mardi 27 mai 2014

On ne joue pas avec la mort (Emily St. John Mandel)

Immigration clandestine.

On avait eu un coup de cœur pour le premier roman de la canadienne Emily St-John Mandel, et on avait été franchement ravis de passer en sa compagnie Une dernière nuit à Montréal.
On attendait avec impatience son deuxième opus : On ne joue pas avec la mort.
Où l'on retrouve avec plaisir sa belle écriture, fluide et élégante.
De même que son sens inclassable de la construction avec lequel elle bâtit des romans étranges et un peu inquiétants, un peu polars mais pas vraiment, un peu romans psychologiques mais pas trop, un peu romans à suspense mais pas que, ... bref, des ambiances qui n'appartiennent qu'à elle (et à ses lecteurs).
Après la jeune femme en fuite jusqu'à Montréal, voici l'histoire d'Anton, un jeune homme perdu quelque part dans les limbes, comme en suspension dans notre monde : un employé de bureau relégué dans un placard (mais un vrai placard) à ne rien faire,  un jeune épousé qui s'y est repris à trois fois (pour se marier) et qui largue sa toute nouvelle femme en plein voyage de noces, ...

[…] Ça ressemble plutôt à un gène de fuite.

On débute le bouquin en le croyant même laissé pour mort quelque part dans une île italienne.
D'où vient cette enquêtrice à ses trousses : FBI, CIA ? Comme nous, elle voudrait comprendre.
L'intrigue au ton décalé d'Emily St-John Mandel est soigneusement construite qui nous fait remonter le passé sur les traces d'Anton.
Faut dire que notre gars traîne une lourde hérédité : visiblement papa et maman traficotent à qui mieux mieux dans le recyclage d'objets d'art 'empruntés' et il a une sorte de presque-demi-sœur qui donne dans les faux passeports pour immigrés.

[…] Je travaille dans une division de soutien logistique. Je fais de la recherche, je rédige des rapports pour les équipes de vente, j’aide à préparer les présentations, ce genre de choses.
– Et qu’est-ce qui te qualifie pour cette activité ?
– La même chose qui me qualifiait pour vendre des cartes de sécurité sociale à des étrangers en situation irrégulière. Un certain vernis de confiance en soi, allié à une témérité sans bornes.
[…] Rien, dans son regard serein, ne donnait à penser qu’il avait vendu à sa secrétaire un numéro de sécurité sociale et un faux passeport, ni que le diplôme accroché au mur de son bureau était un faux, ni qu’il venait d’une famille qui vendait des marchandises volées et importait clandestinement des filles d’Europe de l’Est dans des conteneurs maritimes.
[…] Tu as eu en tout et pour tout deux jobs dans ta vie : vendre des marchandises volées dans le magasin de tes parents et vendre des documents falsifiés à des étrangers en situation irrégulière.

Même si le ton est un petit peu plus ‘polar’ que la précédente balade à Montréal, l'auteure excelle à nous maintenir entre deux eaux, en partance pour là-bas, pas tout à fait installé ici ... Voyage et mélancolie sont toujours au rendez-vous de quelques scènes à la limite du surréalisme.
Et même si l'image d'ensemble n'est pas sur le couvercle de la boîte, les différentes pièces du puzzle finiront par s'assembler. Ou presque, faut bien laisser un peu d'ouverture sur la fin !
Difficile à raconter ou résumer : chez Emily St-John Mandel, tout est question d'ambiance et de charme ... De personnages aussi : premiers plans et seconds rôles sont tous aussi passionnants.
Cette auteure confirme qu'elle tient l'une des plumes les plus sûres de la littérature très contemporaine, même si, au final, on aura quand même été plus envoûtés par le charme du précédent roman que par celui-ci.


Pour celles et ceux qui aiment les personnages flottants.
D'autres avis sur Babelio. Jean-Marc en parle. Daniel Marois est plus sévère.


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