[...] Qu’est-ce que je fais là, dans ce pays ?
On est habituellement pas trop fan des polars ‘historiques’ mais on n’a pas regretté l’exception faite pour ce polar (premier d’une série) de Abir Mukherjee : L’attaque du Calcutta-Darjeeling.D’abord parce que si Mukherjee nous emmène loin en Inde à Calcutta, il ne remonte pas très loin dans le temps : 1919, la Grande Guerre vient juste de se terminer, pas mal de britanniques essayent de se refaire une vie (et une bonne fortune) dans les colonies d’un Empire pourtant déjà à l’agonie.
♥ Ensuite parce que l’auteur n’est pas tout à fait ordinaire : c’est un écossais (d’origine indienne bien sûr) et il profite de son bouquin pour nous détailler la fin de l’Empire indien en égratignant généreusement ses concitoyens ‘anglais’ à l’arrogance typique des colons.
Son regard caustique, acerbe, presque cynique sur le racisme des britanniques et plus généralement l’Inde politique et sociale de cette époque est tout simplement passionnant.
[...] On trouve une arrogance particulière chez l’Anglais de Calcutta qui n’existe pas dans beaucoup d’autres postes avancés de l’Empire. Elle vient peut-être de la familiarité. Après tout, les Anglais sont au Bengale depuis cent cinquante ans et semblent considérer les indigènes, notamment les Bengalis, comme assez méprisables.Le cas des métis anglo-indien (les tchee-tchee) est également évoqué de même que de curieux parallèles avec la situation irlandaise des îles britanniques.
[...] En Inde, on dirait que même la loi et l’ordre sont subordonnés à la dure réalité de la race.
Côté histoire policière, Wyndham, un ancien de Scotland Yard, vient d’arriver dans une Calcutta trop chaude et trop humide. Sa vie a été ravagée par la Guerre, il est devenu opiomane.
[...] Qu’est-ce que je fais là, dans ce pays où les indigènes vous méprisent, où le climat vous rend fou et où l’eau peut vous tuer ?Accompagné d’un sergent indien (habile personnage) il va lui falloir démêler le meurtre d’un haut fonctionnaire britannique retrouvé égorgé dans une sombre ruelle aux portes d’un bordel et l’attaque du train où rien n’a été volé et personne n’a été blessé.
[...] C’est pourquoi l’assassinat de MacAuley a fait tant de bruit. C’est une attaque sur deux niveaux. D’abord elle nous montre que certains Indiens au moins ne se considèrent plus comme inférieurs, au point de réussir à assassiner un membre aussi en vue de la classe dominante, et ensuite parce qu’elle détruit la fiction de notre supériorité.Ces deux affaires sont-elles liées, s’agit-il de crimes crapuleux ou d’attaques terroristes à l’heure où le mouvement pour l’indépendance prend de l’ampleur ?
Cette lente enquête (il faudra attendre les dernières pages pour avoir le fin mot des deux ou trois histoires que l’on croise) est l’occasion d’une immersion instructive dans l’Inde de cette époque.
Le livre se termine au moment du massacre d’Amritsar (dans une autre région, le Pendjab) dont l’Inde a commémoré le centenaire l’an passé.
Pour celles et ceux qui aiment l'Inde.
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1 commentaire:
Bonjour, ce roman vient de recevoir le prix du polar européen du journal Le Point. Je l'ai dans ma PAL. J'espère qu'il me plaira autant qu'à vous. Bon dimanche.
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