[...] La scène, qui est à Florence, en 1557.
L'auteur, le livre (304 pages, 2023) :
Laurent Binet est un "lettré" au sens noble du terme, déjà récompensé de plusieurs prix. Il nous invite ici à voyager dans la Florence des arts du XVI° avec Perspective(s), un bouquin annoncé comme un polar historique et épistolaire ... mais qui pourrait tout aussi bien n'être qu'une bête à prix qu'on court habilement calibrée, alors qu'en est-il ?
Le contexte :
Italie 1557. Sous le Pape Paul IV, c'est [le retour de l’Inquisition romaine], un fanatisme [pour qui toute représentation du corps humain est une offense faite à Dieu] ... alors que la chapelle Sixtine vient d'être ornée par Michel Ange.
Botticelli apportera lui-même ses peintures de nus sur le bûcher des vanités érigé par le prédicateur Savonarole. Et [qui sait jusqu’où ira le Concile de Trente dans le fanatisme borné ?]
Mais si Florence a donné naissance à de nombreux génies, c'est aussi un joyau convoité par les couronnes de France et d'Espagne, et c'est aussi la patrie de Machiavel et des intrigants Médicis : un décor idéal pour un crime perpétré sur fond d'intégrisme religieux, de jalousies artistiques et de conflits géopolitiques dans une ville qui est la proie [des sodomites et des sorcières et des juifs et même des luthériens].
On aimera ou pas :
❤️ On aimera cette idée de départ pour le moins originale : sur fond d'Histoire vraie, Laurent Binet brode un polar sous forme d'échanges de lettres et de courriers entre les protagonistes de l'époque (peintres et apprentis, princes et ducs, nonnes et papes ...).
❤️ On aimera (re-)découvrir ce pan méconnu de l'histoire de l'art (et de l'Histoire tout court) : l'Italie du XVI°. L'environnement religieux et politique dans lequel se déploient ces artistes est particulièrement bien rendu et, satisfait, on referme le livre en se croyant plus intelligent.
❤️ On aimera le petit lexique des protagonistes que nous offre l'auteur en début de livre, même s'il nous faudra tout de même quelques wiki-clics pour découvrir qui était le luxurieux Aretin, comprendre la révolte des Ciompi (en 1378) ou encore se remémorer les prêches du moine Savonarole : mais précisément, c'est bien pour cela qu'on a ouvert ce bouquin, pour grimper quelques échelons de plus sur la grande échelle de la Kulture.
❤️ On aimera le petit lexique des protagonistes que nous offre l'auteur en début de livre, même s'il nous faudra tout de même quelques wiki-clics pour découvrir qui était le luxurieux Aretin, comprendre la révolte des Ciompi (en 1378) ou encore se remémorer les prêches du moine Savonarole : mais précisément, c'est bien pour cela qu'on a ouvert ce bouquin, pour grimper quelques échelons de plus sur la grande échelle de la Kulture.
Fort heureusement la lecture reste fluide et Laurent Binet a la bonté d'être suffisamment explicatif dans ses "lettres" pour nous aider à situer et resituer la plupart des personnages au fil des courts chapitres.
▼ Hélas comme on pouvait le craindre, l'exercice de style d'un auteur érudit fera long feu, la prose faussement ancienne finira par lasser le lecteur, l'intrigue piétinera trop longtemps et les personnages historiques resteront à distance, posant pour le peintre académique dans leurs costumes officiels ...
Déception pour ce livre sans doute trop attendu.
L'intrigue :
[...] Laissons le rideau s’ouvrir sur la scène, qui est à Florence, en 1557.
Comme dans tout bon polar, même si celui-ci est construit sur une correspondance épistolaire, tout commence par la découverte d'un corps : celui de Jacopo Pontormo poignardé au pied des fresques qu'il était en train de peindre dans la chapelle San Lorenzo de Florence, rivalisant avec les chefs d'œuvre romains de Michel Ange.
[...] Je le sus au premier regard : Florence avait désormais sa Sixtine.
Dans le même temps, un tableau du même Pontormo disparait : il représentait une scène religieuse un peu trop licencieuse peinte avec le visage de la fille des Médicis ...
Et ce n'est que le début des péripéties de cette intrigue mouvementée ...
[...] Tu m’as ramené ma fille, tu as retrouvé le tableau qui était une offense sans seconde faite à ma famille, tu as trouvé le voleur, tu as mis au jour plusieurs complots contre le duché de Toscane, arraisonné les bonnes sœurs savonarolistes, étouffé une sédition de nouveaux Ciompi, et même occis un assassin envoyé par mes ennemis.
Pour la petite histoire, les fameuses fresques du Pontormo dont il est question ici seront perdues deux cents ans plus tard vers 1740 lors d'une réfection de la basilique. Il n'en reste que quelques croquis (dont certains dans les collections du Louvre).
[...] J’ai passé onze ans de ma vie à décorer son église. Lui n’en mettra pas deux avant de tout démolir, j’en jurerais, ou si ce n’est lui, ses descendants s’en chargeront.
Pour celles et ceux qui aiment l'histoire de l'art.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce à Netgalley et aux éditions Grasset (SP).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire