mercredi 14 août 2019

Telstar (Stéphane Keller)


[...] Les crimes seront donc impunis, c’est ça ?



On avait beaucoup aimé l’évocation de l’Algérie des années 90 par Frédéric Paulin, de même que la fiction politico-thriller de Stéphane Keller qui revisitait celle des années 60 et l’assassinat de Kennedy.
Nous voici repartis avec Telstar et Stéphane Keller, là où tout a commencé : 1956-1957, au cœur de la Bataille d’Alger.
Peut-être à la lumière tremblotante des événements d’aujourd’hui, cette sombre période semble s’éclairer de nouveau après des années de black-out.
Fin 1956, réveillon sous tension, Massu et Bigeard viennent de débarquer, mal remis des reculades de 40, de Dien Bien Phu et tout récemment de l’humiliation du canal de Suez.
Nous voici en plein dans une sale guerre.
[...] Des innocents étaient embarqués afin d’être interrogés. Fébriles, craintifs, ils fouilleraient dans leur mémoire et donneraient un nom, une date, un renseignement précieux.
Les américains sont là également, bien décidés à profiter au maximum de cette leçon grandeur nature de guérilla insurrectionnelle, ça pourra servir.
Et ils ne sont pas avares de bons conseils, fort de leur expérience d’esclavagistes et des guerres indiennes.
[...] – Combien y’avait-il d’Arabes, en terre algérienne, quand vos troupes ont débarqué ?
– Trois millions.
 – Combien sont-ils à présent ?
 – Dix ! Dix millions. Hollyman se mit à rire.
 – Et voilà tout le problème. Au lieu de les rejeter vers le désert, au lieu de les pourchasser, de les affamer, de les exterminer méthodiquement, sans pitié, sans que quiconque s’en mêle, ce que le siècle dernier permettait encore, vous les avez humiliés mais laissés en vie, pire, vous les avez aidés à proliférer.
Quelle erreur funeste ! Croyez-en un descendant d’esclavagiste comme moi.
Mais voilà, il est trop tard désormais. Ils vont vous submerger et le monde entier les approuvera. 
La prose de S. Keller est toujours aussi fluide et agréable à lire, mêlant le plaisir des petites histoires et l’intérêt de la grande Histoire.
Finalement il n’est pas inintéressant de faire ce chemin inverse (l’intrigue se déroule en 1957 AVANT celle du bouquin qu’on avait déjà lu) qui permet de découvrir l’origine des personnages du second épisode.
Avec ces deux bouquins, on reste tout de même un peu sur notre faim : Rouge parallèle laissait rapidement de côté le contexte franco-algérien pour fuir du côté de Dallas et Telstar se complaît ici dans la petite histoire du serial-killer alors qu’on aurait aimé un éclairage plus soutenu de la grande Histoire d’Alger.
Ces deux romans sont de bons polars mais ont du mal à incarner vraiment le contexte historique qu'ils revendiquent.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires avec de l'Histoire dedans.
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