lundi 1 avril 2024

Krummavisur (Ian Manook)


[...] Il n’aura fait que chanter le Krummavísur.

L'auteur, le livre (416 pages, 2024) :   

Ian Manook : ce nom ne nous est pas inconnu puisque c'est celui qui, il y a dix ans, avait signé Yeruldelgger dans les steppes mongoles et qui relançait le genre dit du polar ethnique.
Ian Manook c'est l'un des nombreux pseudos de Patrick Manoukian, journaliste au look de Commandant Cousteau (il écrit notamment sous le nom de Roy Braverman pour des trucs plus américains).
Depuis quelques livres, Manook a délaissé l'Asie centrale pour partir chasser sur d'autres terres sauvages, en Islande, avec une série de polars qui mettent en scène un flic ingérable et controversé dénommé Kornelius Jakobsson
On attaque ici par le troisième épisode : Krummavísur, qui peut se lire sans les précédents (dont il serait quand même dommage de ne pas profiter !).
Cet épisode nous emmènera même faire un petit tour au Groenland sur des terres glacées que l'on connait un peu mieux depuis un autre auteur, bien frenchy lui aussi malgré son pseudo : Mo Malø, qui nous avait déjà fait découvrir l'accident de Thulé et l'incroyable Camp Century des américains, que l'on retrouve ici.

On aime :

 Manook est allé chercher tous les clichés connus sur l'Islande (et même le Groenland voisin) pour nous les resservir dans une histoire pleine de bruit et de fureur, de glaces et de tempêtes. Pas sûr que les îliens natifs apprécient vraiment le dépliant touristique mais pour notre part, nous ne bouderons certainement pas notre plaisir coupable. D'autant que tout cela est assaisonné d'un humour caustique bien savoureux, très "second degré". 
 On rigole même franchement avec deux ou trois personnages, comme l'agent Komsi qui caricature un de nos travers de langage bien français (pffff, c'est pas comme si on parlait toujours comme ça) ou encore cet inspecteur Ari, impayable avec ses proverbes idiots tirés des carnets de son grand-père.
[...] — Il s’appelle vraiment inspecteur Harry, comme Clint Eastwood dans…
— Non, Alma, il s’appelle Ari Eiriksson, et il est donc pour moi l’inspecteur Ari.
[...] — Qui aime les œufs ne mange pas de poule.
Kornelius le regarde en écarquillant les yeux.
— Quoi, se justifie Eiriksson, ça veut dire qu’il ne faut pas détruire ce qui nous nourrit, qu’il faut prendre soin de la terre, qu’il…
— J’avais compris, coupe Kornelius. Combien de proverbes a inventés ton fichu grand-père ?
— Sept cent trente-quatre, dans douze carnets reliés.
[...] — Pas la peine de couper les ailes à un mouton, lâche Ari, je vais me trouver une location à Höfn.
— Pas la peine de quoi?
— Pas la peine de chercher à comprendre ses dictons, intervient Kornelius. Son grand-père en a inventé sept cents, tous plus incompréhensibles les uns que les autres.
— Sept cent trente-quatre, dans douze carnets qui…
— On s’en moque, lâche Kornelius.
 On apprécie également que l'auteur brosse un tableau rapide mais assez complet de ces régions (Islande et Groenland) et ne se prive pas de convoquer un peu de géopolitique, même si c'est pour railler copieusement les pays colonisateurs : les US et le Danemark. 
[...] Cette période difficile où se dessine l’indépendance d’un Groenland que la Chine et la Russie convoitent déjà sans vergogne. 
[...] — Tous ces Américains… 
— Les Américains ne peuvent pas être responsables de tout, Kuppik. 
— Peut-être, mais ce sont eux qui donnent l’exemple et qui mènent le monde.

L'intrigue :

Tout commence comme dans tout bonne histoire islandaise d'espionnage, par la réapparition de l'épave d'un avion US perdu dans les glaces, façon Opération Napoléon comme l'avait déjà imaginé Indridason.
Dans le même temps, bien loin du glacier Vatnajökull, une autre intrigue se noue à Reykjavik : l'Islande est un village où les secrets ne le restent pas bien longtemps, surtout si l'on est un homme politique bien en vue mais intéressé par les très jeunes filles. 
Manigances politiciennes, avocats véreux, voyous lituaniens, ingérence de la diplomatie US et de ses services secrets, corruption politique, manipulation et dissimulation de preuves, le lecteur a droit à la totale, impatient de voir les deux affaires se rejoindre. Parce que forcément hein ...
Avec un beau dénouement qui emportera tout cela dans le bruit et la fureur de l'île.
[...] Son geste satisfera tout le monde. On pourra penser que c’est un nouveau fardeau lourd à porter pour Kornelius, mais lui s’en moquera et ne se confiera à personne.
Après tout, il n’aura fait que chanter le Krummavísur.
Le Krummavísur est une chanson traditionnelle islandaise qui a été reprise, notamment, par Björk (pour celles et ceux qui aiment les vocalises de Alda Björk Ólafsdóttir moins célèbre que son homonyme !).

Pour celles et ceux qui aiment les glaçons, façon polar on the rocks.
D’autres avis sur Babelio.
Livre lu grâce à 20 Minutes et aux éditions Flammarion.
Mon billet dans 20 Minutes.

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