vendredi 7 janvier 2022

Betty (Tiffany McDaniel)

[...] Devenir femme, c'est affronter le couteau.

Voilà un gros pavé que ce Betty de l'américaine Tiffany McDaniel qui fait la Une des blogs depuis plusieurs mois.
L'auteure y raconte sa propre saga familiale sur trois générations : Betty est sa mère, née dans les années 50 d'une mère blanche et d'un père Cherokee au sein d'une famille de huit enfants.
La peau de Betty était plus métissée que celle de ses frères et sœurs : son père la surnommait fièrement sa Petite Indienne mais les voisins, moins sympas, la moricaude.
L'histoire d'une famille haute en couleurs racontée d'une plume alerte.
La renommée du bouquin se comprend vite : il suffit de quelques pages pour que la prose magique de Tiffany McDaniel accroche le lecteur.
Une ambiance qui rappelle un peu celle de L'oiseau moqueur (d'où le succès du bouquin sans aucun doute) : une histoire racontée à hauteur d'enfant certes, mais sans niaiserie et avec des yeux et des mots d'adulte.
[...] Devenir femme, c'est affronter le couteau. C'est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d'avoir les genoux assez solides pour passer la serpillère dans la cuisine tous les samedis.
[...] Tu sais quelle est la chose la plus lourde au monde ... ? C’est un homme qui est sur toi alors que tu ne veux pas qu’il y soit.
Le bouquin est tout imprégné de la poésie et de la magie du grand-père Cherokee ce qui donne des pages superbes comme celle-ci (Betty y parle de son petit frère Lint que l'on a deviné pas tout à fait "normal") :
[...] Lint avait un visage d'enfant. Il avait un visage d'enfant et les yeux d'un vieil homme. Il avait un visage d'enfant et les yeux d'un vieil homme inquiet.
- Septembre l'apaisera, a dit Papa. Et toutes ses peurs détaleront devant lui comme un renard qui s'enfuit dans la nuit.
Papa disait cela chaque mois, comme si une nouvelle page du calendrier s'apparentait à l'ouverture d'une porte. Mais quand septembre est arrivé, suffisamment mince pour se glisser entre les branches d'un arbre, Lint a attrapé ce que Papa a appelé la tremblote des scarabées en raison du fait qu'il tremblait un peu à la manière de certaines larves.
- Il n'a que quatre ans, a dit Papa. Ce n'est qu'un enfant. Et les enfants croient qu'on ne les voit que quand ils bougent. Ça n'est que ça. Il bouge simplement pour qu'on n'oublie pas de le voir. Pour qu'on sache que, dans cette maison, il est là, avec nous.
Comme Lint continuait à trembler, Papa l'a porté dehors, devant un grand feu qu'il avait allumé dans le champ. Puis il s'est chauffé les mains aux flammes vives et orangées. Ensuite il les a posées sur Lint.
- Je te vois, mon garçon, a-t-il dit en appuyant les mains sur la poitrine de Lint. Je te vois.
Le tremblement s'est arrêté, d'abord dans le bras droit, puis dans le gauche.
- Je te vois.
Ses jambes ont cessé de trembler, puis sa tête a suivi.
- Je te vois.
Quand Lint a été aussi immobile que l'herbe autour d'eux, Papa a dit :
- C'est bien, mon garçon. Je te vois.
Lint s'est redressé et a souri.
Il y aura de nombreux autres passages tout aussi bien écrits mais beaucoup moins cool car on ne grandit pas tranquillement dans ces familles où l'amour se fait souvent rare et que les voisins regardent d'un sale œil.
Malheureusement c'est beaucoup beaucoup trop long (plus de 700 pages !).
Au bout de quelques deux ou trois cent pages le lecteur se demande où l'auteure veut bien en venir, y'a-t-il un autre sens, ou bien est-ce vraiment le seul plaisir de feuilleter les trop nombreuses photos de famille qui dormaient dans le grenier ?
Au bout de quelques deux ou trois cent pages le lecteur commence à lire en diagonale, essayant de pêcher ici ou là quelques propos autres que la meilleure façon de faire des conserves de prunes.
Au bout de quelques deux ou trois cent pages le lecteur en a bientôt assez de ce misérabilisme qui accable cette pauvre famille où il faut éviter un père ou un frère un peu trop aimant, où il faut éviter la bêtise raciste des voisins.
Quel gâchis pour une si belle plume.

Pour celles et ceux qui aiment les indiens.
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