mardi 15 novembre 2022

La planète des singes (Pierre Boulle)

[...] Un animal, un peu plus intelligent que les autres.

Habituellement on alimente plutôt qu'on ne vide les fameuses "boîtes à lire" qui poussent désormais un peu partout. Mais cette fois le hasard fit bien les choses en poussant dans nos mains un bien vieux bouquin (paru initialement en 1963) et une célèbre histoire : La planète des singes de Pierre Boulle (auteur d'un autre roman qui fera lui aussi une longue carrière au cinéma : Le pont de la rivière Kwaï).
Cette redécouverte s'avère une très bonne surprise : le récit de Pierre Boulle est finalement assez loin de ce qu'en ont tiré les cinéastes qui se sont succédés à la caméra.
La prose est un peu démodée (on écrivait encore au passé simple !) et elle accentue le dépaysement puisque derrière l'étiquette "SF" très convenue se cache plutôt un conte philosophique, façon Gulliver débarquant à Lilliput : Pierre Boulle est plus proche d'un Swift ou d'un Voltaire que d'un Asimov ou d'un Barjavel.
L'histoire est évidemment connue : quelques terriens débarquent sur une lointaine planète où les singes (cultivés, vêtus, ingénieux, dotés d'outils et de langage ...) dominent et chassent les "hommes" qui eux, vivent nus et sans intelligence et qui grognent plutôt qu'ils ne parlent. Le monde à l'envers bien sûr.
Et c'est là tout le propos de Pierre Boulle qui retourne habilement la situation : pour notre terrien débarqué sur cette planète simiesque, comment prouver son "intelligence", son "âme" ?
Le héros connait son Pavlov par cœur et maîtrise parfaitement l'éthologie mais comment faire la démonstration de son "humanité" sans passer pour un singe savant, pardon : un homme savant ?
[...] Elle sortit un morceau de sucre de sa poche et me le tendit. J'étais désespéré. Elle aussi me considérait donc comme un animal, un peu plus intelligent que les autres, peut-être. Je secouai la tête d'un air rageur.
❤️ Une habile façon de venir questionner ce qui fait le propre de l'homme (et le rire ne suffit pas, sachez-le). 
Avec les fameuses boucles temporelles qui clôturent le roman, Pierre Boulle qui revenait d'Indochine à l'époque, pousse même le bouchon encore plus loin : cette humanité si difficilement acquise, si chèrement défendue, est-il possible de la "perdre" un jour ?
[...] Vous voyez bien que l'esprit peut se perdre, comme il peut s'acquérir », murmure quelqu'un derrière moi.

Pour celles et ceux qui aiment la philo.
D’autres avis sur Babelio.

2 commentaires:

dasola a dit…

Rebonsoir, je l'ai lu il y a longtemps et j'avais aimé cette histoire. Comme à l'époque je n'avais pas vu les films, je n'avais pas forcément deviné qui était Jinn et Phyllis... Bonne soirée.

tadloiducine a dit…

La première série de films, la série télé de 1974, Tim Burton, la trilogie du XXe siècle qui, à pert titre et "pitch", n'a plus grand-chose à voir avec le livre (et j'en oublie en BD ou dessin animé!): ou comment une oeuvre échappe à son créateur...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola