[...] Car c’est ce que font les mères.
Un roman noir fataliste au cœur d'une Croatie meurtrie : restons fidèle aux histoires tristes du croate Jurica Pavičić qui poursuit sa description désabusée d'un pays toujours tourmenté par les souvenirs de l'époque socialiste et les traumatismes d'une guerre encore récente.
L'auteur, le livre (395 pages, septembre 2024, 2022 en VO) :
Rentrée littéraire 2024.Le croate Jurica Pavičić est né sur la côte Dalmate, à Split en 1965, dans l'une des fédérations de ce qui s'appelait à l'époque la République fédérative socialiste de Yougoslavie avant de devenir la République de Croatie en 1991 lors de l'explosion des Balkans.
Mater Dolorosa est déjà son quatrième roman paru en français et les trois précédents, on s'en souvient, furent de sacrées bonnes lectures.
♥ On aime :
• On apprécie toujours autant ce conteur désabusé d'histoires tristes, rythmées par les vents des Balkans, le jugo et la bora. Ses bouquins valent vraiment le détour et ses textes elliptiques, tout en non-dits lourds de sens et d'histoire, marquent fortement le lecteur avec la peinture fataliste d'un pays aux couleurs des vestiges d'un socialisme passé et des traumatismes d'une guerre plus récente.
Entre la maladie de l'amiante, la pollution des usines désaffectées ou les tragédies récentes comme l'opération Oluja (1995), Split est une ville qui "craque sous le poids de son propre désordre".
[...] Split – cette ville dure et exigeante, chaque jour plus rude et plus laide. Une ville, comprend-elle, qu’elle n’aime pas autant qu’elle l’imaginait.
• La noirceur un peu désespérée du propos est balancée par l'humanité des personnages et la profonde empathie de l'auteur pour ses créatures.
Le récit très factuel est bâti de petites phrases courtes et sèches qui laissent entendre de lourds silences entre les acteurs.
• Trois récits vont s'entrecroiser au fil des chapitres : la mère Katja, la fille Ines et le flic Zvone, vont traverser ces événements jusqu'à une fin peu commune pour un roman noir mais bien dans le ton désabusé qui est celui de Jurica Pavičić.
[...] — Je ne sais pas de quoi vous parlez.
— Ah non ?
— Je n’ai rien à vous dire. Vous pouvez vous en aller maintenant.
— Je peux m’en aller ?
— C’est ça.
— Je vais vous dire. Moi je peux m’en aller. Mais… tout ça, ça ne va pas s’en aller comme ça. Vous le savez. À la fin, tout ça va ressortir.
Le canevas :
Il y a là Katja, la mère, dévastée par l'accident qui a transformé sa vie et qui se réfugie à l'église sans trop y croire, Mario, le fils, qui ne lâche guère les manettes de sa console de jeux, et puis Ines, la fille, qui tente de s'en sortir en bossant dans l'hôtel dont le patron est aussi son amant.
Entre eux trois, règne le silence le plus épais, celui des familles où l'on ne parle pas.
Entre eux trois, règne le silence le plus épais, celui des familles où l'on ne parle pas.
[...] Elle cherche un moyen d’entamer cette discussion. Mais elle n’ose pas. Car cela pourrait les conduire à un endroit où elle ne veut pas aller.Mais un séisme va secouer la famille Runjić quand une jeune fille de très bonne famille est retrouvée assassinée dans la vieille usine désaffectée après une soirée alcoolisée dans une boîte à danser.
[...] Elle a besoin de paix. L’église lui fait du bien, comme une boîte de silence. Elle est assise et contemple un autel sur le côté, le plus proche d’elle. Sur cet autel, il y a Notre- Dame des Sept Douleurs. [...] Mater Dolorosa. Mère de toutes les mères, une mère qui souffre comme chacune des femmes ici, comme moi, pense souvent Katja.
Alors il y a là Zvone, le flic, qui, tout comme le lecteur, devine bien vite qui suspecter au vu des indices laissés sur les lieux du crime.
Et il y a là encore deux autres flics, Krivić et Tomaš, qui vont préférer suivre la piste d'un violeur récidiviste que tout le monde verrait bien retourner en prison.
Et il y a là encore deux autres flics, Krivić et Tomaš, qui vont préférer suivre la piste d'un violeur récidiviste que tout le monde verrait bien retourner en prison.
[...] Si la police fait fausse route, cela repousse d’autant la confrontation. Chaque jour nouveau est un jour gagné avant que leur vie ne soit emportée par un cataclysme. Mais il est tout le temps clair aux yeux d’Ines que cette histoire ne peut pas bien se terminer.
Pour celles et ceux qui aiment les mères.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Agullo (SP).
Ma chronique dans la revue Actualitté.
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