[...] Certains détails ne seraient peut-être pas rigoureusement exacts, mais tout serait vrai.
Exercice de style et paradoxe littéraire : c'est à quoi s'est livré le franco-américain Antoine Bello avec ce bouquin, Du rififi à Wall Street.Un pastiche de la série noire (le titre !) et un hommage aux grands de ce genre, des deux côtés de l'Atlantique, les Hammett, Chandler, Malet, Manchette et consorts.
[...] Tom est dos au mur. En l'espace d'une semaine, il a été cambriolé, tabassé et on a égorgé son agente. Il n'est pas pressé de découvrir ce que lui réserve la prochaine étape.
Un curieux personnage que ce monsieur Bello : polytechnicien précoce, homme d'affaires français installé aux US, fasciné par les vraies fabulations et les faux mensonges, proche de la mouvance des "objectivistes" un courant de pensée voisin des libertariens, fondé par Ayn Rand où l'on retrouve les partisans du plus pur laissez-faire capitaliste comme Alan Greenspan (l'ex-patron de la FED) ou Jimmy Wales (le fondateur de Wikipédia).
Le bouquin est une construction alambiquée à plusieurs étages (un bouquin dans le bouquin dans le bouquin), l'auteur est un habitué de l'exercice.
En prologue (et en épilogue) Antoine Bello lui-même prétend avoir reçu un manuscrit expédié par un ami (Vlad Eisinger qui lui sert donc ici de pseudo) et nous propose donc de découvrir cette histoire.
Un roman où Vlad Eisinger raconte son enquête dans les milieux d'affaires US des câblo-opérateurs.
Poursuivi par les avocats et les sbires des puissants dont il entend dénoncer les malversations, Eisinger tente une pirouette en mettant en scène un écrivain, Tom Capote (hommage à Truman C.) qui raconte son enquête dans les milieux d'affaires US du pétrole et de la fracture hydraulique.
Poursuivi par les avocats et les sbires des puissants dont il entend dénoncer les malversations, Tom Capote ... etc.
Aaaargh ! Il faut s'accrocher mais Antoine Bello connait son affaire : sa construction savante est farcie d'humour, d'auto-dérision, de références littéraires, on se régale !
[...] — Tu remontes d'un cran en racontant l'histoire du type qui a écrit le premier livre. Mon salaud, il fallait y penser ! Songeuse, elle ajouta :
— Je me demande si tu pourras rééditer le coup une troisième fois ?
[...] Il se trouve que mon arme à moi consiste à brouiller les frontières entre la fiction et la réalité. Je ne sais faire que ça.
Et puisque l'on parle de bouquin(s) dans son bouquin, il pousse même la coquetterie jusqu'à citer des critiques littéraires (journaux, blogs, ...) de ces romans (pas vraiment le sien, ceux qu'il met en scène, mais bon, le lecteur n'est pas dupe) :
[...] L'intrigue tient sur une carte postale, les personnages sont taillés à la hache, le style utilitaire, mais l'ensemble dégage une vitalité irrésistible.
[...] Je n'arrivais pas à trouver le résultat mauvais. Appuyé, racoleur, simpliste peut-être, mais pas mauvais.[...] Un hommage au roman noir, pour déboucher sur une interrogation plus vaste du caractère sacré du langage et des pouvoirs de la littérature.
L'élégance, c'est que ces vraies-fausses critiques sont tout à fait judicieuses et appropriées, bien sûr !
Quelques longueurs (du fait des emboîtement gigognes) mais nécessaires pour qu'à mi-parcours le roman prenne son véritable envol.
Un polar original, amusant et bien mené, qui a le mérite de nous faire découvrir ces fameux "objectivistes" (l'un des personnages en fait partie) dont on pourrait bien reparler puisque nous sommes loin d'en avoir terminé avec le trumpisme.
Pour celles et ceux qui aiment les constructions tordues.
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