vendredi 18 mars 2016

Cœurs solitaires (John Harvey)

[...] Je réponds à votre annonce parue dans "Cœurs Solitaires" ...

Hasard des calendriers, le romancier anglais John Harvey vient tout juste [clic] de décider d'abandonner la série Charles Resnick, son héros récurrent, après une douzaine de bouquins et l'on choisit ce moment pour découvrir et l'auteur et le début de la série avec ce premier épisode : Cœurs solitaires.
Et on va se régaler ! Parce dès ce premier épisode, sacrément réussi, on est accroché. Ne vous fiez pas à ce titre à la noix (rien à reprocher à l'éditeur, c'est bien le titre en VO), calez-vous dans votre fauteuil et préparez-vous à savourer un excellent moment de lecture.
Parce que John Harvey fait preuve d'une prose soignée, il n'y a pas d'autre mot. C'est fluide, intelligent, très agréable à lire, ...
Pas d'effets transcendants mais une écriture qui se place très très au-delà des polars tgv qu'on n'arrive pas toujours à éviter.
Et puis, au-delà du plaisir immédiat de la lecture, parce que Harvey s'intéresse à ses personnages : ils sont épais, denses, fouillés, complexes, tout en restant des gens ordinaires.
À commencer par Charlie Resnick, ce flic de Nottingham, d'origine polonaise.
Solitaire bien sûr (il faut bien laisser place à des péripéties amoureuses !) mais ordinaire : un homme d'enquête, patient, pas un super flic imbibé d'alcool au corps couvert de cicatrices.
Pour tout vous dire : un homme qui aime le jazz, les sandwichs et qui vit avec des chats. Trois chats. Voilà.
[...] 4 h 10. Dizzy fit un bond silencieux de la place qu’il occupait, quelque part au-dessus de la tête de Resnick.
Difficile vraiment de ne pas s'attacher aux pas de l'inspecteur Resnick.
D'autant que le voilà qui tombe amoureux d'une assistance sociale, Rachel, et que tout cela est raconté de main de maître. Au cours de la lecture on se dit qu'on doit souvent avoir le sourire aussi niais que celui de Charlie lorsqu'il téléphone à son amie.
[...] Il se demanda ce qu’elle aurait dit si elle avait pu le voir comme ça, debout au téléphone, souriant comme un imbécile heureux.
[...] Elle m’a dit à quel point vous aviez fait preuve de compréhension.
– Elle se trompe. Je ne comprends rien. Je ne comprends rien du tout.
Oops, j'allais oublier, c'est un polar et y'a donc une intrigue et une enquête, mais si, mais si.
Hasard des lectures, nous voici de nouveau dans les années 80 juste après que le tueur du Yorkshire ait sévi et que l'on ait refermé le bouquin de Michael Mention. Les lieux sont proches, les époques aussi et dans des styles très différents (celui de Harvey est vraiment très agréable à lire, on l'a dit), les deux intrigues évoquent des enquêtes longues, fastidieuses et difficiles à la recherche d'un tueur en série.
Le polar de John Harvey est presqu'un modèle du genre : pas plus que l'auteur, le lecteur n'est pressé de voir aboutir l'enquête (le tueur n'est guère actif fort heureusement !) et la course haletante n'aura vraiment lieu que dans les toutes dernières pages. Harvey et son lecteur s'intéressent d'abord aux personnages, leurs relations, la petite brigade d'enquête, Charlie, ses collègues, ses chats et ses amies, ...
Bon alors le méchant ?
Ah oui, j'y reviens, oui donc un serial-killer qui s'en prend aux jeunes femmes seules qui ont la mauvaise idée de faire passer une petite annonce dans le canard local à la rubrique Cœurs solitaires (d'où ce titre donc) - et oui tout cela se passait avant l'invention du smartphone et des réseaux dits sociaux.
[...] Comme vous l’aurez deviné, je réponds à votre annonce parue dans "Cœurs Solitaires".
[...] Comment est-ce qu’ils en arrivent à ça ?
– En crevant de solitude, dit Resnick.
[...] Il se demandait ce qui était le plus difficile. Trouver quelqu’un, ou bien vivre avec.
Il est effectivement beaucoup question de social et de solitude dans ce roman : les dames en question, les messieurs qui répondent, Charlie, son amie Rachel, les collègues, ... faisait pas bien bon vivre dans les Midlands pendant les années 80  ...
On notera également au passage, un très grand respect pour la gente féminine (en dépit de quelques cadavres !) : étonnant pour un bouquin écrit en 1989 qui épingle soigneusement et consciencieusement tout propos susceptible d'être interprété comme sexiste. Les dames apprécieront.
Traditionnellement, on va attendre un peu avant d'épingler le coup de cœur, mais nul doute que ça ne saurait tarder tant on a envie de retrouver très vite Charlie Resnick et tant la série s'annonce prometteuse.

Pour celles et ceux qui aiment les séries policières.
Bientôt d’autres avis sur Babelio.

Aucun commentaire: