samedi 21 novembre 2009

Vents de carême (Leonardo Padura)

Cuba libre !

C'est un vent étrange qui souffle entre les pages du polar cubain de Leonardo Padura.
Un vent de tristesse désabusée, de nonchalance amère.
Un vent chaud de poussière et de sable qui balaye les rues de La Havane en ce mois de mars 1989 : les Vents de carême.
Une jeune prof du lycée vient d'être assassinée, on a retrouvé de la marijuana chez elle et à Cuba on ne plaisante pas avec ces choses-là.
L'inspecteur de Padura, Mario Conde (le Comte) et son adjoint Manolo écopent de cette enquête qui s'annonce difficile et périlleuse : qui couchait avec la prof ? qui sont les gros bonnets mouillés dans cette affaire ?

[...] - Cette affaire est très bizarre, Manolo, ils mentent tous, je ne sais pas si c'est pour protéger quelqu'un ou pour se protéger eux-mêmes, ou parce qu'ils se sont habitués à mentir et que ça leur plaît.
Mario préfèrerait se saouler tranquillement au rhum avec son copain Le Flaco (le maigre), cloué dans une chaise roulante après une mauvaise balle reçue en Angola.
[...] On sentait de nouveau la présence accablante du vent torride qui ne se décidait pas à laisser en paix les dernières fleurs du printemps ni la mélancolie persistante de Mario Conde.

En chemin, Mario croise la trop belle Karina qui veut bien jouer du jazz pour lui, uniquement vêtue de son saxo.
Et c'est beaucoup, un peu trop, pour Mario, le flic qui aurait voulu devenir écrivain.

[...] - Tu es un type bizarre. Tu est triste comme la pluie et ça me plaît. J'ai l'impression que tu passes ton temps à demander pardon d'être vivant. Je ne comprends pas comment tu peux être policier.

D'habitude on aime bien les flics désabusés aux prises avec une ville qui les dévore mais la déprime un brin machiste de Mario Conde n'a pas réussi à nous accrocher cette fois-ci.
Sans doute est-ce dû à la prose un peu verbeuse et trop sérieuse de Leonardo Padura, comme ici par exemple :

[...] Depuis deux siècles, La Havane est une ville vivante, qui impose ses propres lois et choisit soigneusement ses fards pour marquer sa singularité. Pourquoi suis-je issu de cette ville, précisément de cette ville, disproportionnée et orgueilleuse ? J'essaie de comprendre ce destin inévitable, non choisi, en m'efforçant de comprendre la ville, mais La Havane m'échappe et m'étonne toujours avec ses recoins oubliés comme des photos en noir et blanc, et ma compréhension est à l'image du vieux blason de ces nobles enrichis par la mangue, l'ananas et la canne à sucre : rongée par le temps. Après tant de dévouements et de rejets, ma relation avec la ville est oblitérée par les clairs-obscurs que mes yeux y peignent, ainsi la jolie fille se transforme en prostituée féroce, l'homme furieux en assassin potentiel, le jeune homme pétulant en drogué incurable, le vieux du coin en voleur à la retraite. Tout noircit avec le temps, comme la ville où je marche entre les arcades sales, les murs écaillés etc... etc...

Même si Cuba n'est pas réputée pour sa joie de vivre sous la coupe des frères Castro, on aurait aimé un guide plus avenant pour nous promener dans les rues de La Havane où l'on n'a guère l'occasion de voyager, même en classe polar.
La suite des aventures du Condé, demain avec Électre à La Havane


Pour celles et ceux qui aiment le rhum, les cigares et le jazz.
Points édite ces 255 pages qui datent de 1192 en VO (parues en 2001) et qui sont traduites de l'espagnol par François Gaudry.
Kathel et Jean-Marc l'ont lu. D'autres avis sur Critiques Libres.

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