Misery dans le Morvan.
Il y a des thrillers terrifiques avec un grand méchant serial-killer, des bouquins qui nous en font voir de toutes les couleurs (en fait, on est surtout blanc ou vert de peur), qui nous font frémir d'horreur et frissonner d'effroi, qui nous font laisser la petite lumière allumée la nuit.
Et puis il y a ce premier roman de Sandrine Collette : Des nœuds d'acier.
Ça commence avec un salopard qui sort de taule : Théo vient de purger près de deux ans de prison pour avoir transformé son frangin en légume. Un jaloux violent, notre Théo.
La prison fut un enfer évidemment, mais ce n'est rien à côté de ce qui l'attend.
[…] Au moment où j’aperçois la maison de loin, les premières gouttes de pluie s’écrasent sur mon front. Je finis en courant et j’arrive cinq bonnes minutes plus tard hors d’haleine, la poitrine en feu. La vieille m’attend avec une tasse de thé et des petits cakes qu’elle a faits elle-même. Je sens que je vais me plaire ici.
L'astuce consiste justement à envoyer l'affreux jojo chez pire que lui. Au point qu'au fil des pages, on le prend assez vite en pitié et qu'on aimerait l'aider à sortir de l'enfer qu'il subit.
Car c'est une véritable descente aux enfers : Théo se retrouve prisonnier dans la cave de deux vieillards de montagne, deux barjots insensés et insensibles, au point de le réduire en esclavage pur et simple.
L'idée est de montrer comment l'homme (et même un dur comme Théo) devient facilement une bête, renonce aisément à toute humanité pour mendier une croûte de pain, une carafe d'eau ou une couverture.
[…] Mes dix-neuf mois de prison, c’était de la rigolade à côté.
[…] J’ai arrêté de lutter contre ma propre déchéance. Et oublié la moindre idée de révolte.
[…] Je ne suis plus qu’un reste d’humanité. Une entité qui ne pense qu’à manger, boire et dormir, à éviter les coups, et à se relever le lendemain. Les vieux avaient raison. Je ne vaux pas beaucoup plus qu’un chien. Je ne suis même pas affectueux. Je suis de la race de ces bêtes galeuses qu’on attache au bout d’une chaîne et que personne ne veut plus caresser.
Avec justesse et réalisme, sans se laisser emporter par des scènes trop faciles, l'auteure réussit à nous emmener là où l'on n'a surtout pas envie de se retrouver. Son propos n'est pas de nous décrire des affreux sales et méchants (c'est souvent le cas dans les thrillers où le méchant doit faire peur) mais plutôt de nous montrer l'inexorable cheminement de la victime, lui-même un ancien dur.
Plusieurs petites astuces de scénario (qu'on ne vous dévoile pas évidemment) rendent ce récit terrible mais passionnant, affreux mais palpitant, horrible mais addictif. Bel exercice de style !
Sandrine Collette nous laisse même croire que cela pourrait être inspiré d'une histoire vraie : si en l'occurrence cette histoire-là est imaginaire (mais réaliste), on sait bien que malheureusement la vraie vie a déjà fourni bien d'autres illustrations.
[…] Même conscient de mes forces qui déclinent, je refuse d’admettre que cela pourrait m’arriver aussi. Pas aujourd’hui, pas au XXIe siècle, pas en France. Et pas à moi.
Bien sûr, on se passionne pour les affres vécues par Théo et son inéluctable déshumanisation mais, paradoxalement, on ne s'étonne guère de l'incroyable méchanceté de ses bourreaux : cela en dit long sur l'humanité de notre humanité !
Le roman est assez court (ouf ! heureusement !) et l'on tourne les pages à vive allure, impatient de voir enfin cesser les tourments de ce pauvre Théo qui en viendra vite à regretter l'enfer carcéral dont il venait de sortir.
Pour celles et ceux qui aiment la randonnée en montagne.
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