Des idées cadeaux pour Noël 2025 ?

Pour piocher au gré de vos envies, voici quelques idées de bouquins sélectionnés parmi nos meilleures lectures 2025 (et il y en a eu pas mal !) et qui pourraient peut-être plaire au plus grand nombre : en cliquant sur les titres-liens, vous avez accès à la chronique complète (texte et/ou vidéo) qui vous donnera une bonne idée de à quoi s'attendre pour chaque titre (sans spoiler ni divulgâcher bien sûr).

Pas mal de polars bien sûr, mais aussi des "romans noirs" et quelques "histoires vraies" comme on les aime.
Et pour la plupart de ces suggestions, il s'agit de "sorties 2025". 
Il y a même plusieurs belles plumes qui sont apparues lors des deux rentrées littéraires de l'année, celle d'hiver en janvier et la grande rentrée de l'automne.

Et pour ce Noël, la hotte des BD est même largement fournie !

Et si ça ne suffit pas au Père Noël, il reste encore quelques idées au fond de la hotte des cadeaux 2024 ainsi que la liste magique des idées lectures, régulièrement mise à jour et à picorer selon vos envies.

Au rayon  romans ou littérature dite "blanche" :


L'itinéraire d'un “cocu de l'Histoire” parti visiter le paradis socialiste et qui passera vingt ans au goulag avant de retrouver une France où il ne se retrouve plus lui-même.
Les “prisonniers du rêve écarlate” ce sont ces “communistes étrangers happés par la grande illusion”, qui sont venus se réfugier en URSS au plus mauvais moment : eux qui fuyaient les guerres ou les fascistes, ils seront happés dans le maelstrom paranoïaque de Staline et finiront au goulag. Andreï Makine va nous entraîner dans ce tourbillon de l'Histoire : 50 ans d'Histoire soviétique bien sûr mais aussi, et c'est la bonne surprise, de notre histoire française. Tout cela est filmé en grand-angle dans un travelling historique passionnant qui met en lumière un regard amer et désabusé porté sur notre époque. 

❤️ Direction la Malaisie où Tan Twan Eng nous offre un bel hommage à Somerset Maugham et à la splendeur passée du Commonwealth : le charme désuet et rétro des années 20, le parfum exotique des colonies britanniques. 
Il n'est plus très fréquent aujourd'hui de lire une belle prose classique : le style du roman est lui-même un hommage à Somerset Maugham, écrivain du siècle passé.
Un roman largement inspiré d'histoires vraies où l'on croise Somerset Maugham bien sûr, mais aussi Sun Yat Sen, le révolutionnaire chinois en exil. Rendez-vous pour l'apéritif (gin pour les dames, whisky pour les messieurs) sur la véranda de La maison des portes.

❤️ Dans Je voulais vivre, un excellent récit d'aventures, l'auteure décrypte les interstices et les ombres de la saga d'Alexandre Dumas pour nous faire entendre « une voix de femme au temps des hommes » : une brillante réhabilitation de Milady de Winter. 
Adélaïde de Clermont-Tonnerre va nous apprendre à lire entre les lignes de Dumas, découvrir quelle femme pouvait se cacher derrière Milady, dévoiler la véritable (?) histoire, le passé de cette héroïne au charme vénéneux. Là où elle réussit brillamment son coup, c'est qu'elle n'a pas oublié de nous servir un excellent roman d'aventures historiques, digne des meilleurs récits de cape et d'épée. Le plaisir est donc ici double.

Portrait de famille décomposée : une mère et ses deux filles fascinées par un beau-père mythomane. Florence Seyvos décortique avec soin et délicatesse, les relations subtiles et complexes de ces quatre personnages. 
Avec Un perdant magnifique elle s'inscrit dans le mouvement très tendance de cette autofiction qui a envahi nos librairies, mais indéniablement Florence Seyvos se distingue du lot grâce à son travail sur l'écriture et peut-être aussi parce qu'elle a su mettre un peu moins d'auto et beaucoup plus de fiction dans sa recette : un mélange plutôt réussi. Plus qu'au bonhomme, le roman s'intéresse plutôt aux trois femmes qu'il tient sous son charme. La relation de ces quatre-là est bien plus subtile, ambiguë et compliquée que cela. On n'en dévoile pas plus mais c'est assez passionnant et l'on dévore ce petit bouquin, avide de comprendre ... si tant est que l'on puisse comprendre.

Plus qu'une autobiographie, Philippe Manevy nous propose un devoir de mémoire, une "biographie généalogique" avec l'histoire de ses grands-parents, ouvriers de la soie à Lyon au siècle dernier. 
Ils habitaient à la Croix-Rousse, La colline qui travaille.
Un bouquin dont les thèmes (filiation et classe sociale) sont à rapprocher de ceux abordés par Annie Ernaux à qui Manevy consacre d'ailleurs tout un chapitre. 
Si ce bouquin arrive à se distinguer des autofictions qui inondent nos librairies, c'est parce que l'auteur s'intéresse finalement un peu moins à lui-même qu'à sa famille et surtout à ses grands-parents.
Et ce qui rend également son roman captivant, c'est son enracinement dans le "social". 

Les mandragores est un premier roman percutant signé par un très jeune auteur : l'histoire d'une fratrie abandonnée par les parents. Marius Degardin ose se faire une place sur la scène littéraire pour nous conter l'histoire de quatre enfants d'immigrés italiens, littéralement abandonnés par leurs parents. La première partie du bouquin où Benito/Benoît nous présente sa fratrie est une véritable claque littéraire. Ça fuse de toutes parts et Marius Degardin tape fort à coups de bonnes formules sur le thème "familles, je vous hais".
Un premier roman percutant signé par un auteur bien jeune qu'il va falloir suivre de près. 

La prose de cet auteur est aussi lumineuse que ses personnages.
Chasseurs d'été est le second roman de Soufiane Khaloua, après La Vallée des Lazhars paru en 2023.
Le récit-souvenir d'une petite bande de jeunes dont l'innocence va se trouver bouleversée par un drame qu'ils n'ont pas vu venir, une ombre qui va les suivre longtemps, jusqu'à ce qu'ils parviennent à enterrer ces mauvais souvenirs comme dans une capsule temporelle.
L'auteur adopte un juste équilibre, avec la bonne distance entre la fraîcheur naïve de l'enfant et le recul de l'adulte. Le propos est pétri d'intelligence et de bienveillance envers tous ses personnages, les plus lumineux comme les plus tourmentés.

Duel fratricide à Terre-Neuve.
Les adversaires est un roman truculent et plein de verve pour une histoire très sombre dans un petit village de pêcheurs de Terre Neuve au XIXe : l'affrontement terrible d'un frère et d'une sœur pour le contrôle du commerce et de la pêche.
Le canadien Michaël Crummey est très en verve et manie la langue avec brio pour nous brosser une fresque digne des plus sombres naturalistes flamands : né à Terre-Neuve où il vit toujours, cet écrivain a des récits captivants à partager sur sa terre natale.
Michael Crummey a réussi à donner vie à une sacrée galerie de personnages et sa prose éloquente et son humour féroce cachent un roman très noir, où l'on ne sait trop si le chaos va naître de la folie des hommes ou de celle de la nature.

❤️ L'Histoire tourmentée de la Corée à travers l'histoire d'une femme insaisissable aux multiples noms et visages : un parcours horrifique et incroyable. Gros coup de cœur de cette rentrée littéraire 2025 pour ce premier roman, maîtrisé de bout en bout, où Mirinae Lee nous livre  une formidable histoire dont le personnage géophage est une femme tout aussi incroyable. Chaque chapitre, chaque période, est le prétexte pour une histoire à part entière, des histoires qui vont s'entre-croiser les unes avec les autres tissant chaque facette, chacune des 8 vies de cette mangeuse de terre avec son lot de mystères et de secrets.

❤️ Le personnage principal du bouquin c'est bien sûr ce quartier monumental de La Défense et La Grande Arche. L'autre grand rôle dans cette pièce dramatique c'est celui de l'architecte. Et bien malin le lecteur qui pouvait citer le nom de l'acteur avant d'ouvrir ce bouquin puisqu'il s'agit d'un illustre inconnu. Un danois, à peine connu même chez lui : Johan Otto von Spreckelsen.
La plume de Laurence Cossé est vive, riche, enjouée, trempée dans l'ironie et la dérision : ce qu'il fallait pour captiver le lecteur et l'intéresser à un sujet aussi ennuyeux et rébarbatif. 
On apprend évidemment beaucoup de choses sur cet étonnant bâtiment mais c'est aussi une véritable immersion dans les coulisses du pouvoir et l'arrière-cour de nos institutions : sordides tractations politiques, subtiles magouilles financières, rivalités d'egos disproportionnés, ...
Coup de cœur pour ce livre passionnant du sol au plafond.

Du haut de ses soixante-dix ans bien tassés, fort de plus d'une vingtaine de romans, nouvelles, pièces de théâtre et scénarios, le prolixe William Boyd reste une icône de littérature britannique, le symbole de l'élégance littéraire so british. 
On apprécie l'écriture fluide, souple, distinguée de cet auteur qui sait nous créer de bons personnages, nous tisser de bonnes histoires et surtout qui sait nous les raconter avec ironie et brio. On est loin des thrillers trépidants habituels ou des scénarios tordus d'un John Le Carré : William Boyd nous invite dans un monde feutré, élégant, plein d'esprit. So british. 
Gabriel's moon est un bon cru, facile et agréable à lire. 

Au rayon  polars ou thrillers "historiques" :


Le roman historique n'est pas vraiment un genre qu'on apprécie habituellement sauf lorsque, comme ici, ces polars nous permettent de (re)découvrir, et sous un angle original, des périodes peu connues de notre histoire contemporaine ou très récente. Une idée qui semble devenir très à la mode.

❤️ La collection Série Noire a ressuscité ce récit captivant de Maria FagyasLa cinquième femme, au cœur du soulèvement de Budapest, juste avant que les soviétiques ne reprennent le contrôle. 
Fin octobre 1956 : la révolution hongroise est en pleine effervescence, les cadavres jonchent les trottoirs, on les enterre à la va-vite dans les parcs de la ville.
Maria Fagyas accorde une attention toute particulière à tous ses personnages, les figures féminines, en particulier. Leurs origines et leurs milieux sont variés, tout en nuances et en contradictions, l'époque n'était pas facile et chacun faisait ce qu'il pouvait face à des enjeux qui le dépassaient. .

Après un premier épisode (Passage de l'avenir 1934), Alexandre Courban nous transporte cette fois en 1935 Rue de l'Espérance. La recette est fidèle à son style et c'est celle d'un "écrivain-historien-engagé à gauche" qui nous propose une rétrospective des événements politiques et sociaux de l'année 1935 dans le Paris populaire des années 30.
Et on y retrouve comme fil rouge, une petite intrigue policière contée dans un style à la fois coulant et précis.

Cette année ont été publiés les deux derniers épisodes de la saga de Frédéric Paulin sur l'histoire récente du Liban. C'est toujours soigneusement documenté et toujours instructif et passionnant. 
Après Nul ennemi comme un frère, nous voici avec Rares ceux qui échappèrent à la guerre et Que s'obscurcissent le soleil et la lumière, au cœur des années Mitterrand avec les années 80. 
La cohabitation avec Chirac, la série d'attentats terroristes à Paris, les otages au Liban : ce sont les années où les errements de la France au Moyen-Orient s'invitent dans la politique intérieure de notre pays. 
F. Paulin parle évidemment du Liban mais on (ré-)apprend également beaucoup de choses sur la France de l'époque. Il n'est jamais inutile de réviser notre propre passé récent, même avec une vue depuis Beyrouth !
Cette trilogie, entre thriller et livre d'histoire, nous éclaire magistralement sur les enjeux du Moyen-Orient. 

Avec Beyrouth forever, le journaliste français David Hury nous propose une enquête captivante au cœur de Beyrouth. Une façon séduisante de réviser l'histoire complexe du pays tout en suivant les péripéties d'un duo d'enquêteurs original : un vieux roublard maronite et une jeune chiite sortie du rang.
Ce roman policier vient à point pour compléter la série de livres de Frédéric Paulin, puisque notre auteur s'intéresse ici à l’écriture de l’Histoire et parfois la non-écriture de l’Histoire. Un roman pétri de vécu qui nous donne une vue synthétique de l'histoire du pays. Désespérante mais synthétique.

Opium lady est la suite des aventures indochinoises de la reporter Elizabeth Cole, une Bob Morane au féminin. Un récit fait de glamour, d'exotisme et d'aventures, qui nous ramène aux origines des trafics d'opium des armées coloniales dans les années 50.
Elizabeth et la princesse de l'opium sont en route pour Mogok et la vallée des rubis.
La construction du roman alterne les chapitres : ceux des années 50 avec les aventures d'Elizabeth et de ses compagnons et ceux des années 30-40 où la princesse raconte sa vie à la journaliste. C'est d'autant plus intéressant que Laurent Guillaume nous révèle dans une postface que la princesse de l'opium a réellement existé : même si bien sûr son histoire est ici romancée, elle s'appuie donc sur un fond de vérité historique.

Au rayon  polars et thrillers :


Voici enfin, un polar indien contemporain et très "social" : une véritable immersion dans l'Inde d'aujourd'hui avec ses clivages sociaux, ethniques et religieux.
Avec Black River, Nilanjana Roy nous emmène très très loin dans une Inde mal connue, surpeuplée, unique, effrayante et monstrueuse, aussi fascinante que déconcertante.
Il lui suffit de quelques pages pour nous immerger totalement dans un ailleurs, à mille lieux de chez nous (7.000 km pour être précis). Quelques lignes lui suffisent pour déployer tout un univers de senteurs, bruits, couleurs, sensations, ...
Une fois l'intrigue lancée, les rebondissements de l'enquête et les retours en arrière nous permettront de faire plus ample connaissance avec les principaux personnages, leur passé, leur histoire, leurs contradictions. 

❤️ Ian Manook met le cap vers le pays du matin calme pour une nouvelle série policière avec l'inspecteur Gangnam. La balade est aussi réjouissante que dépaysante. 
Coup de cœur pour ce divertissement aux personnages attachants, truffé d'humour et parcouru d'instants de grâce.
La prose de Manook est toujours un délice : c'est fluide, divertissant, plaisant.
Si côté polar on savoure avec grand plaisir cet agréable et dépaysant divertissement, le coup de cœur va venir de notre attachement aux personnages soigneusement dessinés et surtout des surprenants moments de poésie, véritables instants de grâce, que l'auteur arrive à glisser dans son intrigue trépidante.
Le livre refermé, on se rend compte qu'un peu de nous est resté en Corée : de quoi nous donner l'envie d'aller faire un tour à Séoul en attendant la suite des aventures de Gangnam ...

Ce bouquin a le charme des histoires de pêche où l'on enjolive ce qui n'est peut-être même pas arrivé et où l'on tait ce qui ne doit pas être rapporté car "ce qui se passe sur l'eau, ça reste sur l'eau". 
Quelques lignes, quelques pages et Roxanne Bouchard nous emporte tout là-bas avec une prose québécoise pleine de senteurs inédites, d'expressions suggestives et de saveurs nouvelles. Elle a le don d'écrire des dialogues savoureux qui font mouche et qui touchent. Ce premier épisode d'une série policière porte un bien joli titre : Nous étions le sel de la mer et nous faisons connaissance avec le flic récurrent de la série, Joaquin Moralès. 
Cette année on a même lu le troisième épisode, tout aussi bon que le premier : Le murmure des hakapiks.

On n'est pas loin du coup de cœur pour ce roman noir, véritable fresque historique sur le Londres des années 50 qui se remet à grand peine des bombardements du Blitz et qui attire déjà les premières vagues migratoires. 
Dominic Nolan n'hésite pas à dérouler une intrigue sur plusieurs années, depuis 1952 et l'un des plus grands braquages de l'histoire britannique, jusqu'aux émeutes raciales de 1958 : nous allons découvrir le Londres d'après-guerre, ses rues bombardées, ses immeubles en ruine, ses terrains devenus vagues. Sur près de cinq cent pages, c'est une fresque passionnante avec de multiples niveaux de lecture : le suspense d'une histoire de gangsters et les difficultés de ce petit peuple londonien qui habitait dans White City des quartiers comme l'ancien Notting Hill, bien avant que Hugh Grant ait le coup de foudre pour Julia Roberts.

McKinty est une valeur sûre et l'un des auteurs de polars anglo-saxons les plus attachants, tout comme son héros Sean Duffy, le seul flic catholique de la police protestante d'Ulster. 
On va retrouver ici aussi bien son humour sarcastique que le stress des années 80 et des "Troubles" qui font tout le charme de cette solide série irlandaise.  
Avec Du sang sur les pierres, Duffy va devoir résoudre le mystère d'un faux suicide dans un château entièrement clos et Adrian McKinty joue avec son lecteur et les codes du roman policier. Mais il ne perd jamais de vue ses thèmes de prédilection : les réseaux de corruption, l'impunité des riches ou des puissants, ... Dans les polars noirs de McKinty, les mots de justice ou d'ordre perdent souvent tout leur sens. 
Et puis ce sont toujours des romans dont la trame fictionnelle entremêle soigneusement quelques fils d'histoires vraies.

Surprise, avec ce Minuit à l'ombre, où Ian Rankin fait preuve d'un sacré culot dans sa capacité à se renouveler : après avoir failli mettre son flic John Rebus à la retraite, le voici qui le met carrément en prison ! Et c'est depuis son quartier de sécurité à Saughton que l'inspecteur va devoir mener son enquête ! Voilà pour le moins, un cadre original ! 
Pas facile de mener une enquête quand on est "à l'ombre", là où les flics ne sont généralement pas les bienvenus. Fidèle à ses habitudes, Rankin dissèque sa société écossaise avec une précision d'entomologiste.

Plus accessible que Ian Rankin, le norvégien Jørn Lier Horst nous propose une intrigue complexe aux multiples ramifications. Cette fois ce sont des lettres anonymes qui vont conduire la police à rouvrir un 'cold case' et suivre de nouvelles pistes. 
Alors qui manipule qui autour du dossier 1569 ?
On retrouve ici le rythme tranquille des polars de Horst et Wisting.  Comment fait Jørn Lier Horst pour nous captiver ainsi, sans qu'on puisse lâcher le bouquin comme s'il s'agissait du dernier thriller ? La magie sans aucun doute de son écriture fluide et agréable, d'un sens certain du timing, d'une intrigue soigneusement construite qui ne laisse deviner que peu à peu des strates insoupçonnées et des ramifications complexes, ...

Il y avait longtemps qu'on n'avait ouvert un Connelly ! 
Et bien voilà : "À qui sait attendre" c'est le titre prédestiné de cet épisode très réussi.
Car même si Harry Bosch y est retrait, l'auteur maîtrise parfaitement, on le sait depuis longtemps, l'art du récit et du thriller. 
Il va même jusqu'à imaginer ici un épilogue à la célèbre affaire du Dahlia Noir !
Depuis longtemps, Connelly entretient avec soin et amour sa petite équipe de personnages, une équipe qu'il féminise peu à peu. Renée Ballard, Harry Bosch et même sa fille Maddie, toute l'équipe est là pour une triple intrigue dans un récit bien mené. Un vrai page-turner.

Un polar allemand qui s'avère finalement une lecture bien savoureuse !
Avouons qu'au début, on est un peu surpris par cette véritable histoire de fous. Ivar Leon Menger en fait vraiment des tonnes dans la forêt du croque-mitaine ! Mais c'est plutôt très bien écrit, alors on continue, surtout qu'il y a ce sympathique commandant à la retraite, une sorte de Colombo germanique et son amourette avec l'aubergiste.
Cette histoire qui semblait horrifique s'avère finalement une lecture bien réjouissante car à chaque page, le lecteur ressent tout le plaisir que Ivar Leon Menger a pris à l'écrire.

Ce troisième chapitre des aventures du détective privé Aloysius Archer est aussi captivant que les autres. Une étude sans concession de l'humanité et de ses faiblesses. David Baldacci possède un réel talent pour mettre en scène ce qui ressemble presque à une BD avec le privé, les voyous, les belles autos et les jolies pin-ups.
Avec juste ce qu'il faut d'élégance "à l'ancienne" et suffisamment de modernisme pour nous proposer une lecture fluide aujourd'hui. Un bon dosage qu'il arrive à maintenir avec une belle régularité au fil des épisodes. Los Angeles, Dream Town, offre une source d'inspiration inépuisable. Le portrait de la ville et de ses habitants est donc plutôt amer.

On continue avec les privé(e)s : voici la troisième aventure de la détective privée marocaine Gabrielle Kaplan. Une intrigue au parfum entêtant de voyous et d'agents secrets : Tanger nid d'espions ! 
Après Casablanca, après Marrakech, Gabrielle Kaplan nous envoie de Bons baisers de Tanger pour sa troisième enquête.
Melvina Mestre a soigné l'ambiance de son roman policier old-fashioned et bien posé son personnage de détective qui pourrait être la fille spirituelle de Nestor Burma. La mission d'espionnage qui lui est confiée est l'occasion de pimenter la série. Et puis reconnaissons qu'on aime bien le parfum désuet et rétro de ces histoires de 'privé(e)' écrites avec une plume suffisamment moderne et fluide pour notre lecture d'aujourd'hui.

❤️ Jean-François Pasques c'est le flic 'psychologue' de la PJ. Ses polars sont toujours écrits avec beaucoup de finesse et cherchent à pénétrer l'intimité des personnages à travers leurs mensonges ou leurs aveux. L'avocat du diable évoque avec sensibilité le sujet du féminicide.
On a plaisir à retrouver là le commandant Julien Delestran héros récurrent, toujours accompagné de sa jeune protégée, la lieutenante Victoire Beaumont, et de la psychologue de la PJ, Claire Ribot. Dans le box des accusés, on va trouver Dominik Jean, alias DJ. Celui qui va être soupçonné de viol est une célébrité du monde des lettres et du monde tout court : on se retourne sur lui dans la rue pour le dévisager ou obtenir une dédicace. Tiens, tiens ...

Ambiance série télé pour ce deuxième épisode des enquêtes siciliennes au pied de l'Etna : une agréable série toujours aussi dépaysante et charmante, avec la commissaire Giovanna Guarrasi, dite Vanina pour les amis, de la brigade criminelle de Catane. 
L'an passé, on avait beaucoup aimé découvrir cette auteure sicilienne : Cristina Cassar Scalia avec le premier épisode d'une série policière Sable noir
Un an après, les revoici toutes les deux, l'auteure et la commissaire, avec Falaise noire.
De sa prose tranquille, ironique et efficace, Cristina Cassar Scalia dissèque tout son petit monde catanais avec beaucoup d'acuité. C'est pas de la grande littérature noire (et ça n'y prétend pas), mais c'est dépaysant, intéressant et plein de charme. 
Côté intrigue policière on est sur du solide, tout comme dans le premier épisode. 

Second épisode du feuilleton littéraire Les mouettes, dérivé de la fameuse série tv Le Bureau des Légendes, dont l'écriture en a été confiée au journaliste-écrivain Thomas Cantaloube
Un épisode très réussi où l'auteur, très documenté comme d'habitude, porte un regard un peu nouveau sur cet Iran qui est toujours, hélas, au cœur de l'actualité. 
Thomas Cantaloube peut déployer tout son art dans une nouvelle région : le Baloutchistan.
Mais on sait bien que Cantaloube n'est pas un auteur ordinaire de thrillers, même inspirés de l'actualité brûlante, c'est aussi un excellent pédagogue et il va nous faire partager ici un point de vue original, un peu décalé et donc passionnant, sur l'Iran.

Complosphère et réseaux sociaux : l'air des temps modernes souffle fort dans les couloirs du Bastion de la PJ où le dernier polar de Christophe Molmy a obtenu le Prix du Quai des Orfèvres 2026. 
Brûlez tout est un bon polar de facture plutôt classique : une équipe de flics (un 'groupe' d'investigation de la PJ) avec des personnages bien travaillés, un scénario solide à rebondissements, quelques surprises et une intrigue sur laquelle souffle l'air du temps (Gilets Jaunes, complosphère, réseaux sociaux, ...). 
L'ambiance est classique, façon série tv policière et le tout est servi par une prose fluide, rythmée et sans surprise : voilà un roman qui plaira aux fans de fictions policières à la française.

Une agréable série avec deux premiers épisodes parus : Hildur ainsi que Rósa & Björk, une série policière islandaise mais ... écrite par une finlandaise Satu Rämö.
L'héroïne de la série, Hildur Rúnarsdóttir, est une jeune femme bien sympathique que l'on retrouvera avec plaisir dans les prochains épisodes.
Très vite, le lecteur va comprendre que la finlandaise a su capter l'âme même du polar islandais, celle que nous avait fait découvrir le réputé Indridason il y a une vingtaine d'années maintenant et sur laquelle surfent plusieurs de ses compatriotes.
Les montagnes, les vents et l'océan, la nuit et le froid, les disparitions mystérieuses dans la neige ou la brume, la petite île où tout le monde se connait, les drames qui resurgissent d'un passé lointain, les sombres histoires de famille, tout y est !
Les intrigues policières sont menées à un rythme tranquille, ambiance série tv, mais ne décevront pas.

Au rayon  romans noirs :


Avec EvergladesR. J. Ellory dresse un véritable réquisitoire contre la peine capitale et signe, une fois de plus, une histoire qui va hanter longtemps ses lecteurs.
Ellory plaide la cause abolitionniste avec talent dans ce livre où il nous plonge au cœur d'un pénitencier, entre le couloir de la mort et la chambre d'exécution. 
 Âmes sensibles s'abstenir car c'est là un boulot qui vous change profondément un homme ...
Chaque année, on se demande comment fait cet auteur pour nous sortir aussi régulièrement des histoires aussi fortes, aussi prenantes. Il lui est arrivé de s'égarer un peu c'est vrai, mais c'est plutôt rare et ce livre, s'il n'est peut-être pas son meilleur, fera assurément partie des histoires qui vont longtemps hanter le lecteur.

Ian Manook est de retour en Asie centrale avec cette équipée sauvage au fin fond de la Sibérie. Débâcle est un véritable récit d'aventures en compagnie d'une petite troupe bigarrée de personnages singuliers et attachants. Une virée sauvage au sein d'une nature grandiose et spectaculaire mais pleine de dangers. On oublie assez vite le contexte soviétique, point de départ de cette aventure, pourtant l'ombre du goulag se cache derrière chaque arbre de cette odyssée. Le récit est également imprégné d'un léger parfum de chamanisme, un mélange savoureux qui reste parfaitement maîtrisé. Les rêves qui viennent hanter les personnages sont utilisés pour faire avancer l'intrigue ou en expliquer certaines parts cachées. C'est la part spirituelle de ce récit.

❤️ Avez-vous déjà lu un chauffeur de taxi ? Et bien c'est le moment avec cette chronique urbaine hyper réaliste : les mémoires d'un vieux chauffeur de taxi de Chicago, Jack Clark qui fut longtemps Taxi de nuit, pour de vrai.
Une prose au ras du bitume, minimaliste, factuelle, qui peut rappeler celle de Bukowski.
Ce n'est qu'à force d'une répétition presque lancinante que l'humanité commence à transpirer du récit pour créer une atmosphère unique autour du personnage.
L'intrigue policière n'est ici que le prétexte à parcourir, avec Eddie le taxi, le plan quadrillé de Chicago : depuis les quartiers en voie de gentrification jusqu'aux cités à moitié abandonnées.

❤️ Une belle plume, le temps de quitter un peu « la route des hommes » et de partager un moment avec « les qu'on voudrait qu'ils n'existent pas ». Nathalie Sauvagnac fait partie de la meute des Louves du polar, le collectif qui regroupe les meilleures plumes féminines du polar français. Et nous, au bord du monde, c'est d'abord de la belle écriture. C'est vif, sec, imagé et le lecteur passe sans cesse de la poésie la plus lumineuse à la noirceur la plus sombre. Car c'est tout de même un roman noir, et bien noir. 
Et puis il y a l'humanité, l'empathie dont fait preuve cette auteure pour nous faire partager quelques instants avec les losers, les paumés, qui sont venus se réfugier au bord du monde.

Une petite surprise d'un auteur méconnu (Pierre-Yves Touzot) : Oldforest
Une traque pleine de dangers, un "nature-writing" efficace dans le froid et la neige d'une forêt primaire en plein hiver, quand le blizzard souffle une légende indienne qui a tout de la fable philosophique.
La mise en place est un peu longue, laborieuse, capillotractée et l'on se demande bien qu'est-ce que c'est que cette histoire ? 
Mais voilà l'auteur sait s'y prendre pour nous captiver et nous faire partager la course, la neige, la traque, le froid, ... Un auteur plus malin qu'on ne le pensait : son intrigue n'est guère crédible mais suffisamment intéressante pour exciter notre curiosité. Il ne nous demande pas de le croire mais seulement d'être suffisamment curieux pour le suivre. Ce qui nous va très bien. La suite est déjà parue.

Dominique Forma nous emmène visiter "ses" États-Unis : entre Los Angeles et Las Vegas, une virée déjantée (littéralement) dans les déserts perdus à Bombay Beach, Californie
Ses courts récits sont souvent des histoires de personnages et de personnages en voyage, en dérive ou même en cavale, et voici donc l'histoire d'un couple en fuite.
On aime d'abord le style de Dominique Forma. Une prose sèche et nerveuse.
On aime aussi les personnages de Dominique Forma. Des ni bons, ni mauvais.
Et puis on aime les histoires de Dominique Forma, car c'est aussi un sacré conteur.

Un très court roman noir, le récit d'une fusillade.
Une douzaine de personnages dans un bar écrasé de chaleur, à l'enseigne très alléchante : La dernière étape. Au menu aujourd'hui : règlement de comptes.
Il y aura huit tirs, une quinzaine de balles et très peu de survivants. 
Un montage très cinéma pour les chapitres de ce véritable scénario de court-métrage.
Guillaume Guéraud nous livre un bel exercice de style, un "à la manière de", de ces polars noirs des années 70-80 : une prose sèche, factuelle, sans plus d'état d'âme que les tireurs. 
Un bel hommage au style de l'époque et une savoureuse gourmandise pour les amateurs du genre.

Le héros de Laurent Graff a un avantage sur nous : il sait "comment" il va mourir. De la balle d'un sniper. Mais il ne sait pas "quand", alors il attend et dans cette attente, chaque nouveau jour est une belle journée pour mourir
La première partie du récit, l'attente de la balle fatidique, a tout du conte philosophique.
Mais ce bouquin est une construction astucieuse et l'heure et les pages tournent, le bouquin n'est guère épais, il est temps de passer aux explications. Ou presque. 
D'ailleurs ce conte philosophique ne serait-il pas plutôt un polar ? On y parle tout de même de mort, d'enquête, de flic ... Un récit à énigme oui, un roman noir assurément. Très cérébral.

Au rayon   histoires vraies :


❤️ Ravage : L'histoire incroyable mais 100% vraie de la traque du "trappeur fou de la Rat River" dans le grand nord Canadien, en 1932. Quand la furie des hommes défiait celle de la nature. 
Si ce Ravage est un peu méconnu, il faut le réhabiliter rapidement : c'est peut-être bien le meilleur Manook à ce jour, vraiment. Peut-être parce que l'auteur met en scène une histoire vraie : la traque en 1932 du trappeur fou de la Rat River par la Gendarmerie Royale Canadienne. 
Une immense chasse à l'homme qui mobilisa des dizaines de trappeurs et de policiers, des centaines de chiens, des dizaines de traîneaux et même un avion pendant presque deux mois de traque ! Tout ça pour un gars dont on ne connaîtra même pas le vrai nom. Il en faut moins pour éveiller notre insatiable curiosité !

Avec Il était une fois dans les Amériques, David Grann (qui est un peu le 'pape' de la non-fiction) nous emporte au Guatemala, à Cuba et en Amazonie pour trois récits un peu fous, aussi véridiques qu'étonnants. Ces trois histoires fallait les dénicher, certes, mais encore fallait-il savoir les raconter, et c'est là tout le génie de cet auteur. 
Pour savoir à quel point la réalité dépasse souvent la fiction, il faut lire David Grann ! 
Ces trois récits incroyables mais vrais racontent trois histoires de têtes brûlées, trois destinées hors du commun, qui flirtent parfois avec l'imposture ou la mystification. Trois fins tragiques également.
Le recueil comprend deux "novellas" (de grosses nouvelles) et le roman de La Cité perdue de Z, réédité ici pour l'occasion.

Lyon, 1930 : le double meurtre d'Ecully défraie la chronique de l'époque. 
Un crime dans la peau raconte l'histoire vraie des deux meurtriers dont l'un était curieusement tatoué : ses mémoires seront reliés avec le cuir de sa peau tatouée par le docteur Lacassagne, médecin des prisons ... 
On apprécie le travail de fouille, de recherche et d'investigation mené par Lionel Destremau. Pour faire revivre cette époque, il réussit à tisser un roman au souffle puissant, porté par le funeste destin de ces deux affreux jojos.
En 2014, les confessions de Louis Rambert, reliées "pleine peau" si je peux dire, vont refaire surface à l'Hôtel Drouot lors de la vente aux enchères d'une collection privée. 

La guerre de l'eau a-t-elle déjà eu lieu ? Avec Les routes de la soif, Cédric Gras nous invite à un périple intéressant, des étendues arides de la Mer d'Aral jusqu'aux glaciers du Pamir, sources de l'Amou-Daria, un fleuve chargé d'histoire.
La chanson est hélas bien connue et Cédric Gras évoque le fleuve surexploité, la mer disparue, la guerre de l'eau qui oppose les pays riverains, mais cet écrivain-voyageur, sait aussi nous faire partager ses rencontres et sa passion pour la géopolitique.
Même si l'on connait déjà la fin de l'histoire, son récit est captivant et passionnant.

❤️ Après 'Gommora', Roberto Saviano nous offre un roman puissant pour comprendre l'homme au-delà de la figure légendaire du juge Giovanni Falcone. Un douloureux portrait de l'Italie car "malheureux est le pays qui a besoin de héros".
Engagé dans la lutte anti-mafia, déterminé à juguler le trafic de drogue, le juge Falcone a été assassiné en mai 1992 près de Palerme. Saviano nous raconte tout cela.
Mais ce qui intéresse l'auteur, c'est plutôt la personnalité de Giovanni Falcone. Un homme que l'on va côtoyer pendant des centaines de pages, que l'on va apprendre à connaître, jusque dans son intimité. Il fallait bien ce portrait soigné pour aller au-delà de l'icone médiatique que nous avons tous en tête. Un homme auquel on va s'attacher au fil des pages, un homme complexe que l'on va apprendre à connaître jusque dans sa vie privée. Un livre très prenant qui vous poursuit longtemps après.

Au rayon  "anticipation" :


Une histoire "coup de poing" de Michael Mention : une pandémie ravage la planète (tiens donc). Un virus transforme les contaminés en zombies cannibales. Qu'un sang impur est un scénario horrifique mais ce n'est qu'un prétexte pour confiner les habitants dans leurs maisons.
Dehors, le chaos post-apocalyptique.
Dedans, une étude de mœurs sans concession dans un immeuble confiné.
Quels vont être les comportements de ces quelques habitants cloîtrés dans la promiscuité, tandis que le plus grand chaos règne dehors ?
Des habitants qui vont être confrontés à des choix dramatiques, des actes terribles et donc des conséquences sinistres. L'auteur n'hésite pas, ne recule devant rien et malmène violemment ses personnages et son lecteur. Z'êtes prévenus.

Au rayon  BD :

Cette année, la récolte de bandes dessinées fut abondante et goûteuse, un grand cru.

Avec du "politique" ou du social, façon documentaire :

Retour sur l'une des affaires les plus mystérieuses des années 60. 
Une enquête passionnante, un véritable thriller et un devoir de mémoire indispensable.
La disparition du marocain Ben Barka a eu lieu le 29 octobre 1965 et cette affaire n'a jamais été clairement résolue.
Suivez l'enquête sur le déroulement des faits et les hypothèses (soigneusement recoupées par les auteurs) sur la disparition de l'homme politique opposant au nouveau régime marocain : barbouzes de tous poils, diplomates et politiques, voyous et anciens collabos, flics et agents du Sdece, ... tous ont travaillé main dans la main avec le cabinet noir des services secrets marocains menés par le général Mohamed Oufkir.

Cet album dresse un véritable panorama des coulisses du pouvoir, après-guerre. 
On y révise l'Histoire d'une France gaulliste pas toujours très reluisante, celle des années 50 et 60.
Le fil rouge est l'histoire des "cartes perforées" qui fichaient les citoyens durant la guerre : les juifs, les communistes et toutes autres sortes d'indésirables. Ce fichier fut l'ancêtre de notre numéro Insee ...
Le dessin reste très simple pour laisser toute la place au récit politique.
La France de l'ombre fait écho à un autre album "historique", celui de Davodeau et Collombat qui évoquait ce Cher pays de notre enfance.  (aux éditions les Arènes)

Du Donbass au Sahel, deux journalistes de Jeune Afrique, nous livrent un reportage en images sur la fameuse milice Wagner : l'histoire secrète des mercenaires de Poutine.
Cette bande dessinée est une façon bien commode d'améliorer sa compréhension du sujet : l'ascension du groupe Wagner, les exactions commises, les enjeux financiers, la géopolitique africaine, ... Le récit est très documenté : c'est un gros travail de plusieurs années qui nous est résumé dans ces planches.
En bons journalistes, les auteurs ne se contentent pas du leader médiatique Prigogine et nous avons droit à tous les principaux acteurs du groupe Wagner et quelques personnages de fiction pour fluidifier le récit. On retrouve même quelques figures de la diplomatie française ... qui ne sort pas vraiment grandie de ce tableau. (aux éditions les Arènes)

Premier épisode d'une reconstitution minutieuse (et nostalgique) du travail des gardes du corps qui se vouèrent corps et âmes au Général de Gaulle : un point de vue inédit sur la politique des années 50-60 et les débuts de la Ve République. Les quatre mousquetaires, ce sont Les gorilles du Général De Gaulle recrutés après guerre pour l'accompagner dans ses déplacements et le protéger quoi qu'il arrive. Bien sûr les questions politiques seront au cœur du récit mais ce qui intéresse les auteurs ici ce sont ces fameux gorilles dévoués à leur Général au point d'y sacrifier famille et amis. C'est ce qui rend ce récit humain, captivant, passionnant. 
Chez Casterman.

Et puis du polar, bien sûr :

Plus réjouissant, voici une adaptation vraiment très réussie du roman de Pierre Lemaitre : Le serpent majuscule (chez Rue de Sèvres). On croirait le récit écrit pour la BD avec l'histoire immorale de cette tueuse en série, une mémé qui serait un peu une Carmen Cru lourdement armée !
Pour ne rien gâcher, les dessins de Dominique Monféry sont très beaux.
Ce n'est pas une simple réinterprétation marketing de Lemaitre, c'est véritablement un bel album, un polar noir (et jaune), une version "3ème âge" de la série Le Tueur de Matz et Jacamon.

Et si l'Islande devenait bientôt notre dernier refuge ? 
Islander (chez Glénat) n'est que le premier épisode d'une trilogie dystopique qui nous emporte avec d'autres réfugiés climatiques jusqu'en Islande.
Europe dévastée, affamée, que fuient les migrants en quête de terres plus accueillantes : une inversion des rôles plutôt bien vue mais qui nous fait grimacer et nous oblige à ouvrir les yeux sur une réalité qui, même si aujourd'hui n'est pas "la nôtre", pourrait bien le devenir (morale de cette histoire : on est toujours le migrant de quelqu'un). 
Avec les dessins magnifiques de Corentin Rouge et un scénario post-apocalyptique signé Caryl Férey : discussions houleuses au parlement, contexte sociopolitique à la base même de l'intrigue, liens complexes entre les personnages, histoires de famille au sombre passé, ...

❤️ De très beaux dessins et une colorisation grandiose : ce sont les images qui racontent l'histoire de Calle Malaga, écrite par Mark Eacersall et dessinée par James Blondel (chez Grand Angle).
Un court récit, comme une nouvelle, l'histoire d'un homme taiseux et solitaire qui erre comme un fantôme dans les rues d'une ville déserte, hors-saison.
Un personnage ou deux, le décor de la ville déserte, deux ou trois péripéties à peine suggérées, des souvenirs presque, et la chute. C'est remarquable d'autant que ce ne sont pas les bulles et les dialogues qui viennent envahir ces très belles planches. Mark Eacersall le dit lui-même : c'est « une narration silencieuse, où ce sont les images qui parlent ».
Un des plus "beaux" albums de cette année, où scénario et dessin se complètent admirablement.

Les auteurs ont décidé de commémorer le discours de Martin Luther King et les événements d'août 1963 à leur façon, avec un polar sombre et poisseux où se déploie toute la noirceur humaine. Black Gospel (chez Hachette Robinson) est un "polar historique" peu commun mais franchement réussi.
Si l'intrigue est celle d'un polar on ne peut plus classique, c'est également un album nourri d'une belle documentation et L.F. Bollée nous apprendra plein de choses sur ces personnages et événements réels, du Ghana aux US, d'autant que les auteurs ont choisi une structure en flash-back empruntée aux romans. 
Côté dessins, le noir & blanc est décidément très à la mode et celui de Boris Beuzelin, très contrasté, très noir (sans mauvais jeu de mots), exsude toute la sombre et poisseuse violence qui convenait à ce récit. 

Et enfin de beaux albums à découvrir pour leurs magnifiques dessins :

❤️ En 2010, Emmanuel Lepage embarquait pour un magnifique voyage vers les Terres Australes. Douze ans plus tard, il remet ça mais cette fois pour un plus long séjour sur place, sur l'île de Kerguelen. Deux voyages, deux albums.
Voyage aux îles de la Désolation en 2011 et Danser avec le vent en 2025 (tous deux chez Futuropolis).
Lepage s'en donne à cœur joie une fois embarqué à bord du Marion Dufresne (le bateau ravitailleur des TAAF, les Terres Australes et Antarctiques Françaises). 
Son 'journal de bord' est au choix : une aventure, un voyage, un poème, un livre d'images, une expérience, ... 
Un reportage en très belles images dans ces mers et îles polaires, le mode de vie de ces marins, militaires et scientifiques, le travail titanesque du bateau ravitailleur qui fait périodiquement la liaison entre La Réunion et ces îles perdues.
Des dessins crayonnés de portraits comme de larges aquarelles de paysage : avec ses crayons comme avec ses pinceaux, Lepage n'est pas un manchot (ah, ah !) et ses dessins sont de toute beauté. 
C'est une merveille graphique bien sûr, mais une aventure humaine également. Lepage a une haute conscience de son travail de dessinateur, de portraitiste, de photographe de papier et son texte est bien à la hauteur de ses images.

Fable écolo sur fond de surexploitation de la forêt amazonienne. 
Matz est un auteur que l'on connaît bien et que l'on apprécie beaucoup (la série Le tueur, c'est lui). Entre deux polars, il s'est autorisé une petite parenthèse écolo avec Frédéric Bézian pour nous emmener à la chasse aux papillons en Amazonie : Les papillons ne meurent pas de vieillesse (chez Casterman).
Un roman d'aventures, un thriller éco-politique qui met en scène les enjeux complexes de la région. 
Le dessin de Frédéric Bézian est une réussite avec un beau dégradé de gris que viennent illuminer de temps à autre seulement les parures colorées des papillons.

Le très beau noir & blanc de Chabouté nous invite au voyage, plus loin qu'ailleurs (chez Vent d'Ouest).
Une invitation à porter notre regard non pas au loin mais bien sur le monde qui nous entoure ici et maintenant. 
Des héros plutôt ordinaires, une mise en page dynamique et des récits de peu de mots. 
Les dessins de Chabouté sont passionnants et laissent entrevoir de nouveaux détails à chaque lecture. Les pages ne sont pas envahies de bulles verbeuses ou explicatives et c'est avec l'enchaînement des cadrages, leur répétition, que le lecteur devine ce qui se trame. Il y a là ce ton paisible des histoires tranquilles et ordinaires. Une astucieuse histoire qui se conclut de jolie façon.

Les superbes aquarelles de Krassinsky nous invitent à un beau voyage initiatique en pleine nuit arctique. Un régal pour les yeux et les esprits des vents et des glaces.
Cette BD est l'adaptation d'un roman de Bérengère Cournut paru en 2019 : De pierre et d'os, une fable initiatique qui suit le parcours d'une jeune inuite au pays des glaces (chez Dupuis).
L'album est précédé de la réputation du roman bien sûr, mais ce sont surtout les superbes aquarelles de Krassinsky qui vont appâter l'amateur de BD. De véritables peintures qui se déploient sur de grandes pages (au format presque carré) avec des tableaux tantôt grandioses, tantôt intimes. Ces magnifiques dessins comptent pour beaucoup dans le charme envoûtant de cette aventure écrite au féminin.

Les dessins de Tula Lotay valent le baptême de l'air et cette course poursuite en plein ciel sur les traces d'un couple de Barnstormers qui seraient un peu les Bonnie and Clyde du ciel.
Le "barnstorming" c'était le cirque volant que pratiquaient dans les années 20, les pilotes US démobilisés de la première guerre mondiale, les fous volants : cascades et prouesses étaient exécutées en plein ciel pour épater les fermiers du monde rampant.
On est vraiment emballé par le dessin de miss Lotay aux influences multiples : comics, roman photo, affiches de spectacle ou de cinéma, ... Et le côté glamour qui sied à cette histoire tragique mais terriblement romantique, est rehaussé par une colorisation qui rappelle les effets obtenus à l'aérographe.
Chez Delcourt.

À 20 ans Arthur Rimbaud arrête définitivement la poésie et s'en va se perdre sur les chemins d'Afrique. Joël Alessandra part sur ses traces pour nous livrer Je est un autre, le carnet de route que le poète maudit n'a jamais dessiné.  (chez Daniel Maghen)
On tient là un bel et gros objet (parfait cadeau pour un amateur), 160 pages de papier épais où se déploient des aquarelles à couper le souffle : de véritables peintures façon roman graphique ce qui laisse place à de belles planches et même des doubles-planches. 
Une très belle invitation à la poésie du voyage et des rencontres que l'on reviendra feuilleter souvent comme un album photos, celles d'un voyage que l'on vient de faire en compagnie de Joël et du fantôme d'Ato Rimbo.