samedi 11 avril 2015

L’hypnotiseur (Lars Kepler)

Le flic avait raison, il a toujours raison.

Encore un polar suédois de la collection Actes Noirs ?  Ça suffit ! Assez !
Bon, ou alors juste un dernier hein.
Et puis celui-là il a quelque chose de mystérieux : derrière le pseudonyme de Lars Kepler se cache un couple, Alexandra Coelho Ahndoril et Alexander Ahndorilra.
L'hypnotiseur est leur premier roman écrit à quatre mains, leur premier polar mettant en scène l'inspecteur Joona Linna, un finlandais en poste à Stockholm. Un flic qui dit avoir toujours raison.

[...] — Je finirai bien par savoir ce qui s’est passé, dit Joona.
— Parfait, dit Jens, l’air satisfait. Parce que la seule chose qu’on m’ait dite quand j’ai repris le poste d’Anita Niedel, c’est que si Joona Linna dit qu’il va découvrir la vérité, eh bien c’est exactement ce qu’il fera.
[...] — Accordez-moi une seconde, l’interrompt Joona.
— Mais j’ai décidé de…
— Jens
— Oui.
— Nous avons des preuves matérielles, dit Joona d’une voix grave. Nous sommes en mesure de relier [x] à la première scène de crime et au sang du père.
Le procureur général respire profondément dans le téléphone puis dit calmement :
— Joona, vous téléphonez au dernier moment.
— Juste à temps.
— Oui.
Avant de raccrocher, Joona lance :
— Je ne vous ai pas dit que j’avais raison ?
— Pardon ?
— Est-ce que je n’avais pas raison ? Silence à l’autre bout du combiné.
Puis Jens articule lentement, en détachant chaque syllabe :
— Si, Joona, vous aviez raison.
Ils mettent fin à la conversation et le sourire disparaît du visage de l’inspecteur.

Ça démarre en plain hiver, tambour battant avec l'assassinat sauvage et frénétique d'une famille entière, père, mère et enfants poignardés à coups redoublés.
Seul miraculé, le fils ado qui a survécu.
Et une sœur aînée qui n'était pas là au moment du drame.
Le jeune garçon, gravement blessé, profondément traumatisé, est quasiment dans le coma.
C'est le seul témoin, la seule clé pour se lancer à la poursuite de l'assassin qui est sans aucun doute aux trousses de la jeune fille en fuite. On va donc faire appel à un psychiatre pour hypnotiser le garçon et tenter de revivre avec lui les circonstances exactes du drame et d'obtenir le signalement du meurtrier.
Mais les bribes de vérité que la séance d'hypnose laissera deviner seront pour le moins inattendues ...
Et bientôt, incroyable, ce sera le fils de l'hypnotiseur lui-même qui sera mystérieusement enlevé !
Après une mise en place un peu heurtée et qui manque de fluidité (il faut disposer les pièces du puzzle), le livre se recentre de manière plutôt originale pour un polar, sur la famille déchirée de l'hypnotiseur : un couple qui battait déjà de l'aile, le fils kidnappé, le psy qui se shoote aux médocs du matin au soir et du soir au matin, ... 

[...] Il se sent mal, comme si ses souvenirs lui brouillaient encore les idées. Il se frotte énergiquement le front, veut prendre un cachet, il a besoin d’un cachet, n’importe quoi, mais il sait qu’il doit garder toute sa lucidité. Il faut qu’il arrête, ce n’est plus possible, il ne peut plus se réfugier dans les cachets.

Ce couple écartelé va mener une double enquête : la mère est épaulée par son retraité de père (un ancien flic évidemment), le toubib bénéficie de l'aide bienveillante de l'inspecteur finlandais. Le bouquin trouve alors son rythme et à peine arrivé à mi-parcours, on a déjà droit à une scène paroxysmique qui pourrait être le final.
Mais ce n'est encore que le début ! On va avoir droit à une accumulation, un festival, une débauche de twists, rebondissements, fausses pistes et revirements. Toutes ces péripéties sont franchement rocambolesques et trop souvent capilotractées.
Le polar ne semble plus écrit à quatre mains mais à six, huit ou douze !
L'accumulation finit par lasser et même si l'on apprendra quelques bribes sur ces disciplines psy qui ne sont pas une science exacte (pour ceux qui en doutaient), on a bien du mal à s'attacher à ces personnages et à leur histoire, d'autant que l'écriture est bien fade et sans âme (la difficulté d'écrire à quatre mains peut-être ?).
On regrette aussi de ne pas avoir fait plus ample connaissance avec Joona Linna, le flic finlandais égaré en Suède, l'inspecteur qui a toujours raison.

[...] — L’homme ment, poursuit Joona. Il connaît Lydia. Il m’a dit qu’il n’avait jamais entendu parler d’elle, mais il mentait.
— Comment sais-tu qu’il mentait ?
— Ses yeux, ses yeux quand je lui ai posé la question. Je sais que j’ai raison.
— Je te crois, tu as toujours raison. Pas vrai ?
— Oui.

Finalement, la désormais trop célèbre collection Actes Noirs au liseré rouge confirme une fois de plus que quantité et qualité font rarement bon ménage et que, dans l'avalanche de polars tgv et bouquins de plage qu'elle nous dépile, il faut fouiller très patiemment pour dénicher quelques rares opus dignes d'intérêt [1] [2].

Et pas toujours scandinaves d'ailleurs !
On connait bien la qualité du polar nordique, elle est incontestable et on est des fans de la première heure, mais elle est publiée ailleurs [clic] que chez Actes Noirs.
Ce polar-ci n'est qu'un divertissement de plus, facile et sans profondeur, avec peut-être même moins d'intérêt que la série de Camilla Läckberg.
Un bouquin dont finalement, il ne nous restera que le souvenir de la belle photo de ce joli couple stockholmois. Encore de l'emballage marketing ?


Pour celles et ceux qui aiment les psys et les pokémons.
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