mercredi 1 avril 2020

L'espion inattendu (Ottavia Casagrande)

[...] Les lettres de toute une vie.

Voici un roman inattendu qui partage quelques points communs avec le Looping d’Alexandra Stresi : une biographie romancée de grands-parents, l’Italie du Duce et la revue légère d’une période de l’Histoire, façon feel good story sans prise de tête.
Avec L’espion inattendu, l’italienne Ottavia Casagrande entreprend ici de nous retracer la vie de son grand-père Raimondo, un aristo mi-dandy mi-espion de Mussolini, ou du moins une partie de sa vie et plus précisément ses amours avec Cora, une jeune et belle espionne britannique.
[...] Nous avons trouvé au grenier une vieille valise cabossée, et [...] cette valise contenait toute la vie de Raimondo. Photographies, billets n’ayant plus cours, factures impayées, pinces à cheveux et lettres, une montagne de lettres. Les lettres de toute une vie.
Époque oblige, on fera même une excursion dans le Haut-Adige dont nous avions découvert l’Histoire tragique avec l’admirable roman de Francesca Melandri, Eva dort (encore un autre coup de cœur) :
[...] Le Sud-Tyrol, allemand depuis des générations, n’est devenu italien qu’en 1919, à titre de dédommagement pour la Grande Guerre. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ici, entre Italiens et Allemands, ce n’est pas le grand amour. Et la politique fasciste d’italianisation forcée n’a certainement rien arrangé. 
L’espion d’opérette et son apprentie Mata Hari se piquent de vouloir éviter l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés du Führer.
[...] Il avait tenté par tous les moyens de dissuader les haut gradés de l’armée et les dirigeants du gouvernement d’entrer en guerre. 
L’intrigue se déroule du côté des forces de l’Axe donc et il n’est pas inintéressant de partager un point de vue inhabituel sur cette période, bien éloigné de notre Histoire Officielle.
[...] Beaucoup voyaient dans le régime nazi une force nouvelle, alternative à la démocratie et au communisme.
[...] En 1940, la nouvelle Allemagne nazie exerçait une fascination irrésistible. On vantait son extraordinaire puissance. On admirait ses incroyables progrès technologiques et économiques en chantant les louanges de l’obéissance, de la discipline, de l’assurance, du dynamisme, de la vitalité et de l’inégalable énergie virile du peuple allemand. 
Et tout cela sans prise de tête puisque Raimondo et Cora vivront insouciants et inconscients des aventures pour le moins rocambolesques.
[...] Les nobles idéaux n’étaient pas faits pour lui. Il l’avait compris, désormais. Ils le faisaient sourire. Pire, ils le mettaient mal à l’aise.
[...] L’amour du risque, les vertiges du danger et un vague sentiment de révolte. Un besoin irrésistible de dépasser les bornes, d’enfreindre les règles, de fouler aux pieds les conventions.
[...] Des raisons de vivre – quoique moins nobles –, trois au moins lui venaient à l’esprit : le corps superbe de Cora ; l’ivresse, quelle que fût son origine ; les blagues stupides qu’il faisait sans distinction à ses amis et à ses ennemis… Sans compter ces broutilles essentielles à sa survie : les douces soirées d’été, le parfum des tubéreuses, le frou-frou des combinaisons de soie, les films d’Errol Flynn, les nuits étoilées dans le parc. 
Un excellent roman sans prétention, une écriture légère sur des événements graves.

Pour celles et ceux qui aiment les espions.
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