jeudi 8 mai 2014

L’île des chasseurs d’oiseaux (Peter May)

http://www.babelio.com/livres/May-LIle-des-chasseurs-doiseaux/229435

Polar en l'île (3/3).

On avait fréquenté Peter May il y a quelques années dans une série chinoise (Meurtres à Pékin, ...) qui nous avait franchement déçus : intrigue policière banale, romance insipide, folklore chinois bourré de clichés, bref circulez, y'a rien à lire.
Autant dire qu'il aura fallu plusieurs bonnes critiques de confiance pour nous donner envie de renouer le contact avec cet auteur et de prendre avec lui le bateau pour L'île des chasseurs d'oiseaux.
Une série écossaise cette fois : Peter May est visiblement plus à l'aise sur ses propres terres qu'en touriste dans l'Empire du Milieu.
Et puis après Belz et  Stroma, cela nous fournit une belle occasion de rouvrir notre mini-série polars en l’île.
L'inspecteur Fin MacLeod est appelé sur l'île de Lewis (archipel des Hébrides) dès qu'un meurtre y a été commis qui rappelle fortement une récente affaire sur laquelle il a travaillé à Edimbourg : encore un cadavre retrouvé pendu et éviscéré.
Mais Fin (pour Fionnlagh) est un enfant de l'île Lewis qu'il a quitté il y a bientôt vingt ans dans des circonstances un peu mystérieuses.
Son retour sur cette île inhospitalière habitée par des taiseux, va donc faire resurgir des bribes du passé : des souvenirs d'enfance, des rivalités oubliées, des blessures cachées et des drames tus pendant beaucoup trop longtemps, ...

[…] « Ça, c’est marrant. Tu te retrouves ici pour enquêter sur le meurtre du type qui nous a cassé la gueule à tous quand on était mômes. »

On entre un peu à reculons dans ce bouquin avec une enquête policière qui piétine sur place et des souvenirs d'enfance qui prennent beaucoup de pages : on se demande bien ce que viennent faire ces chapitres d'il y a vingt ans, un peu longs, à part nous décrire la vie pittoresque et difficile de cet île qui ressemble beaucoup à la récente Stroma [clic] avec une église toujours aussi présente , rigoriste et étouffante.

[…] Rien à faire, ou pas grand-chose. Le poids de la religion, une économie en déroute, un chômage élevé. Un alcoolisme très répandu et un taux de suicides bien au-delà de la moyenne nationale. La perspective de quitter l’île était aussi séduisante qu’elle l’était dix-huit ans plus tôt.

Et puis à peu, le garçon Fin grandit. Vient l'adolescence et avec elle des moments plus forts, des amours gâchées, l'innocence perdue, et des drames bientôt, ...
Comme l'auteur et son enquêteur, on délaisse finalement l'enquête policière du présent et on s'intéresse de plus en plus au passé.
Car à force de brasser d’anciennes histoires, on sent bien qu’on s’approche lentement mais sûrement d'une clé perdue là-bas, quelque part dans les brumes du passé : ce qui est arrivé ce jour-là sur le rocher An Sgeir ...

[…] « C’est pour ça en fait que tu n’es jamais revenu, hein ? » Dans un sens, Fin avait redouté ce moment. Mais il savait, en mettant les pieds sur l’île, qu’il ne pourrait éviter cette confrontation avec son passé.
« À cause de quoi ? dit-il avec innocence.
– De ce qui s’est passé cette année-là sur An Sgeir. » Fin n’arrivait pas à soutenir le regard d’Artair. Il secoua la tête. « Je ne sais pas », dit-il, et il le pensait. « Je ne sais vraiment pas.
– En tout cas, si c’était ça, ça n’en valait vraiment pas la peine.
– Si je n’avais pas été aussi négligent… » Fin se rendit compte qu’il était en train de se tordre les mains et les posa à plat sur la table devant lui.
« Ce qui s’est passé est passé. C’était un accident. C’est la faute de personne. Personne ne t’a blâmé, Fin. »

Ah oui, bien sûr vous avez lu le titre : c'est L'île des chasseurs d'oiseaux.
Chaque été donc, les habitants de Lewis ont coutume d'envoyer un équipage d'une douzaine de vaillants gaillards sur un rocher perdu en pleine mer à quelques heures de bateau. An Sgeir est un petit îlot, un rocher inhospitalier, battu par les flots et les vents.
Où des milliers de fous de Bassan viennent nicher.
Pendant quinze jours la petite expédition se livre à une terrible boucherie, une véritable curée : deux mille oiseaux (limités par un quota, ils les comptent minutieusement) deux mille petits sont tirés du nid, décapités, plumés, salés. Un vrai régal ensuite (paraît-il …) pour toute l'île pendant les longues soirées d'hiver(1).

[…] Dans quelques minutes, le massacre allait commencer et le fait de prendre ces vies occupait nos pensées. Il est difficile de démarrer la tuerie, mais tuer devient plus facile une fois que cela a commencé.

Une pratique barbare à condamner ? Un rite initiatique à décoder ? Une chasse pittoresque à observer ? Une coutume ancestrale à préserver ? Peter May nous laissera juges.
Mais cet été-là, le jeune Fin fut enrôlé parmi les nouveaux initiés : quelques jours après, il quittera l'île rapidement et fera carrière dans la police à Edimbourg. Que s'est-il donc passé cette année-là sur An Sgeir ? Qu’est-ce qui aura fait fuir le jeune Fionnlagh ? Est-ce finalement sur ce rocher que se trouve la clé du crime d'aujourd'hui ?

[…] « C’est une règle non écrite. Tout ce qui se passe sur le rocher reste sur le rocher. Ça a toujours été comme cela, et ça le restera. »
[…] « Eh, dis-moi, qu’est-ce qui s’est vraiment passé sur le rocher cette année-là ? »
[…] « Je n’ai jamais vu autant de personnes en dire aussi peu à propos de quelque chose d’aussi important. »

L'écriture de Peter May reste très classique et assez impersonnelle mais coule de façon fluide et même si l'accumulation des drames du passé sur le dos du pauvre Fin MacLeod donne quand même vraiment dans le too much, le détour par les Hébrides vaut le voyage en compagnie de cet inspecteur, excellent guide touristique (et patient enquêteur à ses moments perdus) : il y a d'autres épisodes à suivre et il se pourrait bien qu'on y retourne.

(1) -  Wiki [clic] nous certifie cette histoire vraie !


Pour celles et ceux qui aiment les oiseaux de mer, même grillés à la poêle.
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