[...] Cette histoire tournait au mauvais feuilleton.
Après le bouquin de Vanessa Schneider qui nous faisait revivre les années 80 d'Action Directe, on ne pouvait pas laisser passer Le rouge et le brun de Maurice Attia qui nous invite quelques petites années avant, à Rome, au moment même où les Brigades Rouges viennent de kidnapper Aldo Moro.Maurice Attia compte quelques années de plus que Vanessa Schneider : il est né en 49 et il rappelle donc ici des événements qui ont marqué son parcours.
Son bouquin est assez surprenant : dans une première partie nous suivons les pas d'un ex-flic devenu journaliste (il part donc en Italie pour couvrir ces événements) et tout cela nous est raconté d'un ton un peu désinvolte, avec pas mal d'humour à la limite du vaudeville, d'un style un peu désuet, on se croirait presque en compagnie de Nestor Burma chez Léo Malet.
Pour les plus jeunes, l'auteur se charge de rappeler les tragiques événements et leur contexte.
[...] L’année 77 avait été marquée par une contestation généralisée, sociale et culturelle. L’extrême gauche avait décidé de se confronter violemment à l’État. Les Brigades rouges avaient organisé des sabotages, des séquestrations, des humiliations publiques, puis tiré dans les jambes et enfin assassiné policiers, carabiniers, magistrats, journalistes, universitaires jusqu’au point d’orgue : l’enlèvement d’Aldo Moro.[...] Le 16 mars 1978 en fin de matinée, l’incroyable dépêche de l’AFP était tombée : Aldo Moro avait été enlevé par les Brigades rouges.[...] Dans un tel bras de fer, Aldo Moro avait peu de chances de s’en tirer. Il aurait droit à des funérailles nationales ; on donnerait son nom à des rues, des avenues, des places. À moins d’une délation par l’un des complices des BR, il serait sacrifié sur l’autel de la raison d’État. Ce n’était pas le premier et ce ne serait pas le dernier.[...] En Italie, l’extrême droite rêvait d’un retour au fascisme, l’extrême gauche d’une nouvelle Résistance et de lutte armée. Et dans l’ombre, comme l’avait suggéré Berlinguer, CIA, KGB et Vatican devaient jouer les marionnettistes de cette tragédie…
Le journaliste-détective avance difficilement, tout comme ses confrères italiens : personne ne sait trop comment tout cela va finir (ou plus exactement, tout le monde pressent bien comment tout cela va mal finir).
[...] J’avançais en aveugle, en terre et langue inconnues. À enquêter sur un accident dans une ville en état de siège.
À mi-parcours le bouquin, délaissant Aldo Moro en mauvaise posture, bascule d'un tout autre côté à une toute autre époque : en France, l'épouse du journaliste découvre la correspondance de ses ancêtres et un épisode historique méconnu, celui de "fort Chabrol" [clic] lorsque des radicaux antisémites se retranchent en 1899 dans le bâtiment de leur journal (l'Antijuif) en pleine révision du procès Dreyfus.
Là encore, une narration un peu ironique, un peu désuète, un soupçon d'érotisme (un peu hors de propos !) qui frise l'exercice de style.
[... Des] idéologues médiocres et racistes, de personnages que rien ne fédérait sinon la haine du socialisme, du franc-maçon et du juif.[...] Au mauvais moment au mauvais endroit. Comme tant de gens, victimes civiles d’un terrorisme aveugle ou pas.[...]Nul doute que l’extrême droite renaissait toujours de ses cendres. Comme l’antisémitisme.[...] Le terrorisme. Cette terreur la mieux partagée. Le Rouge et le Brun ne s’épousent-ils pas ?
Oui bien sûr, on l'avait compris dès la couverture, l'auteur entend nous faire comprendre les méfaits de la terreur rouge comme de la peste brune au travers de deux épisodes historiques.
La mise en scène est plutôt naïve et maladroite mais, parti sur les traces d'Aldo Moro, on se retrouve curieux de cet épisode de 1900, aux racines de l'extrême droite française qui, à l'époque, n'avait pas encore l'islam en ligne de mire mais plutôt "le juif" qui vote pour elle aujourd'hui. Curiosité historique.
Pour celles et ceux qui aiment l'Histoire.
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