr de Utu, de Haka, de Zulu (récemment adapté au cinéma [clic] ).
C’est Nadine qui nous aura invités à repartir en voyage avec Caryl Férey Airlines : après la Nouvelle-Zélande, après l’Afrique du Sud, ce sera cette fois pour l’Argentine avec Mapuche.
Où il est à nouveau question des sombres années de la dictature et des enfants volés que pleurent les grands-mères sur la Place de Mai [clic] : rappelez vous l’histoire de Luz, c’était cet été, un roman d’Elsa Osorio [clic].
C’est donc sur le rappel de ce même fond historique que va se dérouler le thriller de Caryl Férey (qui se déroule de nos jours).
[…] Parmi les cinq cents bébés volés durant la dictature, beaucoup n’étaient pas répertoriés à la BNDG, la banque génétique. La plupart de leurs parents n’avaient jamais réapparu, pulvérisés à la dynamite, brûlés dans des centres clandestins, incinérés dans les cimetières, coulés dans le béton, jetés des avions : sans corps exhumés ni recherchés par les familles, ces enfants resteraient à jamais des fantômes. On confiait les bébés à des couples stériles proches du pouvoir, officiers, policiers, parfois même aux tortionnaires, faux documents à l’appui.Le roman a un peu de mal à démarrer.
Notre auteur voyageur en fait des tonnes dans le registre touristique à Buenos Aires.
[…] Bastion populaire au sud du centre-ville, la municipalité essayait de réhabiliter le quartier autour de la Plaza Dorrego, ses bars et son marché aux puces.Notre auteur rockeur en fait également des tonnes dans le registre sordide et social des bas-fonds argentins (façon : les travelos naissent en Amérique du Sud).
Faut reconnaître que côté plume, Caryl Férey n’hésite pas à prendre des risques, et c’est au prix, parfois, de quelques maladresses qu’il arrive aussi, souvent, à placer de superbes envolées.
[…] Jana sourit enfin, en grand, les yeux comme des diamants. Et le monde changea de peau : elle aussi avait l’âme bleue.Après une première partie peu convaincante, l’histoire et les personnages se mettent en place et on va se laisser prendre par l’enquête menée par le couple de héros que forment Jana, indienne mapuche, et Rubèn, pseudo-détective (pas toujours crédible en justicier invincible).
[…] Un spectre amoureux qu’elle aimait à balles réelles.
[…] La Mapuche passa la main par la vitre ouverte pour absorber un peu de fraîcheur, la reposa sur le genou de Rubén endormi, et la laissa grésiller.
Tous deux portent les stigmates du passé et vont se trouver embarqués dans une cavalcade pourtant très actuelle.
[…] La fêlure était maintenant béante. Il n’avait rien dit aux autres, rien montré. Il avait vu la Mort, celle qu’on ne doit pas voir, sous aucun prétexte, sauf à devenir fou.Faut avoir l’estomac bien accroché pour suivre Jana et Rubèn tout du long, au fil des péripéties d’aujourd’hui et des souvenirs du passé.
Le notre (d’estomac) s’est un peu crispé sur la dernière partie qui comporte quelques scènes un peu gores (et qu’on trouve toujours un peu trop facilement racoleuses) : quelques ellipses auraient sans doute été bienvenues.
Une lecture éprouvante mais un roman beaucoup plus passionnant que celui d’Elsa Osorio pour découvrir le passé trouble de l’Argentine.
Et de quoi nous donner envie de relire Zulu et les autres.
Pour celles et ceux qui aiment voyager, y compris dans le passé récent.
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